vendredi 28 avril 2023

DARK AGES - Tome 1 : La princesse déchue [Chronique express]


Kalvin Kay
Black Ink Editions (2021)
406 pages

Synopsis :
Les Vikings déferlent sur les mers pour tout piller sur leur passage. Pictavia n’est pas épargnée. Pour sauver son royaume, le roi n’a d’autre choix que conclure un pacte avec les envahisseurs du nord. Quelques années plus tard, de grandes voiles assombrissent les côtes pour reprendre cette princesse picte qui leur a été promise. Unique héritière du trône, Nola ne sait pas encore qu’elle doit épouser un homme qu’elle ne connaît pas. Enlevée par ces barbares, elle va devoir apprendre à vivre avec ce Viking qui ne cesse de la tourmenter. Jamais elle ne pourra aimer un homme aussi froid et méprisant. Runn aspire à rester ce guerrier impitoyable et voit d’un mauvais œil cette étrangère que son roi et père lui impose comme épouse. Pourtant, les dieux semblent s’acharner à les rapprocher. Face aux épreuves, il devront s’allier et peut-être apprendront-ils à s’aimer au-delà de ce qu’ils avaient imaginé ?

CHRONIQUE EXPRESS

"La princesse déchue" nous narre un récit dur et brut de décoffrage, dans l'univers des Vikings, qui, on le sait tous, n'étaient pas des enfants de choeur !

Du coup, je salue l'auteure, Kalvin Kay, pour sa justesse et son sans parti pris de ne pas verser dans une histoire d'amour romantique mais plutôt dans les dures réalités d'un mariage arrangé où aucun des deux protagonistes n'a envie de cette alliance.

Dans de tels contextes (historiques et stratégiques), on devait se douter que l'héroïne allait morfler, de par sa nature de femme, et que son nouveau mari, Runn, fils d’un Jarl Viking, n'allait pas prendre de gants avec elle, notamment pour leur nuit de noce....


En ce qui concerne le récit en lui-même, avec l'aventure, les intrigues, les secrets, les trahisons et bien évidemment les jeux de pouvoir et de conquête,  il n'y a rien à redire, nous sommes parfaitement immergés dans cet univers ! Même si l’auteure a sans doute pris quelques libertés sur certains faits historiques, voire religieux….Cela dit, ce n’est pas du tout gênant car de toute manière, dans toute romance historique, comme par exemple ceux sur la période de la Régence, dès qu’il y a des hommes de pouvoir (Ducs etc…Ces hommes n’ont pas réellement existé mais on les rajoute à l’aristocratie anglaise…)...Donc, mille ans plus tôt, sous l’ère des conquêtes Vikings, il est normal de ne pas être totalement strict avec les faits réels historiques.

« La princesse déchue » se déroule à une période sauvage et austère, où les hommes et les femmes de cette époque n’avaient pas forcément peur de la mort, car ils croyaient à un au-delà (que ce soit de la Mythologie Viking ou du Christianisme). D’ailleurs, pour Runn, il n’est pas question de mourir comme un lâche ou de perdre son honneur…Nous nous attendons donc à ce qu'il y ait du sang et des larmes  dans ce livre et c'est ce qui se produit !

Pour ce qui est de la romance, j'avoue que j'ai trouvé la "capitulation" de Nola un peu rapide...Selon moi, elle oublie un peu trop rapidement son ex-fiancé....Certes, Runn est séduisant, de par sa prestance, son "férocité" et c'est un vrai "mâle Alpha", mais Nola lui pardonne un peu trop vite – à mon goût - le calvaire qu'elle a vécu auprès des Vikings à partir de son enlèvement (notamment quand son amie qui tombe à la flotte et se noie)….Je trouve qu’elle fait relativement vite son deuil…Bon, après, comme je le notifiais un peu plus, c'était une époque où les gens étaient habitués à vivre avec la mort qui planait tout le temps au-dessus d'eux....

Cela dit, j'ai bien aimé le fait de suivre le parcours d'une jeune femme arraché aux siens (les Pictes vivaient sur l'actuelle Ecosse), et qui doit renoncer à son amour d'enfance et voir mourir ses proches. Son arrivée dans un pays qui n’est pas le sien, avec des coutumes différentes est assez traumatisante pour Nola (et il y a surtout cette fichue barrière de la langue !).

La dernière partie de ce livre est assez surprenante (par rapport au nombre de révélations sur certains mystères distillés au cours du récit), et en même temps, cela justifie la carte qui figure au début du livre….

Est-ce que je vous recommande cette lecture ? Oui, si vous ne craignez pas la violence et la cruauté (envers les humains mais aussi les animaux…La scène avec la mort d’un cheval m’a assez rebutée…)…Ce livre est à, de mon point de vue, plus une histoire d’aventure, ponctuée que quelques scènes de sexe, plutôt qu’une vraie belle romance historique romantique qui fait rêver….

Car déjà, la manière dont ils tombent amoureux bah elle est assez floue car nous n’avons pas le moment « qui fait tilt » comme dans la plupart des romances historiques….Donc, vous êtes prévenus, n’attendez pas de bons sentiments et de belles déclarations d’amour, ni d’actes héroïques du héros pour sauver sa belle et lui prouver son amour (ce serait plutôt le contraire…). Mais ce livre mérite d’être connu car on est vraiment bien immergé dans la culture Viking !

Quelques citations :

"Le coeur battant, je m’apprêtais à prononcer mes voeux à Angus lorsqu’un bruit sourd retentit. Tout à coup, des cris perçants agitèrent la foule. La peur me tenailla quand les gens s’écartèrent pour faire apparaître une troupe d’étrangers. Leurs accoutrements et les mots qu’ils scandaient n’appartenaient pas à notre peuple. Leurs chevelures claires et les boucliers décorés de grandes lignes laissaient peu de place au doute. Des Vikings nous attaquaient !"

"Une fois l’eau évacuée, chacun retrouvait son poste pour affronter cette mer déchaînée. Je tournai la tête vers Ailen, mais elle avait disparu. Malgré la houle qui fracassait la coque, je me penchai et fouillai l’étendue grisâtre. Sa chevelure noire apparut aux creux des vagues tandis que ses cris se fanaient dans l’air.
— Ailen, tiens bon ! criai-je à en perdre la voix.
Retenue par ses liens, elle était en train de se noyer. Je devais aller la chercher. Plutôt mourir avec elle que de vivre avec ces barbares ! Sans réfléchir, je levai la jambe par-dessus bord pour la secourir. J’étais sur le point de sauter quand des bras puissants m’enserrèrent. Je luttai pour qu’ils me lâchent.
— Il faut la sauver, lâchez-moi ! Ailen, non ! hurlai-je alors qu’elle disparût dans les flos.
Impuissante, je fondis en larmes sans me rendre compte qu’on m’avait relâchée. Je retrouvai ma place à côté de celle qu’occupait Ailen. Le vide, le froid, la solitude. Il ne me restait plus rien alors que le danger rôdait partout autour de moi. Recroquevillée contre la coque, je tirai sur les lambeaux de ma robe pour me protéger, mon corps secoué de sanglots. Mes pleurs se tarirent peu à peu. La mer était redevenue calme. J’avais mal à la tête et mes membres pesaient si lourd. Chaque mouvement était difficile et j’essayais de ne plus bouger pour atténuer la douleur".

"— Avant de mourir, Eoganan votre roi a conclu un accord avec nous. Nous avons épargné ton peuple en échange d’un mariage. Un mariage ? Jamais mon père n’avait évoqué ce pacte. Je dévisageai le roi puis ses hommes, sans comprendre en quoi cela me concernait. Je me relevai afin d’appuyer mes paroles.
— Mon oncle Eoganan est mort il y a plusieurs années de cela, je ne sais pas de quoi vous parlez. Jamais les Pictes ne feront alliance avec vous ! Je suis Nola Mac Bargoit, fille de Enor et Wrad Mac Bargoit, princesse du royaume de Fortriù. Vous m’avez enlevée et vous devrez répondre de cet affront !
Mon traducteur se tourna vers son roi pour lui rapporter mes menaces, ce qui déclencha aussitôt ses moqueries. Ce chef de guerre semblait sûr de lui et ne craignait pas les représailles. J’essayai de rester digne et gardai la tête haute quand il se pencha pour me cracher des mots vides de sens. Sans se soucier d’être compris, il s’esquiva, me laissant face à la foule. L’homme qui parlait picte s’avança alors vers moi :
— Il sait qui tu es, princesse, et que cela te plaise ou non, tu épouseras son fils. Ici, tu n’es rien sans les tiens.
— Et où est-il ? rétorquai-je pour ne pas perdre la face.
Il éclata de rire avant de pointer du doigt mon ravisseur qui se tenait près du feu.
— Juste là. Je te présente Runn Helgasson, futur jarl10 de Skaro.
J’étouffai de ma main le hoquet de stupeur qui s’échappait de ma bouche. Cet homme m’avait arrachée aux miens et était responsable de tous mes maux. J’avais eu la bêtise de penser qu’il n’était rien de plus qu’un guerrier qui opérait pour le compte d’un de leurs chefs. Il était en réalité le prince que je devais épouser".

"J’étais rassuré de la savoir dans la bâtisse jouxtant la mienne. Au moins, elle n’empiétait pas dans mon espace. Cette situation me convenait. Sunilda veillait sur elle la journée, et je l’enchaînai la nuit pour qu’elle ne s’échappe pas durant mon sommeil. Le mariage approchait à grands pas et je ne pouvais pas le permettre. Depuis mon départ, je m’étais fait la promesse de ne pas m’attacher à elle. Je m’interdisais de lui parler. Mon père m’avait demandé de l’épouser, pas de l’aimer. Je préférais réserver cela aux concubines. Ce que tout bon jarl faisait. Je rechignais à entrer dans l’étable, refoulant au fond de ma mémoire notre baiser. La jusquiame que lui avait fait boire la völva l’avait fait halluciner. Je l’avais trouvée à terre, les yeux révulsés, et l’avais prise dans mes bras pour qu’elle reprenne conscience. En proie à des visions, elle avait cru voir l’homme qu’elle aimait, cet Angus, avant de m’embrasser. Sa bouche délicieuse m’avait condamné. Je connaissais désormais la douceur de ses lèvres et la saveur de ses caresses. Je me surprenais parfois à attendre que la nuit tombe pour la retrouver dans cette étable. C’était le seul moment où nous étions tous les deux, l’unique instant où je m’autorisais à la regarder. Le reste du temps, je me tenais le plus loin possible d’elle. Comme à chaque fois que je la rejoignais, elle était recluse dans un coin. Sans un mot, je m’approchai d’elle pour tester ses chaînes. Vêtue d’une robe traditionnelle, elle ressemblait à s’y méprendre à l’une des nôtres. Depuis son arrivée, elle s’était vite adaptée à notre façon de vivre. Peut-être n’étions-nous pas si différents après tout ? Cette possibilité germait dans mon esprit et je commençais à l’accepter. Néanmoins, je ne lui faisais toujours pas confiance".

"Je me pressai contre elle. Elle refermait la bouche pour me refuser tout baiser tandis que ses narines se dilataient de colère. Ce petit oiseau captif et fragile dissimulait, à l’image de sa chevelure, un tempérament de feu. Une force brute l’animait, elle irradiait de tout son être. Sa respiration faisait bouger sa poitrine que j’entrevoyais derrière le lacet de sa robe. Je caressai ses cheveux défaits afin qu’elle m’accepte, mais elle me repoussa en tournant vivement la tête. Mes doigts frôlèrent la peau fine de son cou, ce qui la fit aussitôt frémir. Elle se dégageait de mes bras et saisit le broc à sa portée pour me le lancer en pleine figure. Mes réflexes étaient encore bons car je l’esquivai sans difficulté. Son geste, si désespéré soit-il, ne fit que renforcer ma détermination. Ce pot de terre ne m'avait pas assommé mais son regard noir, lui, aurait pu me tuer".

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