mardi 3 août 2021

BALEFUL GODMOTHER - Tome 1 : La voleuse de Whitechapel [Chronique express]


Emily Larkin
Les Editions J'ai Lu (2019)
Sortie originale 2017
384 pages 


Synopsis :
Pour l'orgueilleux Adam St. Just, la respectabilité et la famille passent avant tout. Il voit donc d'un très mauvais oeil sa soeur Grace côtoyer Arabella Knightley, une jeune personne qui, non contente d'influencer Grace avec ses idées rebelles, prend aussi un malin plaisir à le défier à la moindre occasion. Comment se débarrasser de cette effrontée ? La chance lui sourit le jour où il perce l'extraordinaire secret d'Arabella. À présent, il détient une arme contre elle. Mais que vaut cette arme face au désir qui l'embrase chaque fois qu'il la voit ?

[CHRONIQUE EXPRESS]

C'est le premier livre que je lis de l'auteure néo-zélandaise Emily Larkin et je dois dire que j'ai bien apprécié sa plume. L'histoire est originale, nous tient en haleine, entre cette jeune femme au comportement entre "Cat's eyes" et "Robin des Bois" et un aristocrate orgueilleux et misogyne. 

Notre héroïne, Arabella, est en effet une voleuse qui se fait surnommer "Le chat" car elle laisse toujours une carte de visite à l'endroit de ses méfaits (notamment pour éviter que les domestiques des maisons soient accusés de vol...). Mais attention, elle ne vole jamais de manière à faire le mal mais toujours pour réparer une injustice (généralement, ses "victimes" sont des personnes mauvaises et méprisantes qui méritent finalement ce qui leur arrive !).

Un jeu du chat et de la souris va commencer entre Adam et Arabella, qui a la réputation d'être une fille légère....Alors que c'est totalement le contraire (vous allez comprendre en lisant ce qui lui est arrivé dans son enfance) ! 

De plus, elle a un passif assez compliqué avec notre héros car celui-ci, quelques années plus tôt, au moment où la jeune femme faisait son entrée officielle dans le "beau monde", chaperonnée par sa grand-mère aristocrate, a lancé une phrase très offensante qui restera collé à Arabella jusqu'à maintenant (il faut savoir que sa mère était française et que l'enfance de notre héroïne a été très chaotique, voire traumatisante, à cause, d'abord, du décès de son père, aristocrate anglais, et ensuite, sa mère, qui a malheureusement fini comme prostituée à Whitechapel, un quartier de Londres que l'on ne présente plus...Néanmoins, c'est aussi là-bas qu'Arabella s'est fait de véritables amis et a vite compris que ce n'est pas parce qu'on est pauvre que l'on est dépourvu d'honneur....Et à contrario, ce n'est pas parce qu'on est aristocrate que l'on n'est pas une sale merde ignoble....). 

Et pour son anonymat en tant que voleuse, son avantage c'est qu'à cette époque, les hommes ne pouvaient pas soupçonner les femmes, qu'ils croyaient "inférieures", et donc, impossible pour eux de penser qu'elles peuvent escalader des balcons et courir sur les toits.

Le fait qu'Arabella va se lier d'amitié avec Grace, la petite soeur d'Adam, va d'abord être mal vu par le Duc, mais finalement, il va vite comprendre que la jeune femme, au lieu de mal l'influencer (comme il pensait qu'elle allait le faire, à cause de sa réputation) va plutôt donner de la confiance en sa jeune soeur, qui a été, elle aussi, victime d'un maitre-chanteur...Car oui, dans cette histoire, il y a un maitre-chanteur, qui est le méchant du récit, et il y a un voleur (enfin une voleuse), qui est notre héroïne.

J'ai vraiment adoré les interactions entre nos deux héros. Arabella ne se laisse pas impressionner par la prestance du Duc, et celui-ci, finalement, semble apprécier ses joutes verbales avec cette jeune femme au caractère bien trempé et qui n'est pas à ses pieds, comme toutes les jeunes filles, bien au contraire....

Evidemment, Adam finira par découvrir le secret d'Arabella, car il est aussi intelligent qu'elle, et surtout, elle va être de plus en plus troublée par sa présence et donc va commencer à commettre des erreurs lors de ses vols.....Néanmoins, ce n'est pas pour cela que notre héros va être choqué, en découvrant la vérité, bien au contraire, il va avoir de l'admiration pour elle (et déjà qu'il était attiré physiquement par elle, forcément, vous vous doutez de la suite....).

Pour conclure, j'ai vraiment passé un très agréable moment de lecture en compagnie du très séduisant Adam et de notre pétillante Arabella, qui forment un "ennemies to lovers" remarquable et la cerise sur le gâteau, le maître-chanteur vicieux qui prenait plaisir à faire souffrir les autres (notamment les jeunes femmes, comme la petite soeur d'Adam) sera démasqué par notre duo de choc et de charme. La boucle est bouclée, justice est faite. Tout est bien qui finit bien. Que demander de plus dans une romance historique de ce genre ?

C'est avec plaisir que je lirai d'autres oeuvres d'Emily Larkin et bien entendu, je vous recommande totalement "La voleuse de Whitechapel" !

Quelques citations :

"Arabella reporta son attention sur les danseurs. Et s’arrêta sur un homme de haute taille, aux traits patriciens. Adam St. Just, cousin du duc de Frew. Il était froid et hautain, comme si c’était lui, le détenteur du titre. Comment avait-elle pu être assez bête pour penser qu’il avait de la sympathie pour elle ? se demanda-t-elle. Cela dit, elle aurait dû lui être reconnaissante. Il lui avait appris à ne jamais faire confiance à un membre de la haute société. Une leçon précieuse, qu’elle n’avait toutefois pas digérée. Impossible, en effet, d’oublier combien le beau monde s’était réjoui de son humiliation".

"— Quelqu’un m’a donné un excellent conseil, à l’époque. Voulez-vous le connaître ? La jeune fille fixait à présent sur elle un regard d’une intensité presque douloureuse. — Oui, s’il vous plaît. — Le quelqu’un en question était M. Brummel. S’il était encore en Angleterre, je suis certaine qu’il vous dirait la même chose. — Beau Brummel ? souffla Grace. Vraiment ? Arabella hocha la tête. Elle se remémorait la voix de Brummel, froide et pourtant empreinte d’une étonnante gentillesse. — Il m’a dit : feignez de ne rien remarquer, et surtout ayez du panache. Si Beau Brummel ne lui avait plus adressé la parole ensuite, il l’avait toujours saluée courtoisement, et gratifiée d’un petit sourire approbateur. — J’ai suivi son conseil, poursuivit Arabella. J’ai fait semblant de m’amuser. J’ai souri, et quand c’était au-dessus de mes forces, j’ai ri. Pour mes détracteurs, c’était parfaitement horripilant, ironisa-t-elle. Elle dévisagea Grace St. Just. — Il ne faut pas prêter attention aux ragots et aux médisances, mademoiselle. — Comment le pourrais-je ? rétorqua la jeune fille, les larmes aux yeux. — Ce n’est certes pas facile, mais c’est possible, déclara Arabella d’une voix ferme".

"Les cheveux noirs et les yeux sombres de la jeune femme trahissaient ses origines françaises, mais la fossette qui lui creusait le menton, comme si un doigt minuscule avait laissé là son empreinte, indiquait qu’elle était issue d’une longue lignée de Knightley. Tout en marchant, il étudiait discrètement son visage – les pommettes racées, la bouche tendre. Son pouls s’accéléra. Voilà ce qui l’ennuyait le plus s’agissant d’Arabella Knightley : l’attirance qu’elle exerçait sur lui, et qu’accompagnait invariablement, dès qu’il la voyait, un pincement de culpabilité".

"Bonsoir, monsieur St. Just, dit-elle avec cette froide ironie qui le hérissait. Il s’inclina de nouveau, la suivit des yeux comme elle s’éloignait. Malgré son mètre cinquante et sa silhouette gracile, elle avait de la présence. Son maintien, son port de tête en imposaient. Elle semblait parfaitement à son aise dans cette salle de bal bondée, sûre d’elle, indifférente à la curiosité malsaine qu’elle suscitait. — Tante Seraphina, pourquoi avez-vous laissé… commença-t-il d’un ton de reproche. — Je l’aime bien, l’interrompit tranquillement la vieille dame. Elle est extrêmement intelligente. — Moi aussi, je l’aime bien, renchérit Grace. Adam, puis-je l’inviter à… — Non, coupa-t-il. Être vue en sa compagnie nuirait à ta réputation. Mlle Knightley n’est pas de notre monde. — Je sais, rétorqua sa sœur. Elle a passé une partie de son enfance dans les bas quartiers, et sa mère était une… une… Grace cherchait un euphémisme, qu’elle ne trouva pas. — Mais moi, je l’aime bien. J’espère que nous deviendrons amies. « Moi vivant, cela ne risque pas d’arriver », décréta-t-il. — Nous partons ? biaisa-t-il. Il est près de minuit et une longue route nous attend demain. Dans le Sussex, au moins, ils n’auraient pas à côtoyer Arabella Knightley. Cette pensée le revigora. — J’ai décidé de rester à Londres, déclara Grace. Adam arqua les sourcils. — Vraiment ? — Oui. C’est ma première saison mondaine, et j’ai décidé d’en profiter".

"— C’est vous, ma chère Grace, et non votre frère qui vivrez auprès de cet homme. Vous devez avoir la certitude qu’il vous rendra heureuse. — Et comment le saurai-je ? — En l’observant. Voilà pourquoi je vous conseille de prendre votre temps. Adam se renfrogna. — Mademoiselle Knightley… — Vous ne risquez aucunement de finir vieille fille, enchaîna-t-elle, comme s’il n’avait rien dit. Ne vous laissez pas imposer une union qu’il vous faudra supporter jusqu’à la fin de vos jours. — Mademoiselle Knightley, répéta-t-il, cette fois d’un ton menaçant. Le mariage de ma sœur ne vous… — Le conseil vaut également pour vous, monsieur St. Just, le coupa-t-elle, souriante. — Je vous demande pardon ? articula-t-il, reprenant instinctivement son masque dédaigneux. Le sourire d’Arabella Knightley se fit aussi tranchant qu’une lame. — Grace m’a appris que vous cherchiez une épouse. Choisissez bien, monsieur St. Just. Épouser une femme qui ferait de votre vie un enfer serait… tragique. Renonçant à l’asticoter, elle reporta son attention sur Grace."

"— Le père de Mlle Knightley était le fils cadet du comte de Westwick. Sa mère était la fille d’un comte français. Ils s’étaient rencontrés en France avant la Terreur et mariés sans l’accord de leurs familles respectives. Elle était catholique, tu comprends. — Leurs parents les ont reniés ? questionna Grace, brûlant visiblement de curiosité. — Westwick, qui était réputé pour son caractère acariâtre, a effectivement renié son fils. Quant à elle… Il haussa les épaules. — C’était le début de la Terreur, je crois que ses parents en ont été les premières victimes. Knightley et elle se sont réfugiés en Angleterre, ils ont vécu plusieurs années dans le Kent. Modestement, mais honorablement. Jusqu’au décès de Knightley. — Quel âge avait Arabella ? — Environ cinq ans. À la mort de son mari, Mme Knightley s’est retrouvée sans le sou. Elle a demandé de l’aide à Westwick, qui a refusé de l’accueillir sous son toit. Seule l’enfant était la bienvenue. — Comment a-t-elle réagi ? — Elle a choisi de garder sa fille auprès d’elle. Un ami de Knightley, un aristocrate, a proposé de l’héberger. Elle s’est donc installée chez lui. Après quelque temps, elle est devenue sa maîtresse. Elle était très belle, paraît-il. — Et où était Arabella ? — Toujours avec sa mère. — Ce n’est pas si terrible, n’est-ce pas ? hasarda Grace après un silence. Beaucoup de femmes mariées ont des… aventures et sont pourtant reçues partout. Adam lui coula un regard oblique. Où avait-elle appris cela ? — C’est vrai, mais au fil des ans, Mme Knightley a eu plus d’un protecteur, et ensuite, lorsque sa beauté s’est fanée, elle a dégringolé dans l’échelle sociale. Elle est allée vivre dans les bas quartiers de Londres avec sa fille. — Mme Knightley était une femme déchue ? — Oui. Grace baissa les yeux sur ses mains. — Combien de temps Arabella a-t-elle vécu de cette façon ? — Trois ou quatre ans, je crois. Jusqu’à la mort de sa mère. Elle avait douze ans quand Westwick l’a recueillie. — Douze ans ? Il opina, se remémorant sa sœur au même âge : timide, innocente et enthousiaste. — Arabella a dû beaucoup souffrir, murmura Grace, l’air grave. Adam haussa de nouveau les épaules. — Westwick l’a éduquée, il a fait d’elle son héritière, ses autres fils étant morts sans descendance, et… — Je voulais dire qu’être orpheline si jeune est une tragédie. J’étais plus âgée qu’Arabella quand mère est décédée – et j’avais un frère, ajouta Grace avec un petit sourire".

Elle avait haï Adam St. Just sept années durant. Fallait-il s’accrocher à cette haine alors qu’il faisait amende honorable ? Mais si elle ne le détestait plus, elle ne pouvait quand même pas éprouver pour lui de la sympathie, n’est-ce pas ? Non, impossible".

"— Vous n’avez pas à me protéger, monsieur St. Just, dit Arabella, amusée. C’était plus fort que lui. Il éprouvait un besoin viscéral de veiller sur elle. — Ce ne sont que des gamins, ajouta-t-elle. Ils ne sont pas méchants. — Ils n’hésitent quand même pas à vous faire les poches, objecta sombrement Polly. Arabella se contenta de hausser les épaules en souriant. Elle se remit en marche. Il devait la protéger d’elle-même, décida Adam, qui lui reprit la main pour la glisser au creux de son bras. Elle lui coula un regard narquois qu’il fit mine de ne pas remarquer, puis il offrit son bras libre à Polly. Ils enjambèrent une rigole tellement répugnante qu’il en eut la nausée. Comment Arabella Knightley avait-elle réussi à survivre dans cet environnement ? Comment Harry et son épouse y survivaient-ils ? Comment un être humain issu de cet enfer pourrait-il ne pas devenir un être sans foi ni loi ? Pourtant Harry Higgs – qui n’avait jamais quitté ce quartier – était un homme remarquable : intelligent, loyal et, à sa façon, honnête. Juger quelqu’un sur ce qu’il était et non sur ce qu’il possédait, voilà la leçon qu’Arabella lui avait enseignée ces dernières semaines. Même si ses manières manquaient de distinction, Harry était aussi digne de respect, sinon plus, qu’un membre de la haute société. Il observa de nouveau Arabella du coin de l’œil. Il pensa à son père. Il avait eu tort, songea-t-il. Il aurait dû l’inciter à l’épouser. Elle valait mille fois mieux qu’une fille de duc".



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire