jeudi 28 avril 2022

Impitoyable [Chronique express]


Rosanne Bittner
Les Editions J'ai Lu (2005)
317 pages
Edition originale 1997

Synopsis :
Du ranch des McDowell, il ne reste plus que des ruines fumantes. Le cadavre du vieil Henry, hérissé de flèches, gît un peu plus loin, dans les herbes hautes. Quant à son gendre, Abel Carey, il a été dépecé alors qu'il était encore vivant. Un spectacle horrible ! Mais aucune trace de Tess, probablement enlevée par les Comancheros pour être vendue au Mexique, en même temps que le bétail volé... John Hawkins n'a jamais pu oublier la jeune femme aux cheveux flamboyants aperçue un jour dans un magasin d'El Paso. Jamais une femme ne lui avait semblé aussi désirable. Leurs regards s'étaient croisés, puis elle s'était détournée rapidement. Encore une puritaine, méprisante et effrayée par la haute silhouette de John, son teint basané et ses longs cheveux noirs d'Indien ! Parmi tous les Texas rangers, c'est pourtant lui qui est chargé de retrouver la captive. Quelle ironie du sort ! Mais peu importe. Il y a en lui une telle violence que la perspective de tuer quelques desperados n'est pas pour lui déplaire...

[CHRONIQUE EXPRESS]


Rosanne Bittner est une auteure américaine de romances historiques, notamment sur l'époque du Far West. J'avais adoré "Où le vent te mène" et je savais que sa manière d'écrire était assez réaliste par rapport à cette époque dure et sauvage où la loi du plus fort régnait et écrasait tout sur son passage.

Nous voici au Texas, avec Tess, une jeune femme qui a quitté sa Georgie natale avec son père après la Guerre de Sécession....Après avoir perdu sa mère et son petit frère dans l'incendie de leur maison......Une fois arrivée au Texas, Tess s'est marié avec un homme, et son père habite avec eux dans une petite ferme isolée, à quelques kilomètres d'El Paso.....

Et le problème avec les fermes isolées, c'est qu'elles sont souvent la cible d'attaques de comancheros, un mélange de hors-la-loi avec des mexicains, des blancs et des indiens (généralement des comanches).....

Et ça ne va pas louper, la ferme de Tess va être prise d'assaut....Son père va être tué dans la cour, pendant que son mari va se réfugier à l'étage sous le lit.....Tess, elle, va essayer de résister avec son fusil mais évidemment, que peut faire une femme seule (l'auteure Rosanne Bittner insiste beaucoup sur la lâcheté de son mari....Qui aura d'ailleurs une mort horrible, écorché vif....).....Tess, elle sera violée par le chef de la bande, un mexicain, Chino...(Un homme repoussant et très violent).

Heureusement, parmi les Texas rangers, qui sont censé faire régner l'ordre et aller à la poursuite des bandits, il y a Hawk (John Hawkins), qui est à 1/4 indien (sa grand-mère était sioux, plus exactement....Et son grand-père était français...), mais l'apparence physique de notre héros le décrit comme un indien "pur souche". Il a l'habitude de travailler en collaboration avec les hommes de loi ou de l'armée. 

C'est lui qui va arriver à sauver Tess (tout seul).....Tess qui va s'apercevoir quelques semaines après son sauvetage qu'elle est enceinte de Chino, son agresseur....

Du coup, elle va se retrouver au pied du mur, car il y a de fortes chances que son enfant naisse avec la peau bronzée et les cheveux noirs (puisque son violeur était mexicain)....Du coup, elle va demander à Hawk de l'épouser pour donner un père à son enfant à venir....Notre héros ne va pas se faire prier vu qu'il est tombé sous le charme de la jolie rousse, même si leurs échanges sont souvent électriques car il sait bien que les "blancs" le considèrent comme un sauvage (en même temps, toutes les femmes se retournent sur lui car il est magnifique)....

Hawk a aussi la particularité d'être très bon ami avec une ancienne prostituée, Jenny, maintenant tenancière d'un bar et qui est toujours là pour le consoler (de toutes les manières possibles, si vous voyez ce que je veux dire)....Pas jalouse pour un sou, cette femme remarquable (à mes yeux) va encourager Hawk à se marier avec Tess car elle a bien remarqué l'alchimie entre ces deux êtres dont tout semblait les séparer....

Je vous laisse découvrir les intrigues et les problèmes de corruption et la raison pour laquelle la ferme de Tess et de son père a été prise pour cible au début du livre....

J'ai vraiment adoré cette romance dans un Far West très cruel et impitoyable, notamment vis à vis des femmes.....Tess a beaucoup de chance de tomber sur un homme tel que Hawk, qui va l'aider à prendre de l'assurance et surtout qui va accepter de la prendre comme épouse, malgré son état de grossesse du à un viol....Cela montre à tel point cet homme est vraiment remarquable au niveau moral (en même temps, il est lui-même le fruit d'un viol et sait donc ce que sa mère a subit, et sait ce que c'est d'être un "batard"....). Et en aucun cas, l'enfant à venir est un "ennemi" pour lui....Au contraire, il s'engage à l'aimer comme son propre enfant ! (Et Tess ne se voyait pas avorter non plus....).

Je vous recommande "Impitoyable" à 100 %, en espérant, tout comme "Où le vent te mène" de la même auteure américaine, que les Editions J'ai Lu sortent une version mise à jour de sa couverture.....Si vous aimez les romances "dramatiques" vous allez aimer ce livre ! (qui finit évidemment très bien, je vous rassure !).

Quelques citations :

"Morte de peur, les doigts engourdis, Tess rechargea son fusil. Elle n'avait pas le temps de pleurer la mort de son père ou de se disputer avec Abel. Quel dommage de l'avoir épousé avant de connaître son vrai caractère ! Désormais, c'était trop tard ; lorsqu'une femme avait choisi son compagnon, son devoir exigeait qu'elle reste auprès de lui, n'est-ce pas ? Tess croyait dans ces valeurs fondamentales, mais il lui semblait qu'une épouse devait pouvoir respecter son mari et se sentir protégée".

"À moins que les soldats ne découvrent la ferme en ruine, les corps de son père et d'Abel, et comprennent qu'elle avait été enlevée. Partiraient-ils à sa recherche ? Il fallait l'espérer. Quoi qu'il arrive, elle ne devait surtout pas montrer sa peur à ses ravisseurs. À la première occasion, elle leur cracherait à la figure. Ne s'appelait-elle pas Theresa McDowell-Carey ! Elle avait survécu à la guerre civile, à la mort de sa mère et de son frère, à un changement de vie radical. Elle avait connu la prospérité d'une famille heureuse, installée dans une ferme florissante du Sud, puis la lutte quotidienne pour survivre dans cette région hostile du Texas. Elle avait plusieurs fois combattu des Indiens et aidé à les repousser. Cette fois-ci, la chance les avait abandonnés. Son père avait été assassiné ; elle devinait qu'Abel était mort lui aussi. Curieusement, elle avait été épargnée, et elle en profiterait. Elle voulait survivre ! Personne ne forcerait Theresa Carey à s'humilier et à supplier ses ravisseurs ! Depuis qu'elle avait vu Abel recroquevillé sous le lit, elle était d'autant plus déterminée à ne jamais se comporter en lâche".

"Il aimait relever ce genre de défis. Était-ce à cause du sang guerrier qui coulait dans ses veines ? Sa grand-mère avait été la sœur de Red Eagle, un Lakota craint et respecté. Un véritable guerrier cherche toujours à prouver sa valeur au combat. S'il avait grandi parmi les Sioux, John aurait probablement rejoint ses frères qui s'attaquaient aux milliers de soldats envoyés vers l'Ouest pour « nettoyer » les Indiens qui refusaient de vivre dans les réserves. Il n'avait jamais cherché à retrouver des membres de sa famille, car il se sentait étranger à leur monde. Depuis l'âge de quatorze ans, il vivait au Texas où il s'était réfugié avec sa mère après avoir tué l'homme qui avait tenté de la violer. Il n'y avait pas de Sioux comme lui au Texas, seulement des Comanches et des Apaches qui rivalisaient de cruauté".

"— C'est bien silencieux là-bas, Chino ! commenta une voix. Elle doit apprécier le nouveau venu. Toi, tu l'avais moins amusée... Si tu allais jeter un coup d'œil ? Quelqu'un émit un juron et John risqua un regard sous la toile du chariot. — Chino vient... Écartez vos jambes ! Tess le dévisagea, abasourdie. — Crénom, je vous ai dit de m'obéir quoi qu'il arrive ! Il lui saisit les cuisses, attristé d'y voir des bleus, et lui écarta les jambes de force. Tess recommença à le frapper. Maladroitement, il défit les boutons de son pantalon et le baissa, puis il coinça ses mains ligotées au-dessus de sa tête et commença des mouvements de balancier comme s'il la pénétrait. Tess s'arqua vers lui, le frappant avec sa tête. Il fut forcé de lâcher ses poignets et de la gifler : — Reste tranquille, sale chienne ! cria-t-il pour que les autres l'entendent. Bon sang, comme il détestait faire ça ! Il n'avait jamais frappé une femme de sa vie, sauf une Mexicaine qui avait essayé de le poignarder pendant qu'il arrêtait son petit ami. John entendit le rire de Chino derrière lui, et il comprit que le bandit avait regardé dans le chariot. — Elle l'aime aussi peu que nous autres, mais il s'amuse quand même ! Les autres ricanèrent. Quelques instants plus tard, John vérifia que Chino s'était éloigné. Tess s'était calmée. Elle le contemplait en silence, pétrifiée, et il s'aperçut que son corps avait réagi malgré lui au contact de la jeune femme. Sa virilité se pressait contre sa peau douce. Les seins blancs effleuraient son torse nu. Il lui serait facile de la prendre, sous prétexte de rendre la situation plus plausible... John s'écarta brusquement et se rhabilla à la hâte, furieux d'avoir cédé un bref instant à des instincts qui le rabaissaient au niveau des bandits. — Je suis désolé de vous avoir frappée, mais je devais rendre la scène véridique. Elle s'était recroquevillée sur le côté".

"Ne soyez pas désolé pour mon mari, sanglota Tess, le visage entre les mains. Il s'est caché sous le lit, vous vous rendez compte ! J'ai crié pour qu'il vienne se battre, mais il est resté dissimulé dans la chambre. Il a été trop lâche pour risquer sa vie afin de sauver celle de sa femme. Mon père est mort en essayant de me protéger. Mais mon mari... il s'est terré sous ce fichu lit ! — Seigneur ! grommela John, abasourdi par ces paroles. Si cette beauté avait été son épouse, il aurait tout risqué pour elle. Depuis leur rencontre, il l'admirait, même si elle n'était au fond qu'un petit bout de femme autoritaire et exaspérante... — Comprenez-vous comme c'est difficile de pleurer son mari en sachant tout cela ? Je devrais être triste, mais je ne le suis pas".

"— Prenez mon chapeau, dit John. Il sera trop grand et il a parfois servi à abreuver mon cheval, mais il faut protéger votre peau fragile, ou vous n'aurez plus de nez à la fin de la journée. Elle hésita à mettre le chapeau qui semblait un peu sale. — Et vous, vous n'en avez pas besoin ? — Des hommes comme moi sont faits pour supporter le soleil. Je le porte pour éviter d'avoir trop chaud, pas pour protéger ma peau. Je peux m'en passer pendant quelques jours. Le chapeau lui arrivait aux sourcils, et John ne put s'empêcher de sourire en la voyant. Quand il souriait, il devenait plus humain. Devinant qu'elle devait avoir l'air comique, Tess sourit à son tour. C'était un sentiment agréable ; elle avait pensé ne plus jamais sourire de sa vie. Mais la manière dont John la regardait la fit frissonner. Cet homme l'avait vue toute nue... — Vous avez dit que nous étions pressés, déclara-t-elle sèchement. John se rembrunit. Ce serait difficile pour Tess de redevenir elle-même, et il en était désolé. C'était une jeune femme belle, téméraire et bagarreuse... Il n'avait jamais rencontré quelqu'un comme elle".

"— Ma mère était une femme merveilleuse, mais elle a été maltraitée à cause de ses origines indiennes. Quand mon grand-père français a épousé une Sioux, ils se sont installés à St. Louis. Après la naissance de ma mère, il a été tué lors d'une rixe en sortant d'une taverne. Puis ma grand-mère sioux est morte alors que ma mère avait seize ans, et elle s'est retrouvée toute seule. Elle a travaillé comme cuisinière sur un bateau qui naviguait sur le fleuve. Le capitaine a abusé d'elle, et je suis le résultat. — Je suis désolée. — Que ma mère ait été violée, ou que je sois venu au monde ? Tess sourit. — Je suis désolée pour votre mère, bien sûr. Comment a-t-elle réussi à vous élever ? — Elle a trouvé un emploi dans une blanchisserie de St. Louis. C'était épuisant, et j'ai commencé à travailler à l'âge de dix ans pour l'aider. Quand j'ai eu quatorze ans, j'ai surpris un autre homme en train d'essayer de la violer, et je l'ai tué d'un coup de couteau. Pour éviter que l'on vienne m'arrêter, ma mère et moi avons fui jusqu'au nord du Texas où nous avons travaillé sur un ranch. J'ai rattrapé plusieurs voleurs de bétail pour le propriétaire. C'est lui qui m'a suggéré de rejoindre les Rangers. À la mort de ma mère, j'ai suivi son conseil. Tess était surprise que John se montrât aussi loquace. Quelques heures de repos et le calme nocturne semblaient avoir apaisé sa nature méfiante, mais elle devinait que sa souffrance était plus profonde qu'il ne le laissait entendre : la détresse de sa mère, sa bâtardise, son sang indien... Il feignait d'avoir surpassé ces épreuves, tout comme elle faisait semblant de ne pas attacher d'importance à ce qui lui était arrivé'.

"— Je crois me rappeler vous avoir vu un jour en ville. — Comme toutes les femmes blanches honorables, vous avez aussitôt détourné les yeux. — Je suis sûre, monsieur Hawkins... je veux dire, John... que ce n'était pas par impolitesse. J'étais peut-être soucieuse. Vous êtes un homme très séduisant. Pourquoi avoir avoué une chose pareille ? se tança Tess aussitôt. Qu'allait-il penser d'elle ? Heureusement qu'il ne la voyait pas rougir. — On me l'a déjà dit... confia-t-il. « Sans doute Jenny Simms », pensa la jeune femme. — Mais jamais une vraie dame ne m'avait fait ce compliment, ajouta-t-il comme s'il lisait dans ses pensées. La plupart des femmes croient que c'est un péché de regarder un homme qui a du sang indien. Et quand on est un bâtard, de surcroît, c'est encore pire. Bâtard... Cela devait être difficile à supporter, surtout pour un homme aussi orgueilleux. — Je suis certaine que la plupart des femmes ignorent ce détail de votre passé. Comment le sauraient-elles ? — Croyez-moi, les nouvelles circulent. — De quelle origine indienne êtes-vous ? — Je suis un Lakota. Beaucoup de Blancs nous appellent des Sioux. Apaches, Comanches, Shoshones, Crows, Sioux... les Blancs nous confondent, alors qu'il existe de vraies différences entre les nations indiennes. Malheureusement, les gens ne se donnent pas la peine de les étudier. Tess décida d'en rester là. Elle sentait que cette discussion lui était désagréable. — Merci de m'avoir expliqué, John. Et vous pouvez m'appeler Tess, c'est le diminutif de Theresa. Il réfléchit un moment. — Je ne peux pas me le permettre, ce serait trop familier".

"Est-ce que John Hawkins est très attaché à ses origines indiennes ? Est-ce qu'il pratique leurs coutumes et vénère un dieu étrange ? — À ma connaissance, Hawk ne prie aucun dieu. Il est indien par son apparence, par sa nature sauvage et ses sens très développés mais je ne l'ai jamais vu suivre des coutumes particulières et sa mère n'en avait pas le temps. C'est la grand-mère maternelle de John qui était une vraie Indienne. Elle avait épousé un trappeur français qui l'avait amenée à St. Louis, avant de mourir dans une bagarre. — Je sais. John m'a parlé de sa mère et de son grand-père. Ken eut un sursaut. — C'est à peine croyable ! Lui qui ne discute jamais avec des inconnus. Même moi, je ne suis au courant que depuis quelques semaines".

"Elle était passée de sept ans à vingt-deux ans sans même s'apercevoir qu'il y avait une différence. Aujourd'hui veuve, sans maison, elle n'avait aucun moyen de subsistance. Bientôt, les autres la montreraient du doigt : « Voilà la femme qui a été enlevée par les comancheros. » Ils penseraient que les pilleurs l'avaient violée à tour de rôle et qu'elle était souillée".

"Jenny tirait sur les ficelles du corset. — Ça, ce n'est pas vrai. Vous pouvez feindre d'être fière et butée, mais la douleur est enfouie quelque part en vous. Je peux vous aider à la soulager. Elle regarda Tess droit dans les yeux et ajouta : — Cela vous aidera peut-être de savoir qu'il y a pire dans la vie : on peut être violée à douze ans par son oncle qui vous vend ensuite à des hommes, avant de vous abandonner alors que vous n'avez que seize ans. Choquée, Tess écarquilla les yeux. — Au moins, vous avez eu une bonne vie, continua Jenny. Une existence normale, une famille, un père et un mari. Votre agresseur est mort, et c'est une bonne chose, et vous avez encore toute votre dignité et votre honneur. À seize ans, je n'avais plus ni l'une ni l'autre. Alors, pour survivre j'ai continué la seule chose que je savais faire. Mon saloon est la première affaire respectable que je possède et j'en suis fière. Voilà, ajouta Jenny en finissant de lacer le corset. Vous êtes très belle, madame Carey. Nous allons si joliment vous pomponner que les gens ne penseront pas que ces ordures vous ont touchée. Tess refoula ses larmes. Elle avait eu tort à propos de cette femme. — Je suis désolée... pour ce qui vous est arrivé. — On apprend à ne pas baisser les bras. N'ayez pas pitié de moi, s'il vous plaît... Essayons les robes maintenant".

"Beaucoup de ranchers se sont plaints de vols et nous avons probablement réglé une grande partie du problème en liquidant Briggs et sa bande. En tant que rancher, Caldwell devrait être satisfait. Or je m'étonne que le plus grand propriétaire de la région ait toujours été épargné par les maraudeurs, alors que tous ses voisins ont été pillés. Qu'en penses-tu ? Ken cracha une nouvelle fois puis gratta la barbe naissante sur son menton. — Je sais pas. Bon sang, Hawk, c'est de Jim Caldwell que tu parles, l'un des hommes les plus influents de la région ! — Comment a-t-il fait pour devenir aussi important ? Il a harcelé ses voisins pour qu'ils lui vendent leurs terres, y compris Henry McDowell, le père de Tess. Il ne manque pas de toupet, quand on sait que la majeure partie de son propre ranch lui a été donnée gratuitement par le colonel Bass. — Tu penses qu'il est de mèche avec ces brutes qui ont pillé le ranch de Tess Carey avant de l'enlever ? dit Ken, perplexe, en retirant son chapeau pour s'éponger le front. Je ne peux pas le croire. C'est Caldwell qui réclame plus de sécurité dans la région. Il veut faire venir un pasteur et une maîtresse d'école, sa femme organise des réunions de couture. Il ne s'abaisserait pas à voler du bétail ! « À moins qu'il ne veuille accroître sa fortune à tout prix », réfléchit John. — Tu as probablement raison, mais crois-moi, si jamais je découvre que Jim Caldwell est mêlé de près ou de loin à ce qui est arrivé à Tess Carey, il le paiera cher. — Tu veux dire qu'il y laissera sa peau ? — C'est une éventualité. — Tu ne t'en tireras jamais sans présenter des preuves incontestables, Hawk. Si tu descends un homme comme lui, les autres te pendront sans hésiter... Et voilà qu'on en revient à Mme Carey ! Tu viens d'avouer que tu tueras Caldwell s'il est responsable de ses malheurs. C'est évident que tu éprouves des sentiments particuliers pour elle. — J'ai déjà tué pour venger des personnes qui ne signifiaient rien pour moi. — Tu ne réponds pas franchement. John arrêta une nouvelle fois son cheval et se tourna vers Ken. — Quant à toi, tu exagères. Si tu continues avec tes sornettes au sujet de Tess Carey, tu vas recevoir mon poing dans la figure ! J'ai aidé beaucoup de femmes dans ma vie. J'admire son courage, c'est tout. On est aussi différents que le soleil et la lune. Il n'y aura jamais rien entre nous, même si c'est la dernière femme vivante au Texas. Je suis certain qu'elle est heureuse de s'être débarrassée de nous, alors ferme-la et allons faire notre rapport ! Il piqua des deux et s'éloigna au petit galop. — Ça alors, grommela Ken. Tu l'as vraiment dans la peau, mon vieux Hawk !".

"Jenny n'en croyait pas ses oreilles. Elle s'approcha de la fenêtre pour regarder la rue. — Doux Jésus... marmonna-t-elle en fumant nerveusement. Ma chérie, je ne peux pas deviner sa réaction, mais je suis certaine qu'il ne voudrait pas qu'un bébé soit traité de bâtard. Il sait combien c'est pénible de grandir sans père et de subir ce genre d'insultes. Peut-être vous épousera-t-il pour cette seule raison ? Et quant à vous imposer ses droits conjugaux... Non, John Hawkins ne ferait jamais une chose pareille. « Parce qu'il peut se tourner vers vous ! » se dit Tess. Pourrait-elle tolérer que son mari rende ouvertement visite à des prostituées ? Cet aspect du contrat risquait de poser un problème. — Me prenez-vous pour une folle d'avoir eu cette idée ? Posant son cigare dans un cendrier, Jenny vint s'agenouiller auprès d'elle. — Non. Je vous comprends. Et John comprendra aussi votre dilemme. Je ne sais pas s'il va accepter de vous épouser, mais je suis certaine qu'il ne se moquera pas de vous. Tess garda son visage caché entre ses mains. — Je ne me suis jamais sentie aussi perdue, Jenny. Ma vie a été bouleversée. Il y a six semaines, j'étais une femme de fermier, je m'occupais de mon père et de mon mari, du ménage, de la cuisine. Tout était si... normal. Avec un profond soupir, elle se redressa puis ajouta : — Les commérages vont aller bon train ! Je suis supposée être une veuve éplorée. Les gens seront choqués que je me remarie aussi vite, et surtout avec John Hawkins. Pourtant, le pire serait de me promener avec un gros ventre alors que les gens se demanderaient qui est le père. La plupart pensent que j'ai été violée. J'espère que beaucoup admettront au moins que c'est l'enfant de John Hawkins et, s'il est devenu mon mari, qu'après quelque temps ils accepteront l'idée du mariage et que les rumeurs cesseront".

"Le visage de Jenny s'assombrit, et Tess s'en voulut de l'avoir heurtée. — Je vous comprends, dit-elle en esquissant un sourire. Je suis prête à vous aider car je vous aime bien, Tess Carey. Et je connais un secret qui va vous remonter le moral. — Quoi donc ? — John Hawkins est déjà amoureux de vous. — Comment ! — La dernière fois qu'il était ici, il m'a avoué qu'il admirait votre courage. Il n'a pas cessé de me parler de vous. Par ailleurs, vous êtes très belle... Éberluée, la jeune femme se détourna. Jenny devait sûrement se tromper. John Hawkins était-il capable d'amour ? Il était si violent, si imprévisible. Elle n'avait jamais pensé... — Merci pour le compliment, mais vous devez vous tromper. M. Hawkins ne... — Ma chérie, je connais le cœur des hommes. Et vous feriez bien de cesser de dire « M. Hawkins ». S'il doit devenir votre mari, il faut commencer à l'appeler par son prénom. Les gens se poseront des questions si vous êtes aussi distante".


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