samedi 31 juillet 2021

SANS FOI NI LOI - Tome 4 : Le Duc de Trenwyth [Chronique express]

Kerrigan Byrne
Les Editions J'ai Lu (2018)
sortie originale 2017
384 pages 

Synopsis :
Devenu duc de Trenwyth à la suite d'une tragédie familiale, Collin Talmage a survécu à la guerre, à la torture et à la maladie. Toutes ces épreuves ont fait de lui un homme dur et hautain, dont l'âme blessée survit grâce au souvenir lumineux d'une inconnue croisée dans un bordel de Londres. Un ange de douceur... c'est-à-dire l'antithèse de sa nouvelle voisine, la comtesse d'Anstruther, une jeune veuve arriviste qui a le culot d'ouvrir son hôtel particulier à une faune de prostituées et de traîne-misère. Collin décide d'entrer en guerre contre cette effrontée qui menace sa tranquillité... sans se rendre compte qu'il a sous les yeux celle qu'il cherche en vain depuis tant d'années.


[CHRONIQUE EXPRESS]

Comme à chaque fois, l'auteure américaine Kerrigan Byrne, a su me toucher en plein coeur avec cette romance entre ce Duc blessé (physiquement et psychiquement), qui cache ses faiblesses derrière une grande froideur, voir du mépris pour les autres et une jeune femme au grand coeur, qui, certes, traine une réputation de veuve joyeuse derrière elle, alors qu'en vérité, il n'y a pas plus "pur" qu'elle.....

Imogen est une femme au grand coeur qui aide les autres et d'ailleurs c'est aussi pour cela qu'elle est devenue comtesse, en épousant un vieux comte, hospitalisé et qui a vu en cette jeune "infirmière" (car oui, elle travaillait comme serveuse le soir dans une taverne et le jour dans un hopital) le joyaux qu'elle pourrait devenir et les miracles qu'elle pourrait faire avec un peu d'argent.....

Autant vous le dire tout de suite, nous sommes dans une romance où le héros est un "sacré fils de p*te" à maltraiter et rabaisser, voire humilier Imogen, sa voisine, lui faisant bien comprendre qu'il lui est supérieur socialement (de par son sang bleu) et surtout que si elle fait partie maintenant de l'aristocratie, elle aussi, c'est parce qu'elle a réussi à faire un mariage "intéressé", voire un abus de faiblesse de la part d'un vieux aristocrate qui se serait fait "tourner la tête" par une gourgandine.... (hors, il n'en est rien, c'était plutôt un cadeau d'un vieil homme en reconnaissance de la gentillesse de cette jeune femme qui a connu une enfance malheureuse, et qui a dû se débrouiller comme elle le pouvait pour survivre et aider sa jeune soeur, étant toutes les deux orphelines......Pour une jolie fille comme elle, venant des bas quartiers, il n'y a pas beaucoup de perspectives, néanmoins, elle a toujours réussi à échapper à la prostitution, se contentant d'être serveuse jusqu'à un fameux soir voilà quelques années)....Sous une perruque brune et une "attitude", elle a réconforté le jeune Duc de Trenwyth, qui avait alors perdu toute sa famille, se retrouvant l'unique héritier d'un riche duché, mais également soldat devant effectuer son devoir et quitter très prochainement l'Angleterre pour effectuer son devoir......

Car vous l'aurez deviné, quand il va revenir quelques années plus tard en Angleterre, évidemment, il ne reconnait pas sa voisine Imogen, comme étant Ginny la petite prostituée vierge (qui portait une perruque brune et un maquillage chargé), la seule personne qui lui a apporté un peu de réconfort, voire d'humanité, alors qu'il était en pleine période de deuil, avant de subir le pire lors de ses batailles et ses emprisonnements dans les geoles ennemies......

Imogen/Ginny, elle, n'a rien oublié.....Mais elle sait aussi que si jamais le Duc la reconnait, maintenant qu'elle est Comtesse - et veuve -  cela en serait fini de sa réputation, de tout le travail qu'elle a effectué depuis maintenant pour aider les plus démunis (notamment les femmes et les enfants) à sortir du trottoir et des caniveaux (grâce à l'héritage qu'elle a reçu de son vieil époux - et complice).

Encore une fois, suspenses, enquête policière (meurtres de jeunes femmes, certaines ont un lien avec Ginny.....), quiproquos, forte tension sensuelle, affrontements verbaux.....Vous allez être gâtés avec ce 4ème tome qui met en valeur un héros froid, voire glacial face à une héroïne au grand coeur (sans parler de la petite contribution des personnages des précédents tomes....)...Kerrigan Byrne reste l'une de mes auteures de romances historiques préférées et cela se confirme avec cette saga, notamment ce tome-ci, qui est un coup de coeur ! 

Quelques citations :

"Del Toro l’intercepta. La lueur dans ses yeux alarma Imogen, dont les pires soupçons ne tardèrent pas à se confirmer. Elle l’interrompit avant qu’il ne termine de lui exposer l’accord qu’il avait conclu avec le duc. — Vous m’avez donné votre parole que je n’aurais jamais à… — C’était avant qu’il me donne un billet de vingt livres, répliqua del Toro, émerveillé. — Vingt livres ? Imogen sentit ses jambes faiblir et se laissa tomber lourdement sur une chaise. — Vous voulez sûrement dire deux livres ? demanda-t-elle. Même une telle somme était un tarif inouï pour un lieu tel que le Bare Kitten. Seuls des établissements de Covent Garden ou Mme Regina pouvaient demander deux livres la nuit. Del Toro gratta son crâne dégarni et sortit le billet, sans lui laisser le toucher. — Pour vingt livres, je vendrais ma propre fille, avoua-t-il sans la moindre honte. Réfléchis, c’est près d’un tiers de ce que ton père me doit. Saisie d’un espoir désespéré, Imogen lança un regard vers les hommes assis autour des tables de jeu. Vingt livres représentaient six mois de salaire à l’hôpital. Il lui restait soixante-quatorze livres à rembourser sur les dettes de son père. Cela lui épargnerait une année entière à travailler dans ce lieu misérable, réduisant sa peine, comme elle la considérait, à deux ans au lieu de trois. Cela ne lui coûterait que sa virginité".

"J’en déduis que vous n’entretenez pas de bons rapports de voisinage ? demanda Ravencroft. Cole émit un son caustique. — Son défunt mari, lord Anstruther, était un homme très bien. Cette sangsue est parvenue à se coller à lui – un vieillard de soixante-dix ans ! – alors qu’il était sur son lit de mort. Ils n’ont été mariés que neuf mois avant qu’il passe l’arme à gauche. Elle a hérité de toute sa fortune, puisqu’il n’avait pas d’héritier et que ses biens n’étaient pas inaliénables. — Vraiment ? demanda Ravencroft, vaguement curieux. Voilà qui est rare parmi les gens de notre classe. — C’est bien là que le bât blesse. Elle n’a aucune classe. Pas de pedigree, pas de titre, pas d’argent. C’est la fille d’un commerçant qui a fait faillite. Elle était infirmière à St. Margaret, tu te rends compte ? J’ai un peu enquêté sur elle afin de voir si je pouvais faire annuler son héritage, mais les documents sont inattaquables. Elle a bien travaillé : elle a sans doute poussé Anstruther à mettre ses affaires en ordre avant de l’aider à passer dans l’au-delà. — C’est une accusation grave. — C’est plus une hypothèse qu’une accusation, admit Cole. Cela dit, j’en mettrais ma main à couper si je l’avais encore. De là où il se tenait, il voyait les courants d’air jouer dans la chevelure de sa voisine comme s’ils choisissaient soigneusement quelles mèches écarter de ses épaules et de son visage en forme de cœur. Elle en glissa une derrière l’oreille d’un long doigt gracieux taché de bleu, se mettant de la peinture dans les cheveux sans s’en rendre compte. — Elle a même fait entrer sa jeune sœur dans le monde, la présentant à la reine ! ajouta-t-il avec indignation. Une jolie fille, certes, mais qui s’abaisserait à l’épouser ? Ravencroft s’approcha sur sa droite pour mieux observer le jardin. — De nos jours, tout est possible, commenta-t-il. Si la fortune Anstruther n’égale pas la tienne, elle est considérable. Elle intéresserait sans doute plus d’une famille noble appauvrie. Le monde change. De nombreux membres de l’aristocratie terrienne doivent ravaler leur fierté et se mettre en quête d’une dot qui sauvera leurs propriétés. Pour eux, la petite sœur d’une comtesse anglaise représente un meilleur parti qu’une héritière américaine".

"Un an plus tôt, cela n’aurait pas eu grande importance. Mais, depuis, elle avait commencé à construire quelque chose, à défendre une cause. Il était impératif que son passé reste dans le passé. Caché. La dernière fois qu’elle avait vu Trenwyth, c’était à l’enterrement d’Edward, dans la chapelle de Belgravia. Elle avait été à la fois effondrée et soulagée, car les dernières semaines de son mari avaient été très pénibles. Le voir souffrir avait été atroce. Cole ne l’avait pas quittée des yeux de toute la cérémonie. Encore convalescent, pâle et faible, il l’avait observée avec un tel mépris qu’elle avait été remplie d’angoisse. Craignant qu’il ne la reconnaisse, elle était restée tout le temps drapée dans ses épais voiles noirs. Les pairs de lord Anstruther, ses anciens collègues de l’armée et ses amis l’avaient traitée avec froideur. Elle s’y était attendue, mais n’avait pas pensé que cela l’affecterait autant. Surtout de la part de Trenwyth. Elle devait à tout prix l’éviter. S’il la reconnaissait, il pouvait détruire la vie qu’elle avait bâtie pour sa mère et sa sœur. Maintenant qu’il était rentré de voyage, elle devrait redoubler de prudence".


"Elle avait certes changé depuis leur première rencontre. Outre le fait qu’il n’avait jamais vu la vraie couleur de ses cheveux, elle s’était remplumée. Les femmes de sa famille n’avaient pas une constitution frêle ; sa mère, sa sœur et elle étaient devenues maigres par manque de nourriture. À présent qu’elle était bien nourrie, ses hanches et sa poitrine s’étaient développées. Désormais, ses joues étaient roses, sa chevelure brillante et son teint doré par le soleil de son jardin. En fait, si Ezio del Toro l’avait croisée dans la rue, il ne l’aurait probablement pas reconnue. Mais, même ainsi, mieux valait garder ses distances avec son voisin. Elle tira sur ses gants et retourna dans la salle de bal. Collin Talmage était un homme dangereux. Sa détention dans les geôles ottomanes l’avait profondément changé, physiquement et mentalement".

"Si, insista-t-elle. Si j’étais un homme, vous opposeriez-vous autant à mes projets caritatifs ? — Oui. Cela dit, nous avons déjà établi que j’étais une ordure. Cela n’a rien à voir avec votre sexe. Elle serra son petit poing avec une expression féroce. — Vous n’imaginez pas la force qu’il faut pour être une femme. D’après ce que j’ai pu constater jusqu’à présent, le sexe faible, ce sont les hommes. Soit ils sont trop indisciplinés pour contrôler leurs instincts, soit ils sont trop fragiles pour supporter l’inconfort de l’honnêteté et de l’intégrité. Les femmes, elles, recourent à tous les moyens dont elles disposent pour survivre. Pourtant, elles sont toujours considérées comme des biens ou des jouets. Au regard de la loi, nous ne valons pas mieux que des vaches ou un lopin de terre fertile. Il est considéré comme acceptable de nous maltraiter, de nous humilier, de nous plier à votre volonté. C’est votre droit en tant qu’hommes, et nous, les femmes, avons le devoir de le subir. Et on s’étonne que le monde soit un tel chaos ? Cole perçut de la peur sous sa colère. Il réfléchit un moment, entièrement concentré sur la chaleur de sa main tandis qu’elle s’accrochait à lui sans s’en rendre compte. Une vraie petite militante. Si ardente ! — Vous savez ce que je pense ? dit-il enfin. Les hommes sont terrifiés à l’idée que les femmes prennent le pouvoir parce qu’ils seraient humiliés de constater leur supériorité en tout. Quand on y réfléchit, les meilleurs moments de notre histoire, les temps les plus prospères, ont eu lieu lorsque de grandes femmes étaient sur le trône. Comme Elizabeth, par exemple, ou notre Victoria. Peu d’hommes ont gouverné avec autant d’intelligence. Elle esquissa un sourire contraint. — Vous ne cessez de me surprendre, monsieur le Duc. — Je suggère que, compte tenu des circonstances, nous nous passions de ces formalités. En privé, vous pouvez m’appeler Collin si vous le souhaitez. Elle fronça les sourcils. — Collin ? C’est ainsi que vos amis vous appellent ? — Non, en fait. Elle lui fit signe de continuer comme si elle connaissait déjà la réponse, ce qui était impossible. — Cole. Mes amis m’appellent Cole. Elle parut satisfaite. — Cole, répéta-t-elle. Nous ne sommes pas vraiment amis, n’est-ce pas ? — Je préférerais que nous ne soyons plus ennemis, répondit-il avec un sourire ironique. — Moi aussi. Et vous pouvez m’appeler Imogen. Il aurait voulu prononcer son si joli nom, savourer son intimité sur sa langue. Cependant, la manière dont elle le dévisageait, cette lumière dans ses yeux noisette rouvrait dans sa poitrine une douleur qu’il n’avait pas ressentie depuis… — Vous êtes trop bonne, reprit-il. Trop généreuse. Ne conservez-vous jamais aucune rancune ? Ne détestez-vous personne ?".

"Qui avait-elle été ? Ses doigts se refermèrent sur le coin de tissu et firent tomber la bâche. S’il ne trébucha pas en arrière, ce fut uniquement parce qu’un homme aussi entraîné que lui savait maîtriser ses réflexes. Une émotion puissante le saisit, s’enroulant autour de ses os, contractant tous ses muscles. Une pièce cramoisie, une lampe unique, un homme nu. Lui. C’était bien lui, tel qu’il avait été dans cette chambre rouge des années plus tôt, à la fois entier et le cœur brisé. En manque. Assoiffé de cette affection et de cette douce grâce qu’il avait trouvées là où il s’y attendait le moins. Seule une femme l’avait vu tel qu’il était représenté dans ce tableau maudit : les paupières mi-closes, ivre et excité ; les traits tirés par un chagrin mal dissimulé ; ses longs muscles tendus par un désir à peine contrôlé. Ginny. Il articula lentement ce prénom tandis qu’il s’efforçait d’extirper du passé une image rendue floue par l’ivresse et le temps. Ginny… Imogen. Le souvenir perdu remonta à la surface à une vitesse fulgurante. Il s’épanouit dans son esprit, l’illuminant, le détruisant, puis construisant quelque chose de nouveau à partir des morceaux épars tandis qu’il contemplait cette représentation cramoisie du passé. Ginny… Sa Ginny n’était autre qu’Imogen Pritchard".



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