jeudi 28 avril 2022

Une lueur dans l'obscurité - Michelle [Chronique express]


Andréa Generali
Les Editions Cherry Publishing (2021)
288 pages

Synopsis :
Afin d’aider financièrement son père durant cette sombre année 1942, Michelle trouve un travail en tant que femme de ménage dans un manoir non loin de son petit village de Mignière. Mais la jeune femme au caractère effacé est loin de se douter que des officiers allemands habiteront le lieu où elle doit loger. Son appréhension se transforme alors en fascination pour un résident, un mystérieux capitaine qu’elle observe chaque soir à la fenêtre de la cuisine. Il est intimidant, charismatique mais aussi terriblement dangereux. Elle se retrouve rapidement dans une fâcheuse posture où elle se confronte à lui. Un lien se tisse entre ces deux êtres que tout oppose mais le mystère persiste. Qui est donc réellement cet officier allemand que tout le monde semble redouter ?

[CHRONIQUE EXPRESS]

"Une lueur dans l'obscurité" a la particularité de nous présenter l'histoire en deux tomes, le premier, du point de vue de Michelle, l'héroïne, une jeune française qui travaille comme domestique dans un manoir, quand celui-ci va être "réquisitionné" par des officiers allemands, et le deux tome, est la même histoire, mais du point de vue de Hans, l'officier allemand dont va tomber amoureuse Michelle.

Alors, je dois dire que j'ai bien apprécié ce livre, mais j'ai un petit problème avec l'héroïne, qui est un peu trop niaise et manque énormément d'estime d'elle-même....Tout en agissant parfois de manière totalement téméraire, voire suicidaire (comme partir en pleine nuit de couvre-feu dans la forêt pour aller faire une surprise à son père, pour son anniversaire.....).

L'histoire d'amour entre Hans et Michelle, est, certes, très belle, très romantique et assez intense (l'auteure, Andréa Generali sait bien "faire monter la sauce"), mais le fait d'avoir seulement le point de vue de Michelle dans ce livre, cela me laisse un goût amère car je trouve que c'est quand même une fille qui a peu de personnalité....

Apparemment, elle est extrêmement belle, mais n'a pas l'air de se rendre compte de sa beauté et de son "pouvoir d'attraction" sur les hommes....Une chose que je déteste (que l'héroïne ignore sa beauté et se dénigre....). 

Par contre, j'ai aimé les scènes où nos deux héros se retrouvaient "comme par hasard", notamment le passage avec "le lac".....Et quand Hans apprend à Michelle à se servir d'une arme....

Concernant les personnages secondaires, j'ai énormément apprécié Mathilde et Jeanne, ainsi que Pierre. 

Le père de Michelle est très particulier...Ayant été veuf très tôt, il a pratiquement élevé tout seul sa fille et la traite de manière assez dure - d'où le manque de confiance de la jeune femme - mais à priori, de la part de cet homme, c'est pour lui apprendre à "se défendre" et "s'endurcir".....

Heureusement que Hans, notre héros allemand, est beaucoup plus diplomate et perspicace....C'est lui qui va permettre à Michelle d'avoir confiance en elle, de prendre de l'assurance...Et je dois dire qu'il a fait un travail spectaculaire !

Après, au niveau de la résistance, des collabos et de toutes les choses horribles qui peuvent se dérouler pendant la guerre, j'ai trouvé que l'auteure avait bien raison de se pencher sur ce sujet (notamment la partie où Michelle part en Pologne).....Mais encore une fois, je n'ai pas compris la stupidité de notre héroïne, qui va ensuite, à la libération, essayer de retrouver Hans, notamment en s'adressant à l'administration....Les femmes qui se font tondre la tête en place publique pour avoir couché avec des allemands, elle n'est pas au courant ?.....

Bref, même si j'ai passé un bon moment de lecture, notamment parce que c'était un amour interdit, je trouve que le comportement de Michelle laissait parfois à désirer....Et cela, dès le début quand elle se pose en "éternelle victime" face à tous les vicieux libidineux (son patron ou le mec qui l'a agressée dans la rue et qui croit être intouchable parce que son père travaille dans la police collabo....).

Du coup, est-ce que je vais lire le tome consacré à Hans, de son point de vue à lui ? Sans doute, parce que malgré mes quelques critiques négatives quant à au caractère "faible" de Michelle, j'ai été charmée par Hans, et je me doute que pour cet homme, qui est un héros de guerre (voire plus...No spoilers....), avoir rencontré cette jolie oie blanche et pure, cela a dû le retourner totalement....

Du coup, je suis assez curieuse de découvrir son point de vue et la manière dont il a perçu Michelle, car vous l'aurez compris, dans ce premier tome, Michelle ne cesse de se dénigrer alors que finalement, elle a quand même fait des actes hors-normes....

Est-ce que je vous conseille ce livre ? Oui, pourquoi pas, si vous n'avez pas peur de vous glisser dans les pensées d'une jeune femme qui se dévalorise constamment et fait parfois des choses totalement absurdes....Mais qui a aussi des bons côtés (trop bon, trop con, comme on dit....).....Mais à mon avis, le 2ème tome, du point de vue de Hans, sera sans doute plus rigoureux, plus "sérieux" et j'ai quand même envie de savoir comment ce bel officier - qui avait la possibilité d'avoir n'importe quelle femme dans son lit - a fini par tomber amoureux de Michelle, notre jolie oie blanche si peu sûre d'elle-même.....

Quelques citations :

"— Laissez-moi tranquille ! criai-je. Sans réfléchir, je le contournai et partis en courant. Mais ses jambes furent plus rapides que les miennes et il me rattrapa pour me plaquer, cette fois contre le mur. Il m’immobilisa de sa main droite et leva la gauche pour m’assener un violent coup au visage. La douleur pulsa dans tout mon crâne et me coupa le souffle. — Reste là, on n’a pas fini de causer ! Je mis quelques instants avant de pouvoir rouvrir les yeux. Je restai pétrifiée sans plus pouvoir articuler un seul mot. Tous mes membres tremblaient, et je tentai de chercher un passant du regard, quelqu’un qui aurait pu mettre fin à mon calvaire. Mais il n’y avait personne. J’étais la seule à devoir affronter cet aliéné. — Tu dois savoir que mon père est dans la police, m’informa-t-il. Il a des relations avec les Allemands alors si tu ne veux pas qu’ils t’embarquent, tu as plutôt intérêt à ne parler de ça à personne et à faire tout ce que je te demande, c’est compris ? Je n’entendais déjà plus ce qu’il me disait. Son bras était resté plaqué sur moi et continuait à me maintenir de force contre ce mur. Soudain, un claquement de porte retentit, ce qui l’interrompit aussitôt. Un homme passa tranquillement devant nous et continua son chemin sans nous prêter attention. Mon assaillant me relâcha d’un coup afin d’observer l’homme s’éloigner. J’aurais pu profiter de ce moment pour m’enfuir et pourtant je restai là, tétanisée, incapable de faire quoi que ce soit. — Bon, on reprendra cette discussion plus tard. Ne t’inquiète pas, je te retrouverai, ma belle ! Sur ces mots, il s’éclipsa, me laissant seule et repliée sur moi-même, hagarde".

"Au fil des jours, mes observations à la fenêtre finirent par me faire connaitre les habitudes d’entrées et de sorties de chaque résident. Les officiers revenaient généralement à la même heure à l’exception de ce capitaine, qui, comme chaque soir avant de regagner le château, s’asseyait sur les marches pour fumer une cigarette. Je me surpris alors à le contempler dès lors que je me retrouvais dans la cuisine. De loin, il me faisait un peu moins peur, j’avais l’impression d’être une petite souris qui observait un chat, à sa guise, en parfaite sécurité. J’examinai ses gestes, sa façon de se déplacer. Je pouvais y deviner une certaine rigueur militaire, le charisme d’un caractère affirmé. Je me demandais à quoi il pouvait bien penser dans ses moments de solitude. Peut-être avait-il une fiancée ? Songeait-il à elle ? Il devait avoir hâte de rentrer en Allemagne pour aller la retrouver. Pourquoi fallait-il que tous ces hommes soient obligés de sacrifier leur vie à cause des idées d’un seul ? La guerre devenait une aberration pour moi. Elle m’était de plus en plus difficile à comprendre".

"Elle devait en connaître un rayon sur les nazis pour être capable de reconnaître le grade rien qu’en regardant leurs galons d’épaules. — C’est ton père qui t’a appris à reconnaître leur grade ? questionnai-je. — Oui, mon père a une sacrée passion pour les Allemands. Et c’est ironique quand je dis ça. Alors, il m’a appris à les reconnaître et par la même occasion à m’en méfier. Elle regarda autour d’elle, puis s’approcha de mon oreille. — Surtout des SS, chuchota-t-elle. Ce sont de vrais salopards ceux-là, ils arrêtent tous les juifs et tuent les gens qui essaient de les cacher. Au ton de sa voix, je sentis la rage latente qu’elle tentait vainement de dissimuler. Je n’avais, de toute évidence, aucune idée des épreuves qu’elle avait pu vivre, mais il me semblait cependant en deviner la cause".

"Un bruit me sortit tout à coup de mes pensées. La voiture des officiers était arrivée. Tapie dans la pénombre, j’observai le capitaine se diriger vers les marches et s’y asseoir. Ses deux autres coéquipiers passèrent devant lui et le saluèrent d’un signe de tête avant de rentrer. La nuit tombée me permit alors de le contempler sans craindre de me faire remarquer. Les lumières du château le dévoilaient sous un angle que je n’avais encore jamais vu. Ma respiration s’apaisa. L’espace d’un instant, j’oubliai monsieur Delannais, Mathilde et tous les autres, et me concentrai sur le visage de l’homme que je redoutais tant et que je guettais depuis quelques jours. Il déposa sa casquette à côté de lui et lissa ses cheveux bruns d’une main. Ces derniers étaient coiffés en arrière et coupés plus court sur les côtés, la coupe militaire de la Wehrmacht par excellence. Il avait déboutonné le haut de son uniforme et je pouvais deviner, à travers celui-ci, la musculature de ses bras et de son torse. Bon sang ! Je devais l’admettre, il était beau… Il portait des insignes militaires, dont l’aigle allemand à gauche et la croix de fer nazie à droite. Une arme était rangée dans un étui accroché à son ceinturon. Je détournai les yeux. Il était si impressionnant là-dedans ! En l’observant sous cet angle, il me faisait encore plus peur. J’aurais dû le haïr pour ce qu’il était, pour l’uniforme qu’il portait ; pourtant à cet instant, je fus plus encore intriguée par cet homme que je devais considérer comme mon ennemi"

"Je me demandais quel genre d’Allemand il pouvait être. Le genre conciliant et diplomate ou impitoyable et sanguinaire ? Et si Mathilde s’était trompée dans ses propos ? Après tout, qu’en savait-elle ? Peut-être avait-il simplement gagné ses échelons en ayant fait preuve de sérieux dans sa carrière. Peut-être pouvait-il réprimander monsieur Delannais pour son attitude ? Et puis quoi encore ? Demander à un ennemi de me protéger ? Sérieusement, Michelle ? Je devais cesser de penser comme une fillette complètement naïve ! Il était dangereux. Demander de l’aide à un nazi était bien la dernière des choses à faire…".

"— J’espère que vous me le direz. — Pardon ? hoquetai-je. — S’il recommence à vous hurler dessus comme il l’a fait. Je me plaçai droit devant lui, pantoise, les yeux écarquillés. — Sachez que tant que je serai dans cette maison, je compte bien faire respecter certaines règles et l’humiliation gratuite des employées n’en fait pas partie. Je l’ai averti, s’il ose encore se comporter ainsi, je l’expédie en camp de travail, lâcha-t-il sèchement. Et moi qui avais cru aux remords de mon patron ! C’était donc l’intervention du capitaine, l’explication à son changement de comportement. Je restai abasourdie par la nouvelle. Pourquoi avait-il fait ça ? Il avait eu pitié de moi ? Oui, sans doute… Il relâcha doucement ma main et me regarda sans bouger. Il examinait les contours de mon visage en silence. Les battements de mon cœur résonnèrent dans tout mon corps et rosirent mes joues. — Merci, capitaine, chuchotai-je avant de m’éclipser. — Je vous en prie, appelez-moi Hans. J’étais forcée de l’admettre, en plus d’être beau et charismatique, il ne manquait pas d’humanité ni d’empathie. Mon cœur se resserra à cette pensée".

"— Qui vous a frappée ? voulut-il savoir, rompant ainsi mon silence. Je tressaillis et touchai du bout des doigts l’hématome que j’avais pourtant pris soin de camoufler. — Vous avez vu la marque sur mon visage ? murmurai-je d’une voix mal assurée. — Je l’ai remarquée, oui, lorsque vous étiez inconsciente. J’entrouvris la bouche, hésitante. Il continuait à me scruter avec cette expression toujours aussi neutre et inflexible, aux antipodes de la mienne qui me trahissait si bien. Cette fois-ci, j’étais forcée d’abdiquer. — C’est un type en ville qui m’a agressée. — Qui ça ? s’enquit-il d’un ton froid. — Je ne le connais pas. Il me suivait depuis un moment et ce jour-là, il m’a coincée dans une ruelle et il m’a frappée. Son père est dans la police… il m’a menacée de me faire arrêter par les Allemands si… j’en parlais à qui que ce soit. — Vraiment ? dit-il en arquant les sourcils. Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? — Je ne sais pas… je ne voulais pas… bégayai-je en baissant les yeux au sol".

"La douceur de ce mois de juin me donna soudainement une idée. Je retirai ma robe et plongeai tête la première. La température me saisit. La belle journée d’aujourd’hui n’avait visiblement pas eu le temps de réchauffer l’eau. Je m’immergeai toute entière dans un silence absolu, un silence qui me fit tout oublier et vivre l’instant présent. Une fois revenue à la surface, je fermai les yeux en profitant encore une fois de la chaleur des rayons du soleil. Je lissai mes cheveux et lâchai un long soupir. « Je ne sais plus où elle est… » Non, mais, quelle idiote ! Je n’avais pas eu autre chose de plus intelligent à lui dire ? Comme la vérité par exemple ? Je recouvris mon visage de mes mains et ma gorge se serra. Quand déciderais-je enfin d’être courageuse ? Je pivotai sur moi-même et allai rebrousser chemin quand soudainement, mon cœur fit un bond. Le capitaine était assis, adossé à un arbre non loin de là où j’avais sauté. Il portait une chemise blanche dont il avait retroussé les manches et tenait dans ses mains un livre ouvert. Il avait gardé son pantalon militaire ainsi que ses bottes noires. Mince ! Comment ai-je pu ne pas le voir ? Quelle brillante idée de te baigner en sous-vêtements, Michelle ! Je m’affaissai. Je touchai l’eau du bout du nez et tentai de filer à l’anglaise en nageant le plus discrètement possible. Je ne le quittai pas des yeux. Je tenais à observer le moindre de ses mouvements. — Je vous ai vue, Michelle, lança-t-il alors sans même bouger la tête. Je tressaillis et partis rejoindre le bord du lac afin de me cacher avec quelques roseaux. — Je ne me suis pas aperçue que vous étiez là, dis-je, perplexe. — Pourtant, je n’ai pas bougé depuis tout à l’heure. À force de toujours baisser votre tête, vous ne voyez pas grand-chose de ce qu’il se passe autour de vous. Il leva les yeux de son livre et m’adressa un sourire en coin. Je m’enfonçai dans l’eau en détournant le regard. Pourvu qu’il ne s’aperçoive pas que je suis en sous-vêtements ! J’enserrai mes bras et cherchai tout autour de moi un moyen de me sortir de là. Faudrait-il que j’attende qu’il parte ?".

— Vous avez un fiancé ? Mon cœur s’emballa. Je me retournai d’un coup, troublée par sa question. — Pourquoi me demandez-vous ça ? — Eh bien, vous m’aviez posé la question la dernière fois, alors je pense être en droit de faire pareil. Je regardai mes pieds et tentai de réfréner un sourire. — Non, je n’en ai pas. La plupart des Français de ce village sont partis à la guerre, et ceux qui sont revenus ne m’intéressent pas. — Vous vivez avec vos deux parents ? — Seulement avec mon père, ma mère est morte quand j’étais enfant, répondis-je en tournant ma tête vers le lac. — Ce qui explique alors pourquoi vous avez si peur de le décevoir. J’enroulai nerveusement le tissu de mon vêtement autour de mes doigts. Se pouvait-il qu’il ait raison ? C’était vrai, je n’avais que lui. Il était la seule personne qui me restait, le seul être que j’aimais plus que tout. C’était sans doute la raison pour laquelle le mettre en rogne m’avait toujours été insupportable".

"Hans se tenait dans l’entrée de l’allée et me regardait, interloqué. Mes épaules s’affaissèrent d’un coup. Je lâchai un profond soupir en déposant la bouteille au sol. Mes yeux s’embuèrent de larmes tant la peur m’avait assaillie. — Que se passe-t-il, Michelle ? me demanda-t-il d’un ton ferme. Il s’avança vers moi. — Rien… vous m’avez fait peur, soufflai-je en me passant une main sur le front. Comment avez-vous su que j’étais là ? — Si votre intention était de vous cacher, vous auriez au moins dû éteindre les lumières ! J’émis un rire nerveux. Mes jambes ne tenaient plus. Je me laissai alors glisser le long du mur pour m’asseoir au sol. Le capitaine mit un genou à terre et continua à m’observer. — Pourquoi êtes-vous terrorisée comme ça ? reprit-il à voix basse. Il semblait attendre le moment où j’allais enfin vouloir me livrer à lui. Et cette fois-ci, il ne me lâcherait pas avant que je n’aie avoué les raisons de mon comportement. J’entrouvris la bouche et le regardai droit dans les yeux. Son air impassible me faisait presque peur. Mais il fallait que je me lance. — J’ai reconnu quelqu’un tout à l’heure dans la salle. L’homme qui m’a frappée au visage, avouai-je timidement. Je ne m’attendais pas à le voir ici, j’ai été surprise. — Le garçon sur lequel vous êtes restée fixée ? Il l’avait donc remarqué. Mon regard quitta alors le sien pour se poser sur mes mains. Je déglutis en hochant la tête. — Quand j’ai revu ses yeux, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à ce qu’il m’a fait dans cette ruelle, chuchotai-je. Ce jour-là, je me suis sentie si… vulnérable. Et au lieu de me défendre, je n’ai rien fait. Je suis restée tétanisée devant lui et encore aujourd’hui, je n’ai pas su me comporter comme il le fallait ! Ma voix se brisa. — Je revois constamment son visage en furie, ses mains qui me maintiennent de force… m’étranglai-je. Il soupira et déboutonna le haut de sa veste en fixant un point droit devant lui. — Vous n’avez pas à vous en vouloir, Michelle. C’est un jeu pour cet homme, il s’est attaqué à vous parce que vous êtes une proie facile. — Vous le connaissez ? — Il s’appelle Louis Debarre, c’est le fils d’un officier de police française. Lui et sa famille sont connus chez nous pour être de très bons collaborateurs. Un gloussement nerveux s’échappa de ma bouche. — Oui… tout comme monsieur Delannais. Lui et ses sous-entendus très explicites… ils sont vraiment tous faits du même bois, lâchai-je en grimaçant. — Votre patron vous a fait des sous-entendus ? me demanda-t-il en fronçant les sourcils. — Oui, enfin, peut-être bien… répondis-je, gênée de devoir en parler. Il m’a coincée ici un jour pour me proposer sa protection en échange de ma « compagnie ». Je baissai la tête et ris convulsivement pour dédramatiser la situation. Quand j’osai relever les yeux vers lui, son visage s’était fermé. Son regard était à présent froid et intimidant. — Très bien, Michelle. Il se leva et lissa sa veste. Il me tendit la main afin de m’aider à me remettre debout, puis se dirigea vers la porte d’un pas assuré. Sa réaction m’étonna. « Très bien, Michelle » ? Qu’avais-je dit ? À quoi pensait-il ? Qu’allait-il faire ? Je courus aussitôt pour le rattraper et le tirai par la manche de sa veste. — Attendez ! Qu’y a-t-il ? Qu’allez-vous faire ? Je… je ne veux pas que vous les arrêtiez ! Je ne veux pas être responsable de ça ! protestai-je. Faites comme si je ne vous avais rien dit. Ce n’est pas si important après tout…".

"À présent, veuillez ramener vos jolies fesses ici, mademoiselle Granier, ou je viendrai les chercher moi-même ! me somma-t-il en se raidissant. Je relevai les yeux. — Je ne suis pas un de vos soldats de la Wehrmacht à qui vous donnez des ordres, capitaine Von Stricher ! Il entrouvrit la bouche en esquissant un sourire, surpris qu’une telle réponse soit sortie de ma bouche. — Oui, tu as bien de la chance de ne pas être un de mes soldats, ou tu aurais eu le loisir de découvrir toute l’étendue de mon autorité après une telle réponse ! Les muscles de mon bas ventre se contractèrent. Nous restâmes tous les deux immobiles, nous regardant l’un l’autre d’un regard intense. Mon corps se tendit. Je brûlais d’envie de le défier, de repousser ses limites ainsi que les miennes. Voyait-il à quel point il me faisait frémir ? Se délectait-il de me voir ainsi, chamboulée par ces délicieuses sensations contradictoires qu’il faisait naitre en moi ? Spontanément, je me retournai et m’élançai vers le lac. Je courus le plus vite possible afin de le distancer, mais j’entendis bientôt ses pas se rapprocher à grande vitesse. Je sentis sa main me saisir le bras et un cri s’échappa de ma bouche, l’exaltation m’embrasant toute entière. Il me fit trébucher avec son pied, puis me retourna, se mit à califourchon sur moi et me bloqua les deux mains. Je tentai alors de me débattre de toutes mes forces en bougeant dans tous les sens. Mais après quelques secondes, je m’arrêtai, essoufflée, obligée de m’avouer vaincue. Il me regarda, un sourire aux lèvres. Je n’avais même pas réussi à le faire bouger d’un pouce ! — Ne t’engage pas dans la Résistance, Michelle, tu n’imagines même pas tout ce que la Gestapo pourrait te faire subir, souffla-t-il d’un air grave".


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