mardi 17 août 2021

Rendez-vous à l'infini [Chronique express]


Karine Vitelli
Les Editions Pemberley (2021)
1ère édition 2018
206 pages

Synopsis :
Six ans plus tôt, Chloé a tout perdu : avenir prometteur, amour éternel, projets... À cette époque, elle a fait une promesse : un rendez-vous à l'infini. Pour la tenir, elle part en randonnée en terre sauvage avec un guide aguerri. Pendant huit jours, elle sera confrontée aux changements abrupts de température, aux insectes en tous genres, aux passages aussi pénibles physiquement que mentalement... Tout ça pour retrouver un but à son existence. Peu sportive, Chloé est loin de la candidate idéale pour ce genre de périple, mais elle fera tout son possible pour atteindre son objectif. Quitte à mentir et à garder pour elle ses souffrances... Au cours de son difficile voyage, elle apprendra à apprécier la simplicité de la vie et à se redécouvrir. Grâce à cette aventure et à celui avec qui elle la partage, elle comprendra que son combat a débuté depuis déjà de nombreuses années. Parviendra-t-elle à gravir la montagne de sa profonde douleur ? Deviendra-t-elle finalement plus grande, plus robuste ? Une ascension au coeur d'un univers encore sauvage, au coeur de soi-même.

[CHRONIQUE EXPRESS]

J'ai passé un excellent moment de lecture avec ce "Rendez-vous à l'infini" où nous suivons les périples, le dépassement de soi, la résilience de Chloé, une jeune femme qui a perdu son compagnon, Stephan, 6 ans plus tôt. Celui-ci était un grand sportif toujours en soif de défis, et de randonnées risquées dans des contrées où la nature est reine et peut parfois être impitoyable....Malheureusement pour lui, ce n'est pas lors de l'un de ces parcours qu'il a perdu la vie, mais à cause d'un cancer.....

Sur son lit de mort, il fait promettre à Chloé de refaire sa vie, et surtout, il lui demande d'aller à "l'infini", pour comprendre enfin pourquoi il aimait tant partir à l'aventure et comme la nature (et la vie) est belle. 

Il faudra 6 ans pour que Chloé se décide enfin pour prendre un billet d'avion, une réservation avec un guide (elle avait choisi une femme guide mais celle-ci s'est blessée et ce sera donc un guide, Maxan qui l'accompagnera dans son périple pour atteindre "l'infini"). 

Il faut dire qu'elle a aussi un peu été poussée par sa meilleure amie, Cécile, qui l'a toujours soutenue durant ces six années de deuil et de dépression. (Chloé n'a pas de parents et ceux de Stephan lui ont tourné le dos au décès de leur fils....Sans commentaire.....).

Alors, il faut d'abord que je vous dise que lorsque j'ai lu le résumé, j'ai présumé que cette jungle allait être en Amazonie, mais en fait, c'est en Afrique, on le devine assez vite grâce aux animaux que Chloé va "rencontrer". 

Le pays n'est jamais nommé. J'ai apprécié ce "flou géographique" que l'auteure française, Karine Vitelli, va mettre dans son roman....Tout comme cet "Infini", cet endroit que l'on atteint après des jours de marche.....

Evidemment, j'ai aimé la relation que vont avoir Chloé et Maxan car la jeune femme a "menti" quand elle s'est inscrite pour cette randonnée de "haut niveau"....Il faut dire que le sport et elle, ça fait deux......Elle était totalement à l'opposé de son défunt compagnon à ce niveau-là !

Mais elle veut tenir sa promesse faite à Stephan, et donc, quand le guide lui dit que si elle ne tient pas le coup, ou à la moindre défaillance (ou accident), ils arrêtent tout - et il fera venir un hélicoptère pour la rapatrier, évidemment, Chloé serre les dents car elle veut, elle "doit" se rendre à l'infini !!!!

Elle fera tout pour cacher ses faiblesses physiques (qui sont nombreuses) et son ignorance du terrain (car elle n'a pas pris la peine de lire le petit guide explicatif des dangers de la nature, comment les éviter : insectes, attaques d'animaux etc)......

J'ai vraiment été happée par cette aventure humaine. Touchée d'abord par le désespoir de cette jeune femme qui s'est totalement refermée sur elle-même durant plusieurs années.....Puis il y a cette renaissance, cette envie d'avancer de nouveau et pourquoi pas, de tomber amoureuse de nouveau et peut-être penser à fonder une famille.....Tous ses projets s'étaient éteint brusquement à la mort de Stephan, il ne faut pas l'oublier !

J'ai aimé le caractère taciturne et bourru de Maxan. J'ai aimé la manière dont ils vont s'apprivoiser, se découvrir car mine de rien, rester 24h/24 avec une personne, bivouaquer, avec un minimum d'intimité pour faire caca etc, ça rapproche et ça faire tomber toutes les barrières !

Je ne connaissais pas du tout la plume de Karine Vitelli, (en plus, ce livre est déjà sorti en 2018 et 2019 avec d'autres Maisons d'Edition) et bien je peux vous dire que c'est vraiment une auteure à lire, elle a une sensibilité, une manière de nous faire ressentir les sentiments de son héroïne avec brio et j'ai vraiment vibré avec elle durant tout son périple (elle a du courage car elle était vraiment dans un endroit très sauvage et hostile !).

Je vous recommande totalement cette lecture, qui fait du bien au coeur, surtout si vous allez mal émotionnellement (surtout à notre époque actuelle....), cela vous permet de vous évader, de rêver et d'espérer en la vie....

Quelques citations : 

"— Je t’aime Stephan. Je ne t’oublierai ja… ja… mais. Tu… tu fais partie de moi. Tu es mon Tic… — Et toi, mon Tac. Je plaquai mes lèvres sur les siennes. Un long moment, assez pour sentir qu’elles étaient aussi gelées que de la glace. Ses larmes se mélangèrent aux miennes, se déversèrent sur nos bouches, buvant la tristesse de nos âmes. — Chloé, murmura-t-il avec peine. Je tournai la tête pour lui offrir mon oreille, afin de lui éviter de parler trop fort, car il souffrait à chaque syllabe. — Je t’écoute, répondis-je dans un chuchotis. — Tu… tu referas ta vie. — Non, je, je… bégayai-je. — Tu… tu vivras, dit-il dans un souffle. Pour moi. Sans moi. Sois mes yeux. Le monde est beau. — Non, pas… pas sans toi. — Si, il est beau. Tu le comprendras lorsque tu y seras. Je me redressai pour le fixer. Il m’observa, les yeux pétillants d’espoir. — Lorsque je serai où ? — Un lieu où tu comprendras que la vie vaut la peine d’être vécue. — Où ? Il ferma les paupières et avala péniblement comme si des lames de rasoir lui déchiraient les cordes vocales. Lorsqu’il les rouvrit, j’y vis une profonde détermination. — Promets-moi de me retrouver à l’infini. Je ris en reniflant. C’était le lieu. Son lieu. Un endroit d’où il revenait toujours plus grand, apaisé. — Je ne suis pas toi, Stephan. Je ne suis pas sportive, je suis casanière. Je m’essouffle lorsque je vais acheter le pain ! Et toi, tu me demandes d’effectuer une randonnée de huit jours, en sac à dos, dans un climat bipolaire ! Son regard devint sévère. Je soufflai en secouant la tête. — Tu ne plaisantes pas, n’est-ce pas ? — Promets-le-moi. Je fixai le plafond, comme pour demander de l’aide à un Dieu. Puis, au bout de quelques secondes, je reportai mon attention sur mon âme sœur. — Je te le promets, murmurai-je. Ma réponse le soulagea et sectionna le dernier fil qui le maintenait en vie".

"— Sois prudente, je n’ai que toi. Mes épaules se relâchèrent, soulagées d’avoir son soutien. — Moi aussi, je n’ai que toi. J’avais grandi en foyer. Les parents de Stephan m’avaient tourné le dos après l’enterrement, prétextant que je leur rappelais trop leur fils. Je me souviendrais toute ma vie de cet instant. Ils m’avaient abandonnée juste au moment où j’avais le plus besoin d’être entourée. Anéantie, déboussolée, j’errais dans un monde parallèle. Cécile ne m’avait jamais quittée, elle restait ma seule famille. — À ton retour, je te veux chez moi ! Je mets une bouteille de champagne au frais ! On fêtera ton nouveau départ".

"Un coup de klaxon me fit tourner d’un bond, la queue-de-cheval me fouettant le visage. Il m’était forcément destiné, puisque je me trouvais seule dans l’abribus de si bonne heure. Je vis une jeep, portant le logo de la société du guide sur la carrosserie, me faire des appels de phare. La voiture se gara et la vitre côté passager se baissa. — Elna Chloé ? — Oui ? Je fronçai les sourcils. — À moins d’avoir subi une opération, vous n’êtes pas Agnès, plaisantai-je. Le type ne sourit pas. Il semblait agacé d’être là. — En effet, je ne suis pas Agnès, rétorqua-t-il, une main sur le volant, les yeux rivés droit devant. — Je sais qui vous êtes. J’avais attiré son attention. Il se tourna vers moi, me fixant avec suspicion. Il s’agissait du meilleur guide de l’agence, mais j’avais choisi son second : une femme, comme je le désirais. Je ne voulais pas vivre seule dans la nature avec un homme durant huit jours. — J’ai vu votre photo sur la brochure, me justifiai-je. Vous êtes Maxan. Son expression resta indéchiffrable. Son comportement me déstabilisa un tantinet, je décidai de changer de sujet de conversation. — Vous faites le taxi pour Agnès ? — Non, je suis votre guide. — Ce n’est pas possible, baragouinai-je, perturbée, en reculant d’un pas. — Pourtant si. Hier, Agnès s’est cassé la jambe lors d’une expédition. À la même heure, vous étiez déjà dans l’avion, donc trop tard pour annuler votre séjour. Je la remplace. — Non, non ! Ça ne devait pas se passer comme ça, paniquai-je. Maxan soupira, agacé, et sortit de la voiture en claquant la portière. L’avais-je vexé ? Non, énervé ! Son regard noir charbon me foudroya. Son pas énergique m’obligea à m’éloigner jusqu’à ce que mon dos repose contre le poteau de l’abri de bus. Sa carrure athlétique m’écraserait en deux secondes et il me mangerait sans problème sur la tête. Il était immense, fort, et dégageait une puissance effrayante. Il se pencha pour s’accrocher à mes yeux. — Écoutez, Chloé, pour être tout à fait honnête avec vous, je ne suis pas ravi d’être là".

"Il contourna la table qui nous séparait et se courba jusqu’à ma hauteur. — Nous avons seulement monté quatre étages et vous avez failli perdre vos poumons dans les escaliers. Je reculai et levai le menton. — Pas du tout. — Je ne me trompe jamais. Je les prends à chaque fois pour tester les clients et j’adapte le trajet selon les capacités de chacun. Chloé, vous avez menti sur votre dossier. Sa voix devint plus sévère : — Vous êtes sous ma responsabilité. Si je décrète durant le séjour que votre inaptitude risque de mettre votre vie en danger, on arrêtera sur-le-champ. Je le fixai avec opiniâtreté. — Vous n’aurez rien à déterminer ! Je finirai cette randonnée ! Je récupérai mon sac et sortis le plus rapidement possible sur la piste pour attendre le décollage imminent. Après une brève analyse, je constatais que le premier contact avec mon guide était désastreux. Il me détestait. Qui ne haïrait pas la femme qui avait fait annuler ses congés ? Personne. D’ailleurs, mon mensonge sur mes inaptitudes physiques avait accentué sa colère. Il rallongeait le parcours – ce qui retardait encore plus ses vacances. Je me frottai le visage pour cacher ma honte. À ce moment précis, afin d’assurer le bon déroulement du séjour, je pris la décision de rester discrète et de continuer à mentir pour éviter de le mettre en rogne. Je garderais en moi mes souffrances, mes blessures, mes peurs, afin de ne pas trahir ma promesse. J’irais jusqu’au bout. Pour Stephan".

"Jour 1  - Je ne réalisais toujours pas ce que je venais d’accomplir : atterrir en hélicoptère sur le toit du monde, descendre en rappel, et surtout, mettre ma vie entre les mains d’un inconnu. En six années d’ermite, c’était la première fois que je comptais sur une personne, qui plus est un homme. Maxan était arrivé à briser la plus grosse couche de glace de mes émotions rien qu’en me démontrant que je pouvais lui faire confiance. Ses airs de guide mal léché me déplaisaient toujours autant, mais j’avais compris qu’il était là pour m’aider. Mon opinion à son égard changeait radicalement. Hormis Cécile, personne ne m’avait donné l’envie de me reposer sur quelqu’un. Oh, je savais que la dureté du séjour me pousserait naturellement vers lui et qu’il répondrait avec autant d’attention qu’un guide professionnel, mais pour moi, ça représentait un saut énorme dans ma vie".

"Maxan jeta un morceau de bois dans le feu, la mine contrariée. — Ça fait longtemps que je suis seul. J’ai un peu de mal à refaire confiance. Il planta un regard lourd de sens dans le mien. — Je ne croyais plus en l’amour… jusqu’à cette semaine, s’expliqua-t-il. Mon séjour à tes côtés m’a démontré le contraire. Stephan et toi êtes la preuve que ça existe. Seule la mort vous a séparés. Même absent, il te protège et prend soin de toi. Sa demande de venir ici était une façon de dire adieu. Quoi qu’il advienne, il te veut heureuse. J’aimerais, un jour, ressentir l’envie de construire et de partager mon bonheur avec une femme. Chloé, tu m’as démontré que tout est possible. Je lui souris timidement. Nous nous considérâmes avec beaucoup d’émotion. L’air s’épaissit entre nous, l’oxygène se raréfia. Nous inspirions avec difficulté, les lèvres entrouvertes comme si elles cherchaient leurs jumelles pour respirer. Maxan caressa furtivement des yeux ma bouche, attiré aussi par cette force magnétique qui concurrençait sans égale celle des chutes de l’infini. — Dormons, suggéra-t-il, la voix rocailleuse".

"Un jour, nous atteignons tous un point de saturation. Nous avons assez de subir nos malheurs, notre quotidien. Nous avons besoin de nous remettre en question pour repartir à zéro. De ce jour-là, des personnes passent à côté, ou ferment les yeux par crainte de ce changement. Les habitudes rassurent, mais tuent petit à petit l’audace de nos vingt ans. Pour les plus courageux, ceux qui arrivent à prendre le risque de reconstruire leur bonheur, ils doivent se recentrer sur eux-mêmes, sur les plaisirs simples, et être capables de redéfinir le mot essentiel pour mieux apprécier leur existence dans son plus bel appareil. J’avais traversé de durs moments et perdu confiance en moi, me sous-estimant sans cesse jusqu’à me persuader d’être inutile. La routine était devenue ma cavalière dans une vie que je subissais. J’avais dérivé entre le monde des vivants et des morts, flotté dans un monde parallèle en attendant un signe pour redescendre, celui qui m’indiquerait que c’était le bon moment. Et puis un jour, six ans après la mort de Stephan, j’avais atteint ce point de saturation. Lorsque, au fond du trou, je n’avais plus eu envie de creuser, mais de lever la tête. J’avais aperçu ce filet de lumière, un espoir de renaître. Après mes souffrances, le destin me réservait encore de belles choses. Peut-être que je devais en passer par là, descendre au plus bas, pour acquérir ce grain de folie afin de me sentir plus vivante et ainsi profiter pleinement de mon existence".

"Il fallait être vigilant et repérer tous les signes, même les plus minimes. Nous avons tous notre « infini » quelque part, que ce soit un lieu, un but, une personne, qu’importe, le principal, c’est de l’affronter pour mieux se relever. Je m’étais relevée. Restait à ficeler mon bonheur avec patience, parcimonie et amour avec celui qui se trouvait à mes côtés".


 

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