samedi 21 août 2021

Le ciel est toujours bleu au-dessus des nuages [Chronique express]

Karine Vitelli
Les Editions Pemberley (2021)
1ère édition 2019
400 pages

Synopsis :
La vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Et ça, Isabelle l'a bien compris. Pour redonner un sens à son existence et peut-être un jour concrétiser son rêve d'ouvrir un café-book, elle décide de rejoindre une association. Là-bas, elle fait la rencontre de Logan, cet ours un peu bourru au premier abord, mais qui cache un coeur grand comme le ciel. D'un optimisme contagieux, Isabelle va chambouler sa vie. Que Logan soit d'accord ou non, elle va tout faire pour lui redonner espoir. Et tant pis s'il ne se laisse pas faire. Isabelle en a vu d'autres ! Et puis... si le meilleur était à venir ?


[CHRONIQUE EXPRESS]

Après avoir eu un coup de coeur pour la plume de Karine Vitelli avec son "Rendez-vous à l'infini", je me devais de voir si la magie allait encore opérer entre cette auteure et moi.....Et la réponse est oui ! 

Encore une fois, j'ai été charmée. Cette fois-ci, nous ne sommes pas dans la jungle en Afrique mais plutôt dans la jungle urbaine, plus précisément à Paris, en compagnie des nombreux SDF qui essayent tant bien que mal de survivre.

En plus de nous faire découvrir la galère de ces hommes et ces femmes qui, le plus souvent, subissent leur situation, nous voyons aussi à quel point la survie est compliquée, que leur moindre petite "possession" est d'une grande valeur, et puis il y a aussi le côté ultra glauque des femmes (notamment les jeunes) qui sont souvent la cible de violeurs.....

Tout cela, nous le découvrons à travers les yeux d'Isabelle, une femme de 35 ans, qui eu la chance de grandir dans une famille aisée. Cela dit, ses parents lui ont impliqué de belles valeurs, notamment l'entraide et surtout ne pas juger les autres, surtout les "pauvres" car n'importe qui peut se retrouver un jour ou l'autre en galère et....A la rue....

Isabelle cumule deux boulots, elle travaille en librairie et certains soirs, elle est barmaid dans un bar. Elle n'a pas choisi la facilité car elle pourrait très bien travailler dans l'entreprise familiale (ses parents ont des boutiques de chocolat, ils gagnent très bien leur vie et ont même un chalet à la montagne....Un détail qui a son importance dans le récit, c'est pour cela que je le note ici).

Donc, en plus de ses deux emplois, elle a décidé de devenir bénévole pour aider une association qui apporte son aide (nourriture, etc) aux SDF....Ils s'assurent aussi qu'ils sont en "bonne santé", notamment durant la période difficile de l'hiver où les températures sont très basses.

Isa va être affectée certaines soirées dans le secteur d'un métro. Et c'est là qu'elle va rencontrer un homme qui grogne, aimable comme une porte de prison......Cet homme, Logan, elle va finir par l'apprivoiser et nous allons aller de surprises en surprises vis à vis de lui car évidemment, vous vous en doutez, derrière sa barbe hirsute et ses vêtements négligés se cache un super beau gosse et avant de devenir clochard, il exerçait une profession qui n'aurait jamais dû l'envoyer dans la rue.....Mais ça, Isabelle va le découvrir au fur et à mesure de ses interactions avec lui.

Si Isabelle ne se laisse aucun répit, aucun temps mort, aucun loisir, est aussi "hyperactive", évidemment, il y a une raison : Un traumatisme subit lorsque elle était avec son ex, qui était un tordu et qui l'a martyrisée (et bien pire) si bien que cela fait 6 mois qu'Isa essaye de se reconstruire et d'oublier - et se noie donc dans le travail...

Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est évidemment la personnalité de notre héroïne, même si, parfois, je la trouvais un peu trop "gentille" (elle se dit elle-même "naïve"). Et évidemment, j'ai adoré Logan !

Par contre, la 2ème partie du récit moins "touchante", quand une amitié (avec une forte attraction cachée) nait entre nos deux héros, j'ai trouvé dommage leur manière de se coacher à la "Hitch".....Ah oui, il faut dire aussi que Logan a lui aussi des démons à combattre et ce sont d'ailleurs ses traumatismes personnels qui l'ont mené à la rue....

"Le ciel est toujours bleu au-dessus des nuages" est un livre vraiment prenant, qui nous en apprend beaucoup sur la nature humaine, aussi bien sur la bienveillance des uns, et la monstruosité de certains autres.....

Il y a beaucoup de personnages secondaires dans ce livre, ils sont tous très intéressants, certains m'ont fait pleurer (Marius et Céline), mais j'ai aussi aimé la famille d'Isa, ses parents, son frère et puis j'ai aussi un petit coup de coeur pour son collègue barman, Julian, qui a l'habitude de lui claquer les fesses (en tout bien tout honneur, attention !).....Par contre, je suis beaucoup moins fan de sa "meilleure amie" Nadège.....

Bref, je ne peux que vous conseiller ce livre ! Franchement, j'ai vraiment passé un super moment de lecture et évidemment, c'est encore une fois un coup de coeur pour la talentueuse auteure française Karine Vitelli ! Bravo à elle !

Quelques citations :

"— Je m’appelle Isabelle. Je suis nouvelle à l’association. Je marque une pause pour l’étudier ; il ne réagit toujours pas. — Nous aurons l’occasion de nous voir quelques soirs par semaine. C’est moi qui m’occupe de votre côté du couloir. Il inspire profondément. Son buste se soulève sous sa grosse doudoune. — Quel est votre prénom ? Ses doigts enserrent le tissu de son jean. Il semble en colère. Je m’attarde, le verre en plastique commence à me chauffer la paume. — Isabelle, dépêche-toi ! crie Tristan au bout du couloir. — Encore une minute, s’il te plaît, je réponds, sans lâcher l’homme du regard. Je bascule sur les genoux pour m’approcher de lui. — Vous devez manger. Prenez au moins cette soupe. Je la lui mets sous les yeux. Il grogne et me contemple enfin. Son regard est hypnotique et dangereux. Je l’ai mis en colère et ai poussé sa patience à bout. Cependant, une petite lueur de douceur danse dans ses yeux, ce qui m’encourage à aller plus loin. Je pose ma main libre sur son épaule. Aussitôt, il gronde et sursaute. Bien trop sensible aux gestes violents, je prends son sursaut pour une attaque. Je hoquette de terreur et pars en arrière. Instinctivement, il se penche en avant et tend les mains pour me rattraper. Toutefois c’est trop tard, je finis les fesses au sol, et la soupe versée sur mon blouson. Il détourne rapidement les yeux. J’ai tout de même le temps d’y lire une certaine désolation. Je me redresse, jette le verre vide dans une poubelle et cours jusqu’à Tristan. — Ressers-moi. — Ça ne t’a pas servi de leçon ? dit-il en désignant la tache sur mon blouson. — Donne-moi ce verre. — C’est le dernier, Isabelle ! Nous ne pouvons pas nous permettre de priver les autres. — OK. Je repars vers Grincheux. Ce surnom lui convient à merveille. Son geste pour me retenir était instinctif, j’en conclus qu’il a bon fond. Lorsque je me trouve de nouveau devant lui, il grogne. Je m’agenouille sans le lâcher du regard et pose le verre de soupe au sol, à distance raisonnable. — Ne vous avisez pas de le renverser ! D’autres personnes auraient bien voulu prendre votre part ! je le réprimande, sous les rires de Marius. Il fronce les sourcils, certainement surpris par mon audace. Avant de rejoindre mes collègues, j’ouvre les pans de ma veste et sors de ma poche intérieure un paquet de chocolats que je pose à côté du verre. Je continue de m’occuper des gens côté droit. Le couloir bifurque en faisant un L. Je sers encore dix soupes, dont deux à des femmes qui ne se trouvent pas loin l’une de l’autre. Une proximité sans doute volontaire. L’une d’elles, qui doit avoir mon âge, est frigorifiée et apeurée. Je lui donne un duvet et mon bonnet. J’essaye d’engager la conversation, mais elle me regarde comme si elle craignait que je lui fasse du mal. J’espère qu’aucun de ces hommes ne la malmène. Les mots de Cathie repassent en boucle dans mon esprit. « Dans la rue, c’est la survie. » Un long frisson me parcourt l’échine, tandis que j’imagine ce qu’un homme peut faire à une femme isolée et sans défense. L’autre est plus bavarde. J’apprends qu’elle se prénomme Céline et sa compagne, Rose. Je lui demande si on ne la moleste pas. Elle m’affirme qu’elle repousse les importuns grâce à un poignard. Elle me le montre, et j’écarquille les yeux en apercevant du sang séché dessus. Elle rit et me dit d’approcher. — Les hommes font la même tête que toi, lorsque je le leur montre, me dit Céline. C’est de la peinture. Ça suffit à les faire fuir. Son regard devient grave. — Mais, parfois, ça ne suffit pas, ce n’est pas la solution à tous les dangers… Une profonde tristesse voile son visage. Elle boit sa soupe, les yeux vitreux, perdue dans ses pensées. Sa voisine, toujours muette, étouffe un sanglot et s’emmitoufle davantage dans le duvet. Je me redresse et je rejoins les garçons, le cœur lourd. — C’est fini, ne tardons pas. Nous devons encore nous rendre dans deux métros, déclare Tristan. — Alors, quelles sont tes premières impressions ? demande Yann, qui se cale sur mon rythme. J’inspire profondément et me remémore les paroles de Céline, le comportement de Rose. Je balaye du regard le couloir et vois Marius qui boit un verre de soupe, alors que le sien est vide. Il sirote la boisson de Grincheux. Ce dernier n’en a pas voulu et l’a donné à son voisin. J’arrive à sa hauteur et lui jette un coup d’œil. Toujours égal à lui-même, il ne bouge pas, plongé dans l’univers d’un livre. Intéressant, ce gars a donc un penchant pour la littérature… Ce sera un sujet d’approche pour la prochaine fois. Le paquet de chocolats est posé sur son duvet. Je souris, satisfaite qu’il ait accepté mon présent. — Instructif, je réponds à Yann".

"Je sursaute lorsqu’on frappe à ma porte. — J’arrive ! je crie. Mon cœur manque un battement, et je me surprends à vérifier mon allure devant le miroir. Ma stupidité me fait aussitôt lever les yeux au ciel. Je prends une profonde inspiration avant d’ouvrir. — Bonj… Je m’arrête net et referme à moitié la porte. Je regrette de ne pas avoir regardé par le judas. Un bel inconnu se trouve devant moi. — Oui ? dis-je d’une voix glaciale, pour le repousser. J’attends mon petit ami, nous devons partir. Les yeux de l’homme se plissent. Il me scrute intensément sans émettre un bruit, sans faire un geste. Le sang me monte immédiatement à la tête, car je reconnais ce comportement et cette lueur qui brille dans les prunelles noires. Nom de Dieu ! J’ouvre la porte en grand. — Grincheux ? je demande d’une petite voix. Un léger sourire apparaît au coin de sa bouche – une bouche que je n’arrête pas de fixer : charnue, bien dessinée, et surtout bien dégagée sans sa barbe. — Oui, répond-il. Je lève la tête vers son visage parfait : sans ses mèches rebelles, je découvre de magnifiques yeux noirs soulignés de longs cils, une mâchoire carrée, des joues creusées et des cheveux plaqués en arrière, à la Kit Harington. Mon examen devient trop excessif, il semble mal à l’aise et, moi, je suis plus que honteuse d’avoir annoncé que j’attendais mon petit ami. — Euh… Désolée… Je croyais que vous étiez un inconnu… Et je pensais nécessaire de dire que j’étais accompagnée pour… Enfin, bref, dans certaines situations, nous ne savons plus quoi dire. — Vous auriez dû regarder par le judas avant d’ouvrir, me reproche-t-il. Je rêve ou il me fait la morale ? Je le considère avec curiosité ; il finit par baisser les yeux. — Allons-y, j’annonce pour rompre tout malaise. Je lui tourne le dos pour attraper ma veste".

"— Vous avez raison, reprend-il soudain dans un murmure. La rue m’a endurci. Je suis sans arrêt sur la défensive. Je m’en excuse. Mais… Mais je l’étais déjà avant de vivre dans l’ombre. Mon ancienne vie m’a brisé, j’ai tout perdu… Il marque une pause pour reprendre sa respiration. La détresse que je perçois dans sa voix me serre le cœur, mais je ne l’interromps pas. Il est prêt à se livrer, aussi je préfère me taire et écouter son histoire. — Quelque chose vous a endurcie aussi, ajoute-t-il d’un ton plus assuré. Je me tends. Mes mains serrent fermement la couette, et mon cœur bat plus vite. — Depuis notre rencontre dans le métro, j’ai pris le temps d’observer votre comportement. Vous êtes blessée, continue-t-il posément. Au contraire de moi, vous êtes de nature enthousiaste et optimiste. Cependant, vous en faites trop. Votre excès de bonne humeur n’est pas naturel. Vous vous cachez derrière, pour ne pas montrer votre souffrance à vos proches".


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