Les Editions Librinovo (2020)
198 pages
Synopsis :
J'me présente : Johanna, 34 ans. Je suis mariée, mère de deux enfants, heureuse propriétaire d'un chien et demeurant dans une jolie villa. J'ai appris qu'il fallait absolument avoir toutes ces choses pour réussir une vie et qu'il n'y a pas de réel bonheur sans cela. Mais que se passe-t-il quand, un matin, le tableau idyllique devient une cage dorée dans laquelle mourir à petit feu est une habitude ? Que se passe-t-il quand les mots enfouis se transforment en maux silencieux ? Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Comme les autres années, il n'aura pas lieu. Je suis une oubliée, une de celles qui survivent dans l'ombre des autres. Aujourd'hui, le voile qui obstrue la vision de mon existence vient d'être emporté par un tsunami. Alors je n'ai plus le choix : exister ne doit plus être une option.
[CHRONIQUE EXPRESS]
Ce livre, je l'ai trouvé salvateur. (oui oui, je n'exagère pas !). Il résonnera dans le coeur de toutes les personnes qui se posent des questions sur leur vie, sur le but de leur existence. En cette période "pas facile" que nous vivons, c'est très intéressant de voir comment une femme, une mère de famille qui n'a jamais travaillé, arrive à se débrouiller et à rebondir quand son mari et elle se séparent.
Evidemment, tout le monde n'a pas la chance d'avoir, comme notre héroïne Johanna, des amis bienveillants, des enfants (ados) compréhensifs et également un talent artistique qui va lui permettre d'éviter de faire un "boulot alimentaire" pour arriver à joindre les deux bouts.
Johanna, c'est une femme comme vous et moi. Elle s'est laissée "embourbée" dans une petite vie routinière, elle a fini par "s'effacer", elle a fini par se perdre, par se laisser aller, par se négliger physiquement et moralement....
Alors certes, vous allez dire que la beauté physique ne compte pas, mais l'estime de soi, si ! Et si Johanna a quelques kilos en trop au moment où débute le récit, qu'elle se fout totalement de son apparence (pas de maquillage, et cheveux longs sans réelle "vraie" coupe de cheveux, où pointent des filaments gris de plus en plus nombreux), sans parler de ses vêtements informes....Et puis un jour, elle va finir par "faire un effort" pour se plaire à elle-même, pour retrouver sa confiance en elle-même, pour s'aimer, tout simplement (et pas seulement pour plaire aux autres).
Avec une nouvelle coupe de cheveux qui détonne (à 34 ans, elle peut se le permettre, surtout quand sa meilleure amie est coiffeuse !), une remise en forme avec de la course à pied, histoire de se vider la tête et de fortifier sa "chair", elle va finir par se retrouver, par apprécier la jolie femme devant son miroir, au charme fou, et qui se cachait auparavant sous cette femme lassée par une vie sans but et sans joie.
Johanna va aussi se rendre compte qu'elle plait aux hommes. Elle qui n'avait connu que son mari avec qui elle a eu des enfants très (trop) tôt et qui s'est alors vu "obligée" d'arrêter ses études et a fini prise au piège dans cette cage dorée bien orchestrée par son mari et sa belle-famille.
Ce livre, nous montre que l'on peut changer sa vie, il faut juste parfois se donner un bon coup de pied au cul. Il faut avoir le courage aussi de le faire, ce qui n'est pas forcément évident (c'est pour cela qu'il y a autant de suicides et de gens qui souffrent de dépression....Quand on souffre de dépression, il ne suffit pas de s'entendre dire "fais un effort" pour s'en sortir...La dépression est une vraie maladie et pas un "manque de volonté" !).
Mais attention, tout n'est pas "idyllique" dans "Ce matin, j'ai choisi de vivre", car l'auteure, Noélie Jausen, nous rappelle aussi que la vie peut être cruelle et que parfois, quand on croit être enfin "heureux" et sorti du bourbier infâme dans lequel on était empêtré depuis des années, il nous arrive des "drames ordinaires", des évènements qui sont pourtant "dans l'ordre des choses" mais que notre société actuelle a décidé d'expédier comme une formalité...Vous comprenez sans doute de quel genre d'épreuve je veux parler et sinon, et bien je vous encourage à lire ce livre (et de toute manière, vous aussi, vous y passerez, par cette malheureuse épreuve douloureuse....)....
Alors avec "Ce matin, j'ai choisi de vivre", vous allez passer un bon moment de lecture auprès d'une héroïne qui a le courage de reprendre sa vie en main, qui a finalement réalisé sa vie de "jeune adulte" en décalage (puisque elle était tombée enceinte très tôt et n'a jamais vécu une vraie vie de "jeune femme célibataire"). Tout cela, en la suivant dans ses mésaventures mais aussi en lisant son journal intime (qui se distingue dans le récit par une typographie différente du reste du texte).
Je vous recommande totalement ce livre, qui vous fera passer par diverses émotions et vous fera aussi réaliser ce qui est vraiment important dans la vie, à travers les expériences heureuses et malheureuses que traverse notre héroïne et qui peuvent - qui vont - nous arriver à nous aussi...En clair, "Ce matin, j'ai choisi de vivre" est une bonne leçon de vie et je peux le qualifier de lecture "feel good" même si tout n'est pas "tout rose" dans la vie de Johanna !
Quelques citations :
"J'ai passé les derniers jours à jardiner, cuisiner, lire, dessiner et attendre patiemment que mon cher mari rentre à une heure décente. En vain. Ce soir, il est finalement arrivé vers vingt heures, nous avons mangé sur la terrasse. J'avais préparé une salade de crudités, des feuilletés aux noix de Saint-Jacques et un gâteau de semoule au caramel. Tout ce qu'il aime mais qui ne l'a pas plus emballé que ça. Il ne m'a écoutée qu'à moitié, perdu dans ses pensées. Quand il a eu fini, il s'est levé et est parti s'allonger au salon alors que j'étais au beau milieu d'une phrase, que je ne finirai jamais. Jeremy et Adrien ont débarrassé la table, me laissant seule dehors, avec mes clopes, ma bouteille de vin blanc et mon verre vide. Rapidement, je suis allée récupérer mon carnet en velours, observant du coin de l’œil mon « adorable » mari affalé sur le canapé, en train de ronfler. C'est là, maintenant, que tu vois que t'as vraiment une vie de merde ma pauvre Johanna... Mets lui un coup de pelle, bordel ! J'ai rejoint le jardin, allumé une clope, me suis versé un énième verre de vin et levé le nez pour admirer les étoiles quelques secondes. Après avoir réclamé quelques grattouilles à l'oreille, Hermès s'est laissé tomber dans l'herbe fraîche en soupirant bruyamment".
"Cher Journal, Il faut que je t'explique comment j'ai pu en arriver là. Cinq mois après notre premier baiser, j'ai appris que j'étais enceinte. Nous n'avions pas été particulièrement enchantés mais j'étais de trois mois bien entamés alors nous n'avons guère eu le choix que de changer notre vie pour accueillir notre premier fils. Il était évident pour Christophe que je sois mère au foyer, tandis qu'il irait travailler tout en continuant ses études. J'ai eu envie de continuer les miennes et de mettre mon fils en crèche mais selon ma belle-mère -cette vieille harpie qui dirige toujours tout- on ne fait pas d'enfant pour les refourguer, on assume ou on en fait pas. J'ai bien fait remarquer que Christophe aurait pu être père au foyer et que j'irais travailler, mais j'ai été vite remise en place. J'ai accepté à contre cœur de me plier à leurs volontés, pensant que je pourrais reprendre mes études quand mon fils irait à l'école. Ma vie n'était finie à tout juste dix-neuf ans... Pendant que la copine au nom inconnu voyageait -je recevais des cartes postales des pays qu'elle visitait mais elle ne les signait que d'une espèce de vague bizarre- et que Paloma devait s'éclater je-ne-sais-où, je m'ennuyais à mourir. Mon quotidien se résumait à faire du ménage, laver le linge, gérer les finances, cuisiner et m'occuper de mon fils. C'était bien mon seul bonheur, mon petit garçon. Christophe n'avait jamais rien à gérer, juste à mettre les pieds sous la table. Le repas était toujours prêt, ses chemises repassées. J'étais fraîche et disponible pour des parties de sexe de folie qui s'avéraient d'un ennui mortel, comme si sa libido avait disparu quand je suis devenue mère. Souvent, je mettais ça sur le compte de la fatigue, il travaillait dur pour qu'on puisse vivre sans avoir à compter le moindre sous. Je me devais d'être compréhensive. Pour son vingtième anniversaire, ses parents lui avaient offert une maison, celle que nous habitons encore aujourd'hui. Évidemment la vieille mégère m'avait rappelé que c'était la maison de SON fils et SON petit-fils, que je n'étais qu'une invitée. Elle le fait toujours d'ailleurs. Vieille mégère ! À la longue, je me suis habituée aux remarques cinglantes et autres attaques sur mon physique ou le milieu d'où je venais. Sous entendu : je suis une pauvre et pas elle. J'ai bien essayé plusieurs fois de lui dire le fond de ma pensée mais Christophe a toujours pris sa défense, même quand c'était injustifié. Qu'est-ce que je peux la détester cette bonne femme qui n'a rien de bon. Petit à petit, j'ai arrêté de couper mes cheveux, de me faire les ongles, de danser au milieu du salon, de rire aux blagues stupides que j'entendais à la radio, de porter des bijoux jugés excentriques. Bref, j'ai arrêté d'exister. J'ai rangé mes carnets et cessé d'y écrire ce qui me tourmentait. Je n'ai gardé que ma passion pour le dessin, remplissant des cahiers entiers. J'aimais -et j'aime toujours- particulièrement dessiner des bijoux aux allures féeriques. Ce que Christophe trouve infantile. « Redescends sur terre, Johanna. La vie n'est pas un conte de fée. » Et des animaux que je sculptais dans le bois. Et les portraits de ceux qui m'entourent, des visages croisés au détour d'une rue et qui me restent en mémoire. Une artiste, quoi. Peu importe le support, il fallait que je fasse quelque chose, que mes idées prennent vie. Deux ans après Jeremy, c'est Adrien qui est venu agrandir la famille. Même si j'aimais mes fils, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je n'étais pas prête, c'était trop tôt. Mais, évidemment, il était inconcevable que je ne sois pas heureuse. Quelle mère oserait ne pas se réjouir ? J'ai gardé le sourire pour le public, les larmes pour moi, sous la douche. Il fallait se rendre à l'évidence, je pouvais oublier la reprise de mes études. Christophe a décidé -oui, il décide toujours de tout- qu'il serait préférable de se marier. Sans grande conviction, j'ai dit oui et je suis donc devenue, à vingt-deux ans, une parfaite épouse et mère au foyer. Tout ce que je n'ai jamais voulu être. Christophe m'aimait. Il me donnait de l'affection, un toit, une famille. Je lui en étais reconnaissante. Il décidait, j'obéissais. J'avais tout pour être heureuse, je n'avais pas le droit de me plaindre. Combien de femmes avaient-elles voulu un homme comme lui ? Combien de femmes désiraient des enfants qu'elles n'auraient peut-être jamais ? Combien de femmes dormaient à la rue tandis que je vivais dans une maison luxueuse ? Combien trimaient au travail pour un salaire de misère alors que je n'avais pas besoin de le faire ? Mais moi, je ne le voyais pas comme ça. Je n'avais pas de boulot, pas de salaire, pas de reconnaissance pour tout ce que je faisais. On allait quand même pas me dire merci d'avoir joué mon rôle ! J'étais, et je suis toujours, dépendante d'un homme à qui je suis obligée de demander des fringues, des chaussures ou de l'argent pour me faire couper les cheveux. Sur ce dernier point, c'est impossible d'envisager de couper plus de cinq centimètres, sinon il le prend mal. Une fois, je les ai coupé moi-même, persuadée que, si la coupe était ratée, il m'enverrait d'urgence chez Paloma ou n'importe qui d'autre pour rattraper ça. Peine perdue. Non seulement il s'est foutu de ma poire mais il a gardé la carte bleue et le liquide pour que j'assume mes conneries. Heureusement que j'ai une copine en or qui ne m'a pas laissée dans la mouise".
"Ce soir, j'ai fait la conversation. Un monologue est plus juste. J'ai parlé, il en a eu rien à foutre. Et lorsqu'il s'est levé de table au milieu de ma phrase, je l'ai regardé partir en me demandant pourquoi je m'entête à rester avec un homme qui n'aime pas celle que je suis réellement. Quand je suis revenue au jardin, il ronflait comme un porc dans le canapé et là j'ai réalisé d'un coup d’œil, que je ne ressens plus rien pour lui, si ce n'est du dégoût. Il y a peu, je pensais encore vivre un amour à sens unique. Je viens de réaliser que mon amour pour lui est mort au fond d'une impasse entourée de murs faits de béton et d'acier, qu'il s'est éteint dans le plus grand des silences et qu'il n'y a personne pour le pleurer, ni le regretter. Alors maintenant, il n'y a que deux solutions : soit je me tais, je continue à vivre près de quelqu'un que je n'aime plus et je meurs à petit feu, soit je prends ma vie en main, je n'écoute plus son avis et je vis. J'ai rangé le carnet et ai envoyé un texto à Paloma avant d'aller me coucher".
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