dimanche 12 février 2023

TEKOA



Vanessa L. S. Degardin
Black Ink Editions (2022)
469 pages

Synopsis :
Il y a deux choses que Tekoa, futur grand chef de la tribu indienne de Wendake, déteste dans la vie : son mariage arrangé et les visages pâles. Recteur adjoint de l’université de la réserve, il ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée d’Anouk, cette jeune française, venue étudier le journalisme. Elle est bien trop blonde, bien trop belle et surtout, bien trop curieuse. Malgré son aversion, il est inexorablement attiré par elle et multiplie les coups bas pour l’inciter à repartir en France. Déterminée, Anouk résiste, et pas seulement parce qu’il est Tekoa le magnifique, cet homme si magnétique, à la plastique parfaite. Elle n’est là que pour retrouver sa sœur disparue. Pourtant, lorsqu’elle se fait agresser, Tekoa se découvre une âme de protecteur et tente de la protéger des dangers qui rôdent. Il ne parvient plus à lui résister, mettant en péril son futur et sa position. Il le sait, une épée de Damoclès se trouve au-dessus de leur tête. Arriveront-ils à mettre de côté leurs différends et à faire front contre leur ennemi commun ?


Dans ce livre, l'auteure Vanessa L.S. Degardin nous entraîne au Québec, plus précisément à Wendake, une réserve amérindienne (Merci Wikipedia !). Notre héros masculin, Tekoa, est le petit-fils du grand chef de la réserve et est destiné à prendre sa relève à sa mort.

Tekoa nourrit une certaine haine envers les blancs car son géniteur l'était....


Et il a abandonné sa mère quand elle était enceinte de lui et de sa soeur jumelle. L'unique élément physique qui montre que Tekoa est métisse, ce sont ses yeux verts jade (tout comme sa soeur). 

Tekoa est un homme loyal et dévoué à sa communauté. Il sait qu'il doit un jour prendre la relève de son grand-père et il a accepté le fait qu'il doive se plier aux coutumes de son peuple et notamment épouser la femme qui est née le même jour que lui, une jeune femme de la réserve....Même s'il ne ressent rien pour elle, pire, il la considère comme une soeur et l'idée de l'embrasser le rebute....Quand il a des "besoins", il part en virée avec ses potes (souvent dans la ville de Saint Louis) car il ne veut pas "faire de vagues" dans la réserve....

Tekoa bosse comme adjoint au recteur de l'Université qui est réputée et qui accueille également des étudiants étrangers. Mais en vérité, le rêve de Tekoa c'est de travailler dans la police, comme son oncle (qui est le chef de la police de la Réserve)....

Tekoa a donc beaucoup de pression sur les épaules, cachant ses rêves à sa mère et à son grand-père....De plus, son grand-père est gravement malade et n'en a plus pour longtemps....

Et puis un jour,  débarque Anouk, qui est une petite française de 24 ans, blonde, aux cheveux bouclés, avec des formes voluptueuses (alors que les femmes de la Réserve sont souvent grandes et sveltes, notamment la "fiancée" de Tekoa).

Anouk est arrivée dans la Réserve et à l'Université en se faisant passer pour une étudiante alors qu'elle est déjà diplômée et travaille déjà comme journaliste en France. Son chef lui a permis de partir au Canada (en échange d'un bon article). 

Anouk a traversé l'Atlantique pour une seule et unique raison : retrouver sa soeur Winona (enfin sa demi-soeur, car elles ont le même père) qui était justement étudiante dans cette université et qui a disparu du jour au lendemain sans donner aucun signe de vie.

Anouk va découvrir que tout le monde pense, à l'université, que Winona est sans doute rentrée chez elle en France sans prévenir personne....Car s'il est vrai que certaines jeunes femmes disparaissent dans la Réserve, ce sont toujours des autochtones, et malheureusement, ces filles sont souvent sans familles et personne ne recherche après elles....

L'auteure met ici le doigt sur la réalité d'un fait établi au Canada : La disparition "sous silence" d'un très grand nombre de jeunes femmes amérindiennes. (Oui, je regarde énormément d'histoires de "true crime" sur YouTube et ce sujet est factuel).

Alors, je dois vous faire un aveu.....J'avais commencé à lire ce livre il y a quelques mois, peu après sa sortie, mais j'avais abandonné ma lecture à un moment donné (vers le premier tiers du récit) car je n'avais pas trop apprécié la manière de se comporter de Tekoa, notamment vis à vis d'Anouk....Cela me gonflait beaucoup quand il la traitait de "visage-pâle" et qu'il n'arrêtait pas de se croire "supérieur" à elle et la méprisait pour ce qu'elle était (bon en fait, il luttait surtout pour son énorme attirance vis à vis d'elle)....

Bref, le côté caricatural, la manière dont il obéissait à sa mère et son grand-père avec leurs coutumes et son devoir de prendre un jour la relève, j'avais fini par lever les yeux au ciel....Et j'avais stoppé ma lecture....Mais finalement, j'y suis revenue, et certes, je trouve encore des défauts à ce livre mais je l'ai quand même apprécié et du coup, parfois, quand on ne "sent pas " une lecture, il ne vaut mieux pas insister, à l'instant T, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas re-essayer de s'y plonger plus tard.....Comme on dit, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !

Alors oui, j'ai bien aimé ce livre, car il est un "enemies to lovers" mon genre de prédilection, en matière de romance, mais il souffre aussi de certains petits défauts, et j'aurais aimé que certains aspects soient un peu plus étoffés car au niveau "enquête" et même au niveau du comportement de Tekoa et de sa famille, il y a des trucs qui me dérangent....

Ce livre est écrit du point de vue d'Anouk et de Tekoa, selon les chapitres, mais on a aussi droit à certains petits chapitres du point de vue de Winona, qui a été enlevée et qui sert de prostituée dans un trafic très glauque.....Donc, vous l'aurez compris, ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains car il y a certains passages très durs à lire ! L'auteure ne nous épargne pas avec certains détails qui sont à gerber !

Vanessa L. S. Degardin ne nous épargne pas non plus les nombreuses scènes de sexe entre Tekoa et Anouk.....Etaient-elles toutes nécessaires ?....Je ne pense pas....Personnellement, je préfère quand les enemies to lovers sont aussi des slow burn....

Alors, est-ce que je vous recommande cette lecture ? Oui. 

Oui, parce que le lieu où se déroule l'histoire est réaliste par rapport à ce qui s'y passe et la condition de vie des femmes amérindiennes. 

Oui, parce que la relation entre Tekoa et Anouk est vraiment puissante et va au-delà d'une simple attirance sexuelle (même si Tekoa a la pression de sa famille pour suivre sa destinée et sa "culture", notamment le mariage arrangé). 

Oui, parce que l'enquête que mène Anouk pour retrouver sa soeur est palpitante et l'auteure arrive à bien mettre du suspense.

J'aime bien la plume de Vanessa L. S. Degardin et je pense que je lirai un autre de ses livres un de ces jours ! 

Attention zone spoilers !

Par contre, j'ai été un peu déstabilisée par le comportement des membres de la famille de Tekoa....Déjà son grand-père, qui est "vieux-jeu" et qui a notamment renié son fils (l'oncle de Tekoa) car il est homosexuel.....D'ailleurs, à ce propos, un détail qui m'a fait pouffer et lever les yeux au ciel, tellement c'était "cliché"....L'oncle de Tekoa est le chef de la police et il est en couple avec....Attention suspense.....Le chef des pompiers !!!!! Moi ça me fait rire rien que de l'écrire de nouveau ici sur ma chronique.....Oui, je suis débile....

Bon, plus sérieusement, le grand-père est vieux jeu et fait porter tout le poids des traditions sur les épaules de son petit-fils.....OK.....On peut l'excuser, il est vieux et malade (et mourant)....Mais je n'ai pas non plus apprécié le comportement de la mère de Tekoa, qui a délibérément mis à l'écart Anouk de son fils.....Car j'avais oublié de le préciser, mais le grand-père et la mère de Tekoa ont certains dons, et la mère de Tekoa voit les auras, par exemple....En voyant Tekoa et Anouk, l'un à côté de l'autre (même quand ces deux-là n'étaient pas encore "proches", je dirais même qu'ils ne pouvaient pas se supporter....), et bien sa mère avait vu "ce lien" qui les unissait.....D'où la raison pour laquelle elle a demandé à Anouk de ne pas s'approcher de son fils car celui-ci était promis à une autre femme et surtout, c'était "les traditions".....

Quand finalement, le vieux meure, et que Tekoa se sent coupable de ne pas avoir été présent lors de son dernier souffle (il était au lit avec Anouk à ce moment-là), sa mère va le lui reprocher.....Pour ensuite lui avouer qu'elle avait vu qu'il était de plus en plus malheureux au fur et à mesure que ses 25 ans arrivaient (et la date de son futur mariage avec sa "fiancée").....Hors, dès que Anouk est apparu dans sa vie, le coeur de Tekoa s'est de nouveau ouvert et il allait de mieux en mieux, quitte à rêver de pouvoir envoyer balader toutes leurs traditions et faire enfin ce qu'il voulait de sa vie (à savoir : être flic, et peut-être espérer vivre et avoir des enfants avec Anouk).....

Bref, pour revenir à la mère de Tekoa, elle savait qu'il était malheureux car "ils" lui imposaient un destin, un métier, une épouse, dont il ne voulait pas, mais cela ne l'a pas empêchée de faire du "chantage affectif" à son fils pour qu'il continue d'être le bon fils (et petit-fils) obéissant et respectueux des traditions, lui qui deviendrait un jour, le successeur de son grand-père....Je trouve cela glauque.....Et je trouve que la fin est un peu précipitée, quand finalement, Anouk repart en France avec sa frangine sauvée et qu'elle revient trois mois plus tard pour "chercher son diplôme".....Finalement, la fiancée de tekoa s'est trouvé un autre mec, qui l'aime en retour et qu'elle aime également.....Et Tekoa, bah il devient flic....Si Anouk n'était pas revenue chercher son diplôme (bidon, vu qu'elle est déjà journaliste en France), leur histoire d'amour n'aurait jamais eu d'épilogue joyeux ?.....

Et je ne parle pas des copines de fac d'Anouk, ces amérindiennes, qui trouvent "normal" de se prendre des claques de la part de leur copain, et de se battre en retour....Bon après tout, chacun voit midi à sa porte.....

A tout moment, je m'attendais aussi à apprendre que Tekoa et Anouk étaient nés le même jour, comme pour faire un pied de nez à la prophétie ! Car après tout, ils avaient le même âge et ça aurait été cohérent....Surtout qu'Anouk, aidée de son copain français Johan (pro de l'informatique) avait bidonné son dossier pour s'inscrire dans cette université, se rajeunissant de quelques années mais elle aurait aussi pu évoquer un jour de naissance.....Bref, durant toute ma lecture, je m'attendais à cette révélation...Et au moins, pour la mère de Tekoa et son grand-père, cet amour interdit aurait été finalement légitime et inéluctable (même si le vieux était mort mais au moins, pour le message d'apaisement et pour que Tekoa ne se sente pas "coupable" de trahir les attentes de ses proches et ce dont pour quoi il a été élevé depuis 25 ans....

J'aurais aimé un épilogue plus soigné, qui nous montre le couple quelques années plus tard, pour savoir s'ils ont eu des enfants ensemble, si Winona s'est totalement remise de son kidnapping et d'avoir été violée et enfermée durant des mois.....

Ce livre était sympa à lire, mais il reste des zones d'ombre....L'auteure a, selon moi, survolé certains détails dont j'aurai apprécié qu'ils soient plus développés ou expliqués, à plus ou moins long terme (d'où un épilogue qui aurait pu nous projeter quelques années plus tard....).

Cela dit, je ne regrette pas d'avoir donné une seconde chance à ce livre ! 


Quelques citations :

"Je me pince l’arête du nez en soupirant. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je n’aime pas les Visages-Pâles. Mon géniteur en était un... Un beau salaud qui a abandonné ma mère de 16 ans, enceinte. Elle est devenue un paria pendant un certain temps. Heureusement, mon grand-père, grand chef de la réserve, n’a pas laissé faire, et maintenant, ma mère est importante pour la communauté. Elle s’occupe d’un centre pour femmes battues. Ma mère est mon héroïne. Elle et ma sœur Sioban sont les seules femmes de ma vie. Ma jumelle achève ses études de psychologie à Saint-Louis. Elle ne revient pas souvent, au grand désespoir de ma mère. Elle s’est éloignée de la réserve car elle ne supportait pas la vision étriquée de certains habitants et dirigeants d’ici. Je la comprends. Et avec les autochtones qui disparaissent, je suis rassuré de la savoir à Saint-Louis".

"Cette fille est intelligente et tout le monde l’apprécie. Elle est avenante et son sourire est communicatif. Ouais, mais pas avec moi. Non, avec moi, elle est toujours sur la défensive. Comme si elle devait faire attention à ses paroles... À sa décharge, j’ai été odieux lors de notre rencontre. On ne peut pas dire que je lui ai montré la meilleure facette de ma personnalité. Il faut bien admettre qu’elle a le don de me faire sortir de mes gonds, et c’est réciproque ! Qu’importe ce qu’elle cache, je vais le découvrir".

— Anouk, c’est Tekoa. Je sais que tu es là, ouvre-moi. Je suis extrêmement surprise. Que fait-il là ? — Va-t’en. Je n’ai vraiment pas le courage d’entendre tes récriminations et j’ai mal au crâne, je mens, le cœur battant. — Justement, j’ai un onguent pour ta blessure. Elle va rapidement cicatriser. Je partirai ensuite, promis. Mue par sa propre volonté, ma main déverrouille la porte et je le laisse entrer. Je referme derrière lui à clé. Il me contemple d’un air soucieux. — Putain, tu es bien arrangée... Je hausse les épaules et me dirige vers la table pour poser le couteau. — Un couteau ? Pourquoi ? Tu te sens en danger ? Je me crispe inconsciemment et il s’approche de moi. — Ce n’était pas un accident, n’est-ce pas ? Tu n’as pas glissé... Il s’interrompt et son regard passe derrière moi pour s’arrêter sur l’écran de mon ordinateur. Je suis encore sur le Facebook de Waban. Zut ! C’est la photo de ma sœur qu’il aperçoit sur la table. Je pose ma main dessus mais, trop tard, il me l’arrache avec humeur. — Tu connais Winona ! profère-t-il froidement en jetant le cliché sur mon lit. Il se penche sur mon ordinateur et ses mâchoires se contractent. Il se tourne ensuite vers moi, furieux. À quoi bon nier ? J’acquiesce avec un soupir rageur. — C’est ma sœur, oui. Ses yeux se plissent de stupéfaction et de colère. — Mon grand-père a affirmé que tu cherchais des réponses... Tu t’informes sur sa disparition ? C’est pour cette raison que tu t’es fait agresser ! Putain, je savais que tu cachais quelque chose ! Et à cette soirée, tu avais l’air d’une vraie journaliste, passant d’invité en invité, cherchant la moindre information. Je comprends maintenant pourquoi tu me faisais vaguement songer à quelqu’un. Tu as les mêmes yeux bleus que Winona. Quel con, de ne pas avoir fait le rapprochement".

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