mercredi 9 mars 2022

LE JOUR SE LEVE [Chronique express]


Lorraine Heath

Les Editions J'ai Lu (2007)
Sortie originale 1996
377 pages

Synopsis :
A l'église, Meg observe Clayton. Le traître ! Le seul à être revenu... Le regarder chaque semaine à l'office lui rappelle cruellement que son mari et ses trois frères, fauchés par les fusils yankees, gisent dans leur tombe. Ils ont combattu avec vaillance et sont morts en braves alors que Clayton Holland, lui, s'est conduit en lâche et est encore en vie Elle est folle de colère et de haine. File l'a décidé, elle vengera les siens. Clayton paiera.



[CHRONIQUE EXPRESS]

Je trouve fascinante la période de la guerre de Sécession. "Autant en emporte le vent" a tout emporté pour moi dès mon enfance c'est le cas de le dire...). Du coup, pour ce livre, on se retrouve de nouveau du côté des Confédérés....Nous avons ici un héros qui refuse de tuer un autre homme, de devenir un soldat pour se battre contre une "cause" qui n'en vaut pas la peine, bien au contraire.....

Il va être emprisonné, jugé comme un traite, torturé et va être exécuté....Sauf que finalement, cela ne se passe pas comme on aurait pu le croire....Clay revient dans son village....

Les autres jeunes hommes qui sont partis "enthousiastes" pour faire la guerre sont tous morts...Lui, ne voulait pas faire la guerre et revient vivant...Du coup, vous pouvez le comprendre, pour les familles qui ont perdu un fils, un mari, un frère, cela leur met la haine de revoir ce type revenir vivant alors que les autres sont morts et se sont battus pour leur "Etat" (le Texas) contre les yankees (les états du Nord).

Cette histoire est très complexe car elle nous pose des questions sur la morale, sur le fait de se "battre pour ses idées"....Clay est un homme avec des convictions et il est prêt à mourir pour celles-ci.

Et pourtant, il passe pour le gros "lâche" du village car il est le seul à être revenu vivant....Entre temps, ses parents sont morts et il a 3 frères plus jeunes....Un adolescent qui lui en veut d'être revenu, et deux jumeaux de 10 ans, qui ont une sagesse et qui auront un rôle important dans la future romance entre Clay et Meg.

"Le jour se lève" est une romance qui est vraiment "dure" et qui est aussi "datée" des années 90...On sent bien que le style n'a rien à voir avec les romances historiques écrites par des auteurs actuels (2010-2020). 

Ce qui est tragique dans cette histoire c'est la souffrance de cet homme, qui a perdu tous ses amis d'enfance et qui passe pour le gros "lâche" du village alors qu'il a juste était fidèle à ses convictions. 

Clay n'est peut-être pas mort durant la guerre, mais il a vécu le pire en prison, notamment le fait de voir les lettres de sa mère brulées devant lui, sans parler des tortures physiques....Et quand il finira par revenir chez lui, ses parents sont morts entre temps....

C'est un homme qui aura été autant traumatisé que tous les autres durant cette guerre fratricide.

Pour la romance, elle arrive petit à petit...Déjà parce que Meg et Clay se connaissent depuis l'enfance et que Meg était mariée à Kirk, l'un des meilleurs amis de Clay......

Meg était folle amoureuse de son jeune mari....Elle en veut donc à mort à Clay qu'il revienne alors que son mari est mort....

Pourtant, elle ne sait pas tout ce qui s'est passé et si Clay ne parle pas beaucoup, finalement, le peu de phrases qu'il va lâcher par-ci, par-là, vont faire qu'il a été un homme très courageux et surtout très "fidèle" à ses amis qui sont morts sous l'uniforme alors que lui était considéré comme un lâche, un traite....

Alors oui, j'ai bien aimé cette romance, même si elle met un certain temps à arriver (mais c'est normal pour un livre écrit dans les années 90)....J'ai surtout aimé la manière dont l'auteure Lorraine Heath montre la mentalité des membres d'un petit village (dans ma tête, je pensais à la série "La petite maison dans la prairie) et du fait que tout le monde se connait, tout le monde s'entraide....Mais aussi tout le monde choisi le même bouc-émissaire (Clay)....Qui n'a pourtant rien à se reprocher.....

Bref, c'est un livre que j'ai été contente de découvrir même si je ne suis pas forcément d'accord avec les très bonnes notes qui lui ont été données (il y a des romances bien meilleures) mais au niveau de la psychologie, du comportement humain, des injustices, des jugements, ce livre nous donne une bonne leçon d'empathie et d'humanité....

D'ailleurs, Meg, notre héroïne, finira par le comprendre car toute la haine et les préjugés qu'elle a pour Clay et sa volonté de lui faire de mal va se retourner contre elle car elle tombera finalement amoureuse de lui.....Car c'est un homme vraiment gentil et "humain" et surtout, il n'a jamais été lâche et, bien au contraire, est allé jusqu'à affronter la mort pour ses convictions....

Quelques citations :

"Son bruit lui rappelait inlassablement la salve du peloton d'exécution qui n'avait jamais été tirée. Aujourd'hui encore, des années après, il attendait que le grondement des armes vienne bousculer le calme de cette aube tranquille où il aurait dû mourir. L'adjudant avait aboyé son ordre et Clay avait respiré profondément une dernière fois en gardant l'air précieux dans ses poumons, dans l'attente des balles qui allaient le plaquer contre le mur et arracher sa vie. Son attente lui avait paru durer une éternité... et même davantage. Les yeux fixés sur les soldats postés devant lui, il se demandait ce qu'ils attendaient pour exécuter leur mission. Mais au fur et à mesure qu'il avait croisé le regard troublé de ces hommes, chacun d'entre eux avait abaissé son fusil vers le sol. Bizarrement, Clay se rappelait encore de la couleur qu'avaient leurs yeux : marron, marron, bleu, marron, vert, bleu. L'adjudant, après avoir débattu avec le capitaine Roberts, avait reconduit Clay à sa cellule. Plus tard, il avait appris que sa prière, le souci qu'il se faisait pour leurs âmes et non pour la sienne avaient touché le cœur des soldats et des officiers chargés de l'exécution. Avec une simple prière il avait retrouvé sa vie et prolongé son malheur, en passant neuf mois fers aux pieds pour avoir refusé de porter les armes".

"Serait-elle devenue aveugle à cet instant précis, que Meg Warner aurait encore pu raconter au monde entier ce que Clayton Holland allait faire, car il le faisait chaque dimanche depuis son retour à Cedar Grove. Il allait pencher la tête comme s'il priait puis il la lèverait vers le pasteur, et ne le quitterait plus des yeux, sauf si les jumeaux remuaient. Et de même qu'il gardait les yeux rivés sur le révérend, de même Meg garderait les siens rivés sur lui. Et cela pour lui rappeler, une fois par semaine, qu'il vivait et respirait encore, alors que son cher époux et ses trois frères gisaient dans leurs tombes, et pour alimenter sa colère et sa haine. Ils avaient combattu avec vaillance et étaient morts en braves en défendant l'honneur de la Confédération, pendant que Clayton Holland se conduisait en lâche. Meg n'ignorait pas qu'il était enfantin de penser qu'un homme de plus sur le champ de bataille aurait changé les choses, mais elle en voulait à Clay d'avoir tourné le dos au Sud et, en récompense, d'être toujours en vie".

"Les doigts tremblants, elle effleura le daim. Comment Clay avait-il osé revenir? Comment osait-il garder la tête haute, alors qu'il n'était qu'un lâche ? Il était redevable à tous les jeunes gens de Cedar Grove. Elle aurait voulu qu'il souffre autant qu'ils avaient souffert, autant qu'elle souffrait aujourd'hui. Daniel disait souvent qu'il avait envie de jeter Clay par terre et de le rouer de coups, mais Meg voulait davantage. La douleur infligée par des sévices physiques finirait par se dissiper, cicatriser, guérir, mais les blessures du cœur laissaient des cicatrices qui faisaient mal à jamais. Elle voulait que Clayton Holland connaisse ce genre de souffrance qui déchire tout l'être. Elle voulait qu'il affronte sa lâcheté. Il le fallait. Il fallait que cette lâcheté soit si profondément gravée en lui qu'elle le fasse souffrir à chacun de ses souffles jusqu'à la fin de sa vie".

"C'est le sac de Kirk, fit-elle enfin sans cacher son agacement. — Je sais. — Et moi, je veux savoir comment tu es entré en sa possession, cracha-t-elle, près d'exploser de rage. Il se tourna brusquement vers elle, ses yeux étaient sombres et orageux. — J'ai essayé de t'en parler l'autre jour quand tu es venue à la ferme, mais tu m'as insulté parce que j'avais osé prononcer le nom de ton cher mari. La claque qui s'abattit sur sa joue et le bruit que cela fit parurent le surprendre autant qu'elle, son ébahissement se mua en une profonde tristesse et il détourna la tête. — Ton mari me l'a apporté quelques semaines avant de mourir, dit-il calmement. Meg serra le poing. La gifle qu'elle lui avait donnée faisait encore palpiter sa main. — Pourquoi? — Une prémonition, disait-il. Le sentiment qu'il ne rentrerait pas à la maison. Il avait peur que les lettres ne s'égarent dans ce chaos. Il savait qu'avec moi, elles seraient à l'abri".

"En fait, tu te moques de cette statue, n'est-ce pas? Elle pivota brusquement sur place. — Bien sûr que non ! — Si tu y tenais, tu me laisserais choisir la pierre qui convient le mieux. — Je t'ai expliqué pourquoi je veux celle-ci. Clay s'approcha de Meg à grands pas jusqu'à cequ'ils s'affrontent, pieds contre pieds. Pour fixer son regard dans le sien, elle inclina la tête vers l'arrière. — Ce que tu veux, c'est faire en sorte que j'aie le plus de mal possible à concrétiser ton petit projet. Très bien. Prends le marbre. Mais si tu t'imagines me torturer en t'entêtant, en retroussant ton petit nez et en me forçant à faire « à ta façon», tu as intérêt à réfléchir. Je peux supporter n'importe quelle torture. Torture. Allongée dans le lit douillet, Meg se demandait pourquoi Clay avait choisi ce mot. Elle voulait le punir, mais sûrement pas le torturer. Le terme était beaucoup trop dur pour ce qu'elle souhaitait".

"Tu lui avais écrit que mes parents étaient morts. Il croyait qu'en apportant ta lettre à l'officier qui me gardait, on me renverrait chez moi. Meg sentit la colère gonfler dans son cœur. — Et il ne l'a pas fait ? — C'est moi qui le lui ai demandé. Abasourdie, Meg bascula sur ses talons. — Mais pourquoi ? — Elle datait de quatre mois. Lucian arrivait à l'âge où il aurait dû s'enrôler. Comme il ne m'avait pas donné de nouvelles, j'ai pensé qu'il était peut- être satisfait de la situation. La disparition de nos parents lui procurait une raison honorable pour ne pas s'engager... — Elle te procurait une raison honorable de rentrer chez toi. Il secoua la tête. — J'ignorais ce que Lucian pensait de la guerre, mais j'ai interprété son silence comme une prière pour que je reste là où j'étais. Peut-être ai-je eu tort, mais j'avais déjà subi tout ce qu'il y avait à subir. Après Gettysburg, je suis resté auprès du Dr Martin pour l'aider à soigner les blessés, jusqu'à la fin de la guerre. — Pourquoi ne m'as-tu pas raconté tout cela plus tôt ? — Qu'est-ce que ça aurait changé? Tu n'es pas différente des officiers de la Confédération. Pour toi, un homme doit être prêt à tuer. Moi, je ne le veux pas. Je leur ai dit que je voulais soigner les blessés, mais le capitaine Roberts était allé à West Point avec le fils de Robert E. Lee et qu'à Dieu ne plaise, tous les hommes qu'il commandait devaient être armés. — Mais tu as refusé. — Je me suis dit que si j'acceptais, un jour viendrait où ils me donneraient l'ordre de tirer, et j'ai préféré ne pas courir ce risque. Meg effleura des doigts la lettre marquée au fer rouge".

"— Grand-maman Warner m'a laissé une lettre que Kirk lui avait écrite, il raconte qu'il a adressé une requête à Jefferson Davis pour demander d'exempter Clay de servir dans l'armée confédérée. Il précise que tous les hommes de son unité l'ont signée. Tous, Daniel, ce qui inclut nos frères. Tous savaient que Clay était un homme courageux. — C'est un sale mensonge! Il ne s'est pas battu. — Mais si, il s'est battu. Mais pour ses propres convictions, et avec la même bravoure que les autres. Meg balaya du regard l'assemblée. — Quand avez-vous parlé à Clay pour la dernière fois, tous autant que vous êtes? Qui, parmi vous, lui a demandé pour quelle raison il a refusé de s'engager? Je sais que moi, je ne lui ai pas posé la question. J'avais décidé qu'il était lâche parce qu'il n'avait suivi ni mes frères ni mon mari".


2 commentaires:

  1. Coucou. Lu, il y a longtemps: j'avais adoré! Bonne soirée.

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    1. Coucou, oui, c'est un livre des 90's....Mais l'histoire est passionnante et les personnages sont "passionnés" que ce soit dans leur haine ou leur détermination ! 😉

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