dimanche 15 mai 2022

LE ROI DECHU - Tome 1 [Chronique express]


Penelope Barsetti
Les Editions Hartwick Publishing (2022)
Sortie originale 2021
457 pages 

Synopsis :
Ivory : Je le vois me regarder. Partout où je vais, il me suit. C’est l’un des gardes de mon père au château. Il se fait appeler Mastodonte. Quelque chose me déplaît chez lui, mais personne ne prend jamais mes inquiétudes au sérieux. En revanche, je parie que si mon frère exprimait les mêmes doutes, on l’écouterait… juste parce qu’il a des roubignoles et pas moi. Eh bien, j’en ai toujours eu des plus grosses que lui. Quand je pars pour la Capitale, Mastodonte m’escorte. Et comme je le redoutais, il tue mes gardes et me capture. Ou du moins, il essaie. Une sacrée course-poursuite s’ensuit. Je lui décoche une flèche dans le cou, mais ça ne lui fait rien. C’est comme s’il ne la sentait même pas. Il m’emmène dans une caverne et nous descendons profondément sous terre — au Pied des Falaises. Puis il m’explique pourquoi il me détient. Parce que ma famille a tout pris à la sienne — et il va faire pareil.
Mastodonte :
Son père a assassiné le mien, puis il a violé ma mère — en me forçant à regarder. Et il nous a jetés du haut de la falaise pour nous tuer. Mais nous avons survécu, et nous sommes prêts à nous venger. Elle est la clé de cette vengeance. Quand elle nous aura aidés à obtenir ce que nous voulons, je la pendrai par son joli cou et je la regarderai rendre son dernier souffle. Je la vole à Delacroix, et bien sûr, elle se débat comme un beau diable. Pas seulement avec ses poings, mais avec sa bouche aussi. Si elle n’était pas mon pion, elle pourrait me plaire. Quand je la livre à ma mère, je comprends qu’elle a des plans bien plus sinistres pour elle. Elle me dit de faire exactement ce que son père a fait : la violer. Je ne suis pas ce genre d’homme, donc je refuse. Mais elle demande à Geralt de s’en charger, l’homme le plus barbare que je connaisse. Alors je me porte volontaire, car je sais qu’elle préfèrera que ce soit moi plutôt qu’un autre.

[CHRONIQUE EXPRESS]

Quelle excellente surprise ! J'ai adoré ce premier tome du Roi déchu, de l'auteure américaine Penelope Barsetti (plus connue sous son autre nom Penelope Sky quand elle écrit des romances contemporaines). Le thème général de cette histoire est à priori de l'Heroic-fantasy, où nous avons des personnages qui évoluent dans un univers '"médiéval" dans un royaume imaginaire et avec des créatures surnaturelles en personnages secondaires.....

Le livre débute sur le flash-back, le drame qu'a vécu Huntley, notre héros de l'histoire, quand il était enfant et nous comprenons sa rage et son envie de vengeance....

Notre héroïne, Ivory, quant à elle, est une jeune princesse, qui vit dans l'inconscience du passé (peu glorieux, c'est le cas de le dire) de son père, le roi du royaume.

Un jour, elle va se faire enlever par ce fameux "mastodonte", qui n'est autre que Huntley et elle va découvrir tout un univers qu'elle n'aurait jamais imaginé auparavant, toutes les horreurs qui se déroulent "en bas de la falaise".....

Le récit est hyper prenant car nous passons d'une haine profonde entre nos deux personnages à quelque chose de beaucoup plus complexe par la suite....Entre eux-deux, cela va faire des étincelles, et il y a cette tension sensuelle (bien décrite et qui monte crescendo).....Nous terminons ce livre avec un gros suspens, une envie de lire la suite, bien évidemment car le fait d'alterner les chapitres du point de vue d'Ivory ou de Huntley, nous permet de comprendre que tout n'est pas tout blanc ou tout noir....Et que chacun a raison en certains points....

Les personnages secondaires sont aussi très charismatiques, notamment la mère de Huntley, qui est très cruelle (et en même temps, on peut comprendre la raison de son manque total d'empathie vis à vis d'Ivory, même si, la pauvre jeune femme n'est en rien responsable de ce que son père a fait avant sa naissance....).

Pour le "bestiaire fantastique", nous avons de quoi nous régaler (entre les dragons ou les yétis...notamment.....Mais pas que...) et évidemment, en plus de l'histoire d'amour très compliquée entre nos deux héros, il y a toute cette aventure, tous ces enjeux, ces drames à venir et sans doute inévitables....Bref, j'ai adoré ma lecture ! C'est un joli coup de coeur ! vivement la suite !

Quelques citations :

"Un garde se tenait près des doubles portes, vêtu de l’uniforme du roi. Un plastron en acier noir portant l’écusson royal et un haut-de-chausse noir. Une épée à la taille, un arc dans le dos. Le casque masquait son front et son visage. Seuls ses yeux étaient visibles. D’un bleu vif. Pénétrant. Assassin. En arrivant au bas de l’escalier, je me figeai comme si on m’attaquait. Il n’avait pas dégainé son épée ni pris une position défensive. La seule violence émanait de son regard. J’étais trop jeune pour que les hommes me regardent, sinon parfois d’un air lubrique. Mais ce n’était pas ça non plus. C’était de la haine. De la pure haine".

"Je m’assis en face de lui et j’ouvris le premier livre. – Je fouillais là-dedans et j’ai trouvé quelque chose d’intéressant. D’intéressant dans le sens où c’est insensé. – On dirait que je ne suis pas le seul qui ne lit pas… Je relevai la tête, les yeux plissés. – Ça raconte l’histoire de Delacroix, et de tous les rois qui ont régné sur cet endroit depuis des millénaires. – Si j’avais su que c’était une leçon d’histoire, j’aurais continué à peloter Amelia. Sa joue s’enfonça dans son poing. J’ignorai son commentaire. – Le nom Rolfe est partout. Des rois, des reines, des sénéchaux… – Et alors ? – Je ne vois le nom Rutherford nulle part. Il haussa les épaules. – Peut-être qu’une reine a gardé son nom de jeune fille. – Ça n’arrive pas. – Eh bien, as-tu une autre explication ? s’irrita-t-il. Personne ne vient jamais ici, et je ne comprends pas pourquoi tu le fais. – J’ai toujours trouvé que c’était bizarre. – Bon, on s’entend sur quelque chose. Tu es bizarre. – Non, m’agaçai-je. C’est bizarre que personne n’utilise la grande bibliothèque. Quand j’ai demandé à père, il n’avait rien à en dire. Il y a tellement de connaissances à notre disposition ici, mais tout le monde s’en moque. J’ai découvert une méthode de guérison, et ça n’a même pas suscité l’intérêt. Il haussa les épaules. – Ces livres d’histoire ne mentionnent pas le nom Rutherford ou notre nom de famille, Hugues. Nulle part. – Qu’est-ce que tu insinues ? – Rien pour le moment. Mais ça ne tardera pas. Ryker baissa la main et examina les étagères autour de nous de son air blasé. Puis il se tourna vers moi de nouveau. – Tous les portraits aux murs… qui représentent-ils ? demandai-je. – Des gens morts depuis longtemps".

"Lorsque Mastodonte s’arrêta à la portière entrouverte, je me relevai de l’autre côté de la voiture, gardant toutefois la tête sous le niveau de la fenêtre. J’y étais presque. Je sortis ma lame et je me mis à couper les courroies des chevaux. Mastodonte dut réaliser ce qui se passait, car j’entendis ses pas s’approcher. – Allez ! Je coupai la dernière courroie avant de monter sur le cheval et de l’éperonner. Je n’avais rien à quoi m’accrocher, car la bête n’était pas sellée. Il n’y avait même pas de rênes. Seulement la crinière noire le long de son cou. Le cheval décampa — juste à temps. Sans direction, nous galopâmes et galopâmes. Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule, m’attendant à ce que Mastodonte fasse la même chose avec l’autre cheval. Mais il se contenta de rester planté là, à me regarder comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Comme s’il ne me détestait pas".

"– Où est-ce que tu m’emmènes ? Toujours rien. – Qu’est-ce que tu me veux ? – Tu n’es plus dans ton château et je ne suis plus un garde taillable et corvéable à merci, répondit-il en se retournant de nouveau et croisant mon regard. C’est moi qui commande maintenant. Et tu vas fermer ta grande gueule, sinon je m’en chargerai moi-même. Un frisson me parcourut l’échine, et tous les poils de mon corps se hérissèrent. C’était une sensation que j’avais rarement ressentie dans ma vie – une seule fois, en fait –, et cette sensation était la peur. Je ne pouvais pas affronter cet homme. Je ne pouvais pas m’enfuir. Je ne pouvais pas appeler à l’aide. J’étais impuissante".

"– Qu’est-ce que mon père t’a fait ? Silence. – Alors, de quoi il s’agit ? demandai-je en avançant, mais regardant par-dessus mon épaule. De vengeance ? Son regard glacial restait fixé sur mon visage, ses lèvres pincées et sa mâchoire serrée s’harmonisant parfaitement aux yeux que je connaissais maintenant si bien. – C’est toi qui as kidnappé sa fille innocente, alors tu es une ordure aussi. – Rien que je te fasse ne sera comparable à ce qu’il m’a fait. – Et qu’est-ce qu’il t’a fait ? Je m’arrêtai et me retournai complètement pour lui faire face. Mastodonte continua de marcher vers moi, en me fixant d’un regard meurtrier. Une fois arrivé devant moi, il s’arrêta, la tête baissée pour m’étudier, sa respiration lente et contrôlée. Je voulais reculer d’un pas, mais je résistai. Ses yeux fouillaient les miens. – Il a violé ma mère — et il m’a obligé à regarder. J’inspirai profondément alors que mon sang ne faisait qu’un tour à l’effroyable accusation que je venais d’entendre. Je grimaçai de dégoût, incapable de digérer des paroles aussi viles. – Tu te trompes. Il ne ferait pas ça… Mastodonte plissa les yeux. Sans ciller, sans même respirer, il se contenta de me scruter. Je cédai et fis un pas en arrière… car la situation était intolérable. – Quand tu lui as demandé d’où venaient les cicatrices sur sa joue gauche, qu’a-t-il répondu ? Je respirais profondément, sonnée. Les cicatrices de mon père étaient visibles, surtout à la lumière du jour, mais j’avais tellement l’habitude de les voir que je ne les remarquais plus. – Qu’il s’est écorché pendant son sommeil… – Mensonge, dit Mastodonte en s’avançant, me forçant à reculer d’un autre pas. C’est ma mère, en essayant désespérément d’empêcher ton cher père de jeter ses fils du haut de la falaise, qui l’a griffé de toutes ses forces, de la joue au menton. Je secouai la tête malgré moi, mon incrédulité luttant contre ses mots. – Ça n’a pas marché. La semence de ton père encore à l’intérieur d’elle, il les a jetés vers leur mort — le sourire aux lèvres. Je ne pouvais pas m’empêcher de secouer la tête. – C’est faux… Mastodonte me guettait, l’air dément. – Que tu me croies ou pas, je m’en moque." 

"Je me relevai et me remis à marcher, chancelante. – C’est ton plan, n’est-ce pas ? dis-je, mon cœur chavirant dans mon estomac. Tu vas me violer comme ta mère a été violée… puis tu vas me tuer. – La deuxième partie, oui. Pas la première. Je me tournai de nouveau vers lui. – Toute la magie du monde ne réussirait pas à te rendre attirante à mes yeux".

"J’ouvris les yeux et observai le bras musculeux qui drapait mon estomac, un bras aussi brûlant qu’une bûche dans l’âtre. Je tournai la tête et vis une épaule massive, la peau tannée sur les muscles fermes, puis la mâchoire si dure qu’on aurait dit le tranchant d’une lame. La couverture découvrait sa poitrine, bombée de muscles aussi. – Qu’est-ce que… tu fais ? J’avais plus chaud, mais mes dents claquaient toujours. La voix grave de Mastodonte résonna à nouveau. – Je te garde en vie. Je levai le menton pour croiser son regard. Il avait déjà les yeux fermés, comme s’il ne me considérait pas comme une menace. Je soulevai doucement la couverture pour jeter un œil dessous… et je le vis. Son bazar. Son torse menait aux sillons ciselés de ses abdominaux, assez durs pour encaisser des coups, puis à la ligne de poils partant du nombril et descendant jusqu’à son… euh… ouais. Ses cuisses étaient tannées comme ses bras et couvertes de poils. Mais mes yeux retournèrent au bazar qui avait attiré mon attention. Merde. Je lâchai la couverture et me retournai pour m’assurer qu’il avait toujours les yeux fermés. Ils étaient ouverts. Grands ouverts même, et ils me fixaient. C’était l’une des rares fois de ma vie où j’étais vraiment gênée, alors je détournai rapidement les yeux, incapable de supporter ce regard plus longtemps".

"– N’ai pas peur, poupée, dit le premier. Sors du bois. Montre-nous ta jolie frimousse. Dans ma peur de Huntley, mais j’avais oublié que d’autres hommes vivaient ici. Ou… d’autres créatures étranges. Je sortis et me tournai en direction des voix. Mon visage était dur, mon regard sans peur, et je devais garder cette expression, même si mon cœur frémit en les voyant. C’étaient deux hommes, habillés tout en noir portant des gants et des épées à la hanche. Mais leurs visages… Je n’avais jamais rien vu de tel. Trop de dents encombraient leur bouche, si bien qu’elles dépassaient des lèvres, ressemblant plus à des crocs qu’à des dents. C’était presque comme si leur bouche se trouvait à l’extérieur de leur corps. Je ne savais pas comment ils faisaient pour mâcher. Ni même pour parler. Je fis de mon mieux pour ne pas paraître surprise, comme si je fréquentais souvent les monstres de leur espèce. Le chef s’arrêta à un mètre de moi et me scruta de ses yeux sombres de la couleur de l’écorce. Il ne m’évaluait pas comme une adversaire. Il me regardait… d’une manière très différente. D’une manière intime. D’une manière qui exigerait ma permission explicite s’il était civilisé. Spike resta derrière lui, et plus loin derrière, il y en avait quatre autres, tous avec les mêmes mâchoires grotesques".

"Si je n’étais pas venu te chercher, ils t’auraient violée chacun leur tour, puis mangée. – Mais tu n’es pas venu pour me sauver. Tu es venu pour avoir l’honneur de me tuer toi-même. Ce n’est pas la même chose, et ne me dis pas que tu es trop barbare pour saisir la différence. Il me lança un regard dur. Je secouai la tête. Quelle foutue imbécile j’étais. – Je me suis dit que je devais te laisser… que ce serait une erreur de revenir… – Alors tu aurais dû t’écouter. Je n’en revins pas. – Mince… c’est le genre d’homme que tu es ? – Exactement comme ton père".

Pourquoi m’as-tu sauvé ? La réaction instinctive de mon corps fut d’inspirer à fond tant la question me semblait perverse. J’avais tout parié sur lui — et j’avais perdu. Je devais maintenant payer le prix de ma bêtise. – Je… je ne sais pas. – Tu ne sais pas pourquoi tu as renoncé à ton évasion ? Tu ne sais pas pourquoi tu as risqué ta vie en affrontant les Dents pour me sauver ? Un acte d’une telle bravoure… sans aucune raison ? – Il y a une raison… mais je ne sais pas laquelle. Son regard s’assombrit comme s’il n’acceptait pas cette réponse. – Je suppose que c’est parce que… je vois que tu es un homme bon. Pas pour moi. Mais je pense que tu le serais… si tu ne me considérais pas comme ton ennemie".

"Ce n’est pas si simple… – Tu as dit que tu ne me désirerais jamais. Il baissa de nouveau les yeux, la mâchoire contractée. – Tu as dit que tu ne… – Ce n’est pas pour ça que je suis ici. C’est parce que je n’ai pas le choix. – Tu n’as pas le choix ? m’étonnai-je. Tu sais quoi ? Sois un homme et reconnais que tu… – Oui, je te désire, dit-il en relevant le menton, son regard s’assombrissant. Dès le moment où tu m’as tiré une flèche dans le cou, je t’ai désirée. Quand tu as pris ton épée et que tu m’as tenu tête. Quand tu t’es glissée sous la couverture et que tu m’as maté. Quand tu as abattu une Dent pour me sauver. Et chaque fois que tu as ouvert ta grande gueule et que tu m’as fait chier. Voilà la vérité. Tu es contente ? Je sourcillai à ses mots. – Mais ça n’a rien à voir avec ça. – Elle t’a demandé de le faire, c’est ça ? murmurai-je. Quelle sorte de personne donne un ordre aussi barbare ? Surtout une femme… – Une femme qui a été violée pendant qu’on obligeait son fils à regarder. J’eus le souffle coupé, comme si on m’avait vidé les poumons. – Par ton père. La reine Rolfe et Huntley avaient les mêmes yeux, mais je ne le remarquais que maintenant. – J’ai essayé de la faire changer d’avis. Mais elle a refusé. – Alors, on n’a qu’à faire semblant que c’est arrivé. Elle ne le saura pas. Le désarroi sur son visage m’indiqua que ce n’était pas une option. – Elle va vérifier. – Vérifier ? m’étranglai-je pratiquement. Dans le sens… – Oui. – Merde, qu’est-ce qui cloche chez ton peuple ? m’énervai-je soudain, incapable de croire qu’une telle cruauté existait dans ce monde. Je n’étais même pas née quand c’est arrivé, mais tu vas t’amuser à te venger sur moi ? Ses traits se crispèrent, comme s’il souffrait. – C’est terrible. Je suis d’accord avec toi. – Alors, ne le fais pas. – Comme je l’ai dit, ce n’est pas si simple… – Alors, simplifie les choses… – Si ce n’est pas moi, ce sera un autre. Ma mère m’a donné l’ordre de le faire, et quand j’ai refusé, elle a désigné Geralt, l’un de ses gardes — et il était plus qu’enthousiaste à l’idée. Sans doute l’une des deux brutes aux flancs de la reine. – Je n’ai pas besoin de te dire comment ça se passerait. La bile me monta à la gorge. Je la goûtai sur ma langue. – Et je devrais t’être reconnaissante ?".

"– Il y a quelque chose que je ne comprends pas… Sa main glissa le long de mon dos entre les omoplates, me berçant contre lui. Il ne dit rien, mais ses yeux m’encouragèrent à poser la question. – Quand tes parents gouvernaient les Royaumes… est-ce qu’ils savaient ? – Savaient quoi ? – Qu’il y avait des populations au pied des falaises. Il ne cilla pas, mais tarda à me répondre. – Tu le savais, soufflai-je. – Mes parents le savaient. Mais pas Ian et moi. Je le fixai, imaginant des yeux identiques aux siens. – Ils savaient… mais ils n’ont rien fait. Leur inaction avait une signification différente maintenant, parce que c’était ma famille qui vivait en bas. Mon père. Mon frère. Ma mère. Nous aurions dû nous trouver ici-bas, à leur place. – J’ai interrogé ma mère à ce sujet. Elle m’a répondu qu’ils menaient une guerre au nord et n’avaient pas assez de ressources pour s’occuper de la population d’en bas en même temps. – Mais cette guerre n’a pas duré éternellement. Et le père de ton père ? Et son père ? Durant des générations, personne n’a rien fait. Il soutint mon regard. Ça changeait tout. – Je suis navré de ce qui t’est arrivé. Sincèrement. Mais… peux-tu en vouloir à mon père et aux autres ? Peux-tu leur en vouloir d’avoir cherché à survivre ? Si les situations étaient inversées, ne ferais-tu pas la même chose ? Son regard se durcit comme si j’avais dit quelque chose de mal. – Donc ma mère méritait d’être violée… – Ce n’est pas ce que je dis. – Mon père méritait d’être poignardé à la gorge… – Non. Je n’excuse pas cette violence aveugle. Mais escalader les falaises dans l’espoir d’une vie meilleure… Comment peux-tu reprocher à quelqu’un de faire ça ? De vouloir s’éloigner de Nécrose ? De vouloir sentir le soleil lui caresser la peau ? Son hostilité ne disparut pas. – Tu sais que j’ai raison. Il détourna le regard et s’éloigna de moi. – Retourne dans ta cabane. – Je reste ici. – Je vais t’y traîner par la peau des fesses, siffla-t-il en se tournant vers moi. Qu’en dis-tu ? Il ramassa son haut-de-chausse et l’enfila, sans l’attacher, puis il chercha sa tunique. – Tu sais que j’ai raison, répétai-je. Il passa sa tunique par la tête. – Habille-toi. – Non. – Tu penses que je ne te porterai pas à poil ? Ce n’est pas ce qui m’arrêtera. Je repoussai les draps d’un coup de pied et me levai. – Si ton père était toujours sur le trône à Delacroix, rien ne serait différent ici-bas. Le sang des hommes serait toujours consommé comme du carburant, et ils souffriraient dans cette vie comme dans l’au-delà. Tu es furieux que mon père ait abandonné tout le monde ici, mais ta famille a fait exactement la même chose. Il ne s’agit pas de justice. Il s’agit de maintenir le statu quo. Quand vous étiez au sommet, vous ne pensiez qu’à vous".



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