SIX RIVERS RIDERS - Tome 1 : Lead [Chronique express]

Clara Nové

Evidence Editions 2020

250 pages 

Synopsis : 

Quand Jeanne, jeune institutrice française issue du milieu ultraconservateur catholique, débarque en Californie du Nord pour commencer une nouvelle vie, et surtout fuir un mariage dont elle ne veut pas, elle tombe de haut : loin du travail tranquille auquel elle s’attendait, la voilà plongée dans un monde qui lui est totalement inconnu, celui des clubs de motos pas vraiment... recommandables ! Qu’à cela ne tienne, il en faut plus pour doucher la volonté et la bonne humeur permanentes de la jeune fille !

[CHRONIQUE EXPRESS]

Clara Nové est une auteure de la génération "Wattpad" qui a eu la chance de trouver un public pour ses histoires et qui est maintenant publiée par une maison d'Edition.

Bien entendu, quand je parle de "chance", il y a aussi le talent qui entre en compte dans sa réussite ! Il faut dire que son premier tome est très attractif, avec l'histoire de cette jeune française qui débarque en Californie du Nord dans un club de bikers pour servir de nounou à une fillette de 9 ans.

Alors certes, le récit manque un peu de profondeur, notamment vis à vis du passé de Jeanne, des raisons pour lesquelles elle a quitté la France, sa famille, son futur ex-fiancé....La faire passer pour une fille qui a été éduquée par une famille ultra catholique et c'est la raison pour laquelle elle est encore vierge alors qu'elle est sur le point de se marier...Mouais...Là, j'ai un peu tiqué....Mais bref, à part ce détail et le fait qu'elle soit institutrice à 25 ans (son peu d'expérience ne l'empêche pas d'être très douée pédagogiquement, apparemment...), le reste du récit m'a bien plu.

Alors, comment ne pas craquer face à cette bande de bikers ! Lead, évidemment, le chef, qui a récupéré sa fille, Anna, jusque alors éduquée par ses "beaux-parents" au Québec (donc, la petite parle très bien français, on peut même dire que c'est sa langue maternelle....Et d'ailleurs, au départ, elle ne s'exprime que dans celle-ci face à cette bande de machos, histoire de les faire chier...). Et c'est pour ça qu'ils étaient à la recherche d'une "nounou" française....Une nounou qui aurait dû avoir la cinquantaine, une femme d'expérience, qui ne soit pas "baisable" pour cette bande de loups en rut....Pas une très jolie blonde, jeune femme de bonne famille de 25 ans qui est surnommée "Laura Ingalls" dès le départ - cela vous laisse imaginer son look et son côté "ingénue".....Le fait qu'elle dénote totalement face aux bikers et aux "brebis" (les filles "faciles" et "libérées" qui tournent autour des bikers) est flagrant !

Alors autant le dire tout de suite, cette histoire n'a rien d'original mais elle a un petit plus par le fait que l'héroïne soit française, qu'elle a du caractère (et elle a même  réussi à ramener sa petite C1 pour conduire sur les routes californiennes...). 

Sa relation avec Lead est très électrique, chaotique et intense car c'est son patron, à proprement parler, puisqu'elle bosse en tant que "nounou/institutrice" pour sa fille....Et surtout, il exige qu'aucun gars du groupe ne s'approche d'elle (couche avec elle, pour être plus précise), et on sent qu'il est vraiment attiré par elle (malgré son look très sage, qui dénote avec les nanas en mini-jupe et grands décolletés qui l'entourent et qui se sont certainement toutes succédées dans le lit de ce "gros dur").....J'ai aimé la manière dont leur relation va grandir peu à peu...

Jeanne va utiliser ses talents de cuisinière (Ah ! la bonne cuisine française, cela fait toujours son petit effet, même avec le plus simple des plats "de grand-mère"...Qui ne craque pas face à une blanquette de veau ?....Et quand on tient un homme par l'estomac, c'est gagné....), et il y a aussi son talent d'enseignante (malgré son jeune âge... Car si tout s'est bien passé, elle a dû être titularisée pour cette profession en France à 23 ans...). D'abord pour Anna (qui parle français, en plus puisque elle a fait ses premières années de scolarité au Québec chez ses défunts grand-parents maternels !) mais aussi pour Lead, car lui aussi cache des faiblesses et a bien besoin de quelques cours particuliers (qui expliquent du coup, pourquoi c'est Jeanne qui a été embauchée au lieu d'une femme mature d'une cinquantaine d'années...).

Et enfin, dans ce livre, il y a Oak....Le second de Lead....Celui qui va être très rapidement le complice, l'allié de Jeanne....Même s'il la drague "gentiment" (car c'est un mec qui adore bouffer....Et il adore la cuisine française de Jeanne).....Je comprends totalement que l'auteure, Clara Nové, ait décidé d'écrire un tome qui va lui être consacré vu sa popularité auprès des lecteurs sur Wattpad...C'est un personnage attachant, mais aussi intrigant ! 

Personnellement, j'attends donc avec impatience la sortie de ce tome 2 surtout que l'on sait déjà qui est, à priori, la jeune femme qui va le faire "se ranger" et qu'elle est du même style moral que Jeanne, (celle-ci n'a donc rien à voir avec les "brebis" du club)....En plus, pour compliquer un peu la situation au niveau de "l'amour interdit", son frère est flic et n'aime pas du tout, mais alors pas du tout ce club de bikers....A juste titre puisque certaines de leurs activités sont illicites..Il faut bien l'admettre ! Jeanne a choisi son camp mais est-ce que la femme que convoite Oak fera de même ? Wait and see....

Attention spoilers !

Mon seul regret dans ce livre, c'est vraiment qu'on n'ait pas plus d'explications sur le passé de Jeanne. Tout de même, elle s'enfuit comme cela, aux USA, elle arrive à faire rapatrier sa voiture française....Ses parents, son fiancé...C'est dégueulasse de sa part de faire silence radio durant de mois et des mois, voire couper totalement les ponts....Quand on a des enfants, quel que soit leur âge, en tant que parent, on s'inquiète toujours !....Alors je sais qu'en France, les majeurs ont le droit de "disparaitre" sans avertir leur famille....Mais quelle torture psychologique ! je le répète c'est dégueulasse ! Si l'un de mes enfants le faisait un jour (bon, là, ils ont 8 et 11 ans, donc je ne suis pas encore concernée) mais s'ils disparaissaient de leur plein gré sans donner de nouvelles, je ne sais pas comment je pourrais le supporter ! car pour ce genre de disparition, il y a toujours ce doute : Est-ce que mon enfant est encore en vie ?...Bref, cette partie là de l'histoire, la manière dont l'auteure explique la fuite de Jeanne, cela ne m'a pas plu....Et pour l'histoire de la famille ultra catho et le fait qu'elle soit vierge pour son mariage...Heu...Allo ! Il n'y a pas d'autres religions en France qui sont un peu plus "hardcore" sur cette question là, cette question "d'honneur de la famille et que la fille doit rester pure pour son futur mari" ?....Tirer sur l'ambulance, je n'apprécie pas trop cela....Je pense que l'auteure aurait dû trouver une autre raison pour que son héroïne quitte la France....Quant à sa virginité....Aaaah....Est-ce que cela est si important dans une romance contemporaine en 2020 ? Je veux bien pour les romances historiques mais vu le contexte de cette histoire où la nana va se retrouver dans un monde de bikers où les mecs picolent et "partouzent" à l'envie, ça fait un peu bizarre....Je trouve que le grand écart entre l'ancienne et la nouvelle vie de Jeanne est un peu baclée et qu'elle s'est très bien acclimatée à sa nouvelle vie....Jusqu'à frôler de près la ligne de la légalité et la justice....Je sais que l'amour est aveugle mais Lead est quand même un mec qui fait du trafic d'armes, ce n'est pas rien....Bref....

Quelques citations :

"— Salut, ma jolie ! C’est toi la nouvelle instit, c’est ça ? 

— Comme si tu le savais pas, se moque un de ses amis. Y en a pas beaucoup des comme ça à la ronde. Des comme ça ? Comme quoi ? Mon voisin de banc se gausse, imperturbable. Il n’est pas laid, plutôt grand, et je suis fascinée par les piercings qu’il arbore à l’arcade sourcilière. 

— Pas touche, Striker : Blue, c’est chasse gardée ! lance Oak qui déboule dehors suivi de Beer et du grand chef, l’air toujours morose. Ont-ils fini leur réunion ? — Gardée pour qui ? rétorque le dénommé Strike. Pour toi ? 

— Ouaip. J’ai eu une révélation ce midi. Blue, c’est la femme de ma vie, basta. — Ça, ça m’étonnerait beaucoup, réplique Beer qui allume une cigarette. 

— Et pourquoi pas ? riposte Oak, faisant mine d’être choqué. 

— Parce que t’es trop con. Et qu’elle fait pas dans le social, la petite. 

— Hein ? s’offusque Oak. Hé, j’ai de l’argent de côté, moi ! Je claque pas tout dans la bière et le tabac. 

— Non, juste dans les putes. Tu réfléchis avec ta bite, crétin, elle vaut mieux que ça, la petite. L’hilarité générale qui s’ensuit m’atteint aussi, curieusement, et je me mets à rire devant les piques qu’ils s’envoient les uns aux autres en permanence. Leur vulgarité me passe presque par au-dessus. Sans doute que je m’y habitue déjà. Globalement, si, de prime abord, ils font une peur bleue aux gens, je n’ai pas l’impression qu’ils sont méchants. Enfin, je crois. En tout cas, ils ont été corrects avec moi jusqu’ici. Espérons que ça dure. 

— Pas touche à la demoiselle, claque soudain la voix grave de Lead. Aucun de vous, c’est compris ? J’en ai besoin jusqu’à la fin de l’année scolaire. Alors, si vous voulez vous vider les couilles, y a assez de brebis dans le club ! Hop, réunion".

"L’arrivée des pizzas dans les mains des brebis est saluée de clameurs viriles. Décidément, la place de la femme n’est guère différente que dans le milieu catholique dont je suis issue. Les brebis ont choisi d’être ici, certes, on ne leur a pas imposé de venir. Mais est-ce si différent ? Elles supportent leur condition avec pour rêve d’accéder au statut de régulière, un jour. Serons-nous donc toutes condamnées à travers les siècles à n’exister qu’à travers l’homme qui nous nourrit et nous protège, peu importe la période ou la société ? Bon sang, serais-je en train de philosopher sur les valeurs du féminisme autour d’un feu de camp".

"— Je la voulais, tu sais. 

— Qui ? Sa mère ? 

— Non, Anna, je la voulais. Quand Sue s’est rendu compte qu’elle était enceinte et qu’elle a parlé d’avorter, je n’étais pas d’accord. Je voulais ce gamin. Peu importe comment il avait été conçu. 

— Pourquoi ? demandé-je, étonnée. 

— C’était mon gosse. J’avais vingt ans, une vie de merde et je glissais sur la mauvaise pente sans rien à me raccrocher. Alors, c’est devenu mon but, un objectif dans l’océan du vide qui m’engloutissait. Mais quand ses parents l’ont su, en chrétiens convaincus, ils ont refusé l’avortement. J’étais heureux, tu ne peux pas savoir. Mais ils n’avaient pas envie de m’avoir dans le tableau familial. Alors je me suis battu, pendant des mois. J’ai arrêté la drogue, je me suis sevré, pour être digne d’elle. Ils m’ont m’offert de la reconnaître, dès sa naissance, si je jurais de les laisser l’éduquer. Ça m’a déchiré le cœur, putain, mais j’ai signé, en me disant qu’elle aurait un avenir avec eux et que peut-être bien que je la rencontrerais un jour. J’ai même pas eu le droit de la voir quand elle est née. J’en ai chialé pendant des jours. Ses aveux sont poignants. Joshua est un homme bien plus complexe que je ne le croyais. 

— Et sa mère ? 

— Elle s’est barrée juste après sa naissance. Elle est morte d’une overdose, dans un squat de Toronto, six mois après. 

— Je suis désolée. 

— Ça ne m’a rien fait. Je sais que c’est horrible, mais c’est comme ça".