mercredi 16 février 2022

La voleuse des toits [Chronique express]

 


Laure Dargelos
Auto-édition (Independently published) 2019
675 pages 

Synopsis :
Véritables piliers de la société, les règles écarlates ont prohibé toutes formes d’expression : l’art, la littérature et la musique n’existent plus. Chaque jour, la milice multiplie les exécutions pour asseoir l’autorité du régime. Demoiselle respectable le jour et voleuse la nuit, Éléonore Herrenstein s’élève contre l’ordre établi. Elle qui espère rejoindre la rébellion et renverser le gouvernement, la voilà brusquement fiancée à l’un des hommes les plus puissants du royaume. Qui est donc Élias d’Aubrey, cet être impénétrable qui semble viser le pouvoir absolu ? Et pour quelles sombres raisons sa famille dissimule-t-elle une mystérieuse toile, peinte un demi-siècle plus tôt ? Éléonore ignore encore que sa quête l’entraînera bien plus loin qu’elle ne l’imagine. Dans un voyage au-delà du possible…

[CHRONIQUE EXPRESS]

Alors là, chapeau à l'auteure Laure Dargelos pour cette superbe histoire, et qui est un one-shot en plus ! Bon, donc, du coup, il fait 675 pages mais quel bonheur de lire un récit dans un monde à cheval entre la fantasy et la romance historique (car l'histoire se déroule entre 1793 et 1842....Dans un pays "imaginaire" mais ça pourrait être la France ou un autre pays d'Europe, notamment de par le fait que les personnages sont habillés "comme dans notre réalité de l'époque" et ils se déplacent à cheval, calèches et il n'y a pas d'électricité...Bref, comme "chez nous" à l'époque....).

Ce livre est dans la catégorie Young adult, mais vous pouvez le lire à n'importe quel âge (je suis née en 1978, je vous laisse faire le calcul...). 

Et j'ai vraiment été émerveillée par l'imagination de l'auteure ! Il y a un nombre incalculable de retournements de situation, de trahison, de mensonge, de suspense (car finalement, on ne sait jamais si tel ou tel personnage va mourir ou non.....)...Et en plus, il y a de nombreux éléments "surnaturels" (ce qui fait que ce livre est classé dans la catégorie "fantasy", d'ailleurs...).

Ah oui, j'ai oublié de le préciser, mais en dehors d'Eléonore (alias "Plume") notre héroïne, et Elias, l'homme froid, cynique et impitoyable qui va devenir son fiancé, nous avons beaucoup de personnage secondaires dont certains sont très attachants (mes préférés sont Pipo et Jack !). Et il y a tous ces "méchants", dont l'Oméga, le roi de ce régime totalitaire où toute forme d'art a disparu (musique, peinture et littérature....Evidemment, si vous laissez un peuple dans "l'ignorance", il est plus facilement contrôlable...).

De par sa richesse scénaristique, "La voleuse des toits" me fait un peu penser à "La passe-miroir" de Christelle Dabos, sauf que là, il ne faut pas attendre des années pour avoir les 4 tomes et arriver à la fin de l'histoire (d'ailleurs, à ce propos, je n'ai toujours pas lu le 4ème tome, c'est vous dire...).....Sincèrement, c'est vraiment super que Laure Dargelos nous propose ce merveilleux récit en un seul tome ! 

Du coup, il y a juste un petit bémol que je donnerai à ce livre, c'est peut-être une fin un peu précipitée....Certes, il y a beaucoup de détails dans l'épilogue mais j'aurais aimé que le "coup final" de l'héroïne se tende plus en longueur pour profiter un peu plus de la relation très spéciale qu'elle a avec Elias et surtout pour savourer un peu plus encore la romance....

Bon, c'est un young adult alors il n'y a aucune scène "olé olé" (tant pis ! mais l'histoire d'amour trèèèèèèès complexe entre nos deux protagonistes donne malgré tout plein de papillons au ventre !).

Je vous recommande donc totalement "La voleuse des toits" qui mériterait une adaptation en film ! Les messages transmis dans ce livre font beaucoup réfléchir et sont très pertinents notamment vis à vis de la "manipulation des masses" et de son "abrutissement" par l'interdiction de culture artistique.....

Quelques citations :

"Plus que des règles sur lesquelles reposait la société, c’étaient surtout des interdits. Une censure stricte s’imposait à toute forme d’expression : seule une cinquantaine d’ouvrages à la gloire du régime subsistait, et la musique se résumait à quelques airs destinés à animer les fêtes nationales. Quant à l’art, il avait été totalement prohibé. Durant les grands rassemblements, des flammes gigantesques dévoraient les derniers témoins d’un monde révolu où la culture ne se limitait pas à des dogmes. L’existence avait perdu de sa spontanéité, enfermée dans un carcan d’obligations. Les délations étaient fréquentes et chaque mois apportait son lot d’exécutions et de misère. Les artistes, musiciens et écrivains étaient pourchassés sans la moindre pitié et leurs œuvres systématiquement détruites".

"Plume refusait d’abandonner la lutte. Elle ne supportait plus ces gens qui détournaient le regard ou qui, s’abritant derrière leurs richesses, pardonnaient les horreurs du régime. La milice n’aurait jamais agi de la sorte si les condamnés n’étaient pas de dangereux criminels… Combien de fois avait-elle entendu cette opinion prononcée à demi-voix, comme si chacun cherchait à justifier l’inadmissible ?".

"Personne ne méritait un tel sort. Plume avait huit ans lorsqu’elle avait été témoin de l’une de ces arrestations arbitraires. Un vieillard encadré par des miliciens avait été contraint à un sinistre défilé à travers la ville. C’était une humiliation publique ou une façon de dissuader les quelques audacieux qui seraient tentés de l’imiter. Dans ses yeux se lisait pourtant un profond sentiment de dignité. Il ne semblait prisonnier d’aucune entrave comme si son esprit s’était depuis longtemps affranchi de ses chaînes. La petite Plume s’était faufilée au premier rang du groupe de badauds amassés autour des officiers. Le vieil homme lui avait adressé un faible sourire avant de prononcer du coin des lèvres : —      Regarde autour de toi, mon enfant. Ne vois-tu pas à quel point le monde a besoin d’être changé ? Ses paroles étaient restées gravées dans sa mémoire comme l’image de cette nuit où, pour la première fois, elle avait brisé l’interdit pour s’aventurer sur les toits. Profitant d’une fenêtre cassée, la fillette s’était glissée dans la maison de ce vieillard dont le crime était de posséder des livres. Sous une latte du plancher, elle avait découvert l’un de ces objets défendus, oublié par la milice dans leur hâte de détruire ces écrits d’autrefois. Le propriétaire avait choisi de conserver cet ouvrage au péril de sa vie. À l’époque, elle n’avait pas saisi la grandeur de cette cause. Comment pouvait-on se sacrifier pour un simple livre ? Ce n’était rien d’autre que du papier…".

"Non, lui chuchota Charlotte à l’oreille, j’ai surpris Maria – vous savez, ma cuisinière qui fait de si bonnes crèmes au chocolat – en train de lire ce qui ressemblait à des feuilles de papier maculées de taches. J’ai su aussitôt que c’était l’un de ces écrits interdits par le gouvernement. Au moment où je m’apprêtais à le détruire, un passage en lettres capitales m’a sauté aux yeux. C’est amusant ce que les gens peuvent écrire… Mais rassurez-vous, j’ai tout de suite dénoncé Maria même si ses pâtisseries vont certainement me manquer. Pour Charlotte, ces avis contestataires n’étaient qu’une aimable plaisanterie destinée à distraire les âmes candides en quête de potins. Elle n’imaginait pas que sa malheureuse cuisinière risquait d’être exécutée pour avoir violé les règles écarlates. S’efforçant de paraître indifférente, Plume prononça de sa voix la plus innocente : —      Vous vous souvenez du titre de ce journal ? Les lèvres de Charlotte s’étirèrent en une grimace. —      Ne le répétez à personne, mais disons que le titre était… assez choquant. Il s’intitulait L’Étincelle de la révolte".

"Plume sentit son cœur s’arrêter de battre. Au centre d’un groupe, composé en grande majorité de demoiselles à marier, un homme attirait tous les regards. Lui ou plutôt le rouge éclatant de sa chemise, symbole de la Ligue écarlate. Il devait être âgé d’une vingtaine d’années, et ses cheveux noirs encadraient un visage aux traits durs comme taillés au couteau. Ses prunelles d’un intense bleu gris évoquaient un rapace, surplombant les plaines à la recherche d’une proie. Plume n’eut aucune difficulté à le reconnaître. C’était lui, ce voleur de la nuit qu’elle avait laissé inconscient sur le sol froid d’un cabinet de travail. Élias d’Aubrey… Une peur sans nom s’empara d’elle. Pendant des années, son existence n’avait tenu qu’à un fil, un éternel numéro de funambule où, nuit après nuit, elle résistait à l’attirance du vide. Jusqu’à cet instant précis où le sol venait de se dérober sous ses pieds".

Les musiques autorisées par la censure étaient au nombre de six : une demi-douzaine de mélodies qui se répétaient en une boucle infernale. Comment des notes pouvaient-elles être jugées contraires au régime ? Pour l’Oméga, ce n’était sans doute qu’une façon de resserrer son contrôle, d’imposer ces airs comme il codifiait les pas de danse. On privait les individus de leur liberté, les habituant peu à peu à cette surveillance constante. Jusqu’à ce que la dictature leur paraisse naturelle".

"—      Attendez un peu. Une dernière chose… Plume lui tendit une oreille peu complaisante. —      En tant qu’héritier de la Ligue, mon devoir est de me marier afin d’assurer la lignée. Il s’agit d’une obligation à laquelle je ne saurais me soustraire. Les plus beaux partis de la capitale ont été conviés à cette réception et il serait illusoire de me voiler la face. Ces demoiselles n’espèrent me séduire que pour obtenir mon argent. —      C’est malheureux, compatit Plume dans un soupir hypocrite. J’ose à peine imaginer la souffrance que vous devez éprouver à l’idée d’occuper une telle position. —      D’après vous, comment réagirait Mlle Lavoisier si je lui faisais ma demande ? Si Anémone était sa favorite, Plume ne doutait pas qu’ils formeraient un joli couple : le rapace et la ronce. Elle devinait déjà son sourire triomphant qui ne ferait que révéler ses dents de cheval. —      Elle serait enchantée, assurément. Comment pourrait-il en être autrement alors que vous lui offrez la possibilité de parader en robe écarlate ? —      Dans ce cas, Mlle Lavoisier risque d’être déçue, ricana Élias, parce que je n’ai pas l’intention de me fiancer avec elle. Souhaitez-vous connaître le nom de l’heureuse élue ? Plume répondit par un haussement d’épaules. Anémone possédait une fortune considérable, mais il n’était pas improbable qu’une dot plus conséquente soit l’apanage d’une autre demoiselle. Des critères tels que l’attirance ou la beauté n’intervenaient sans doute pas dans le choix d’Élias. —      Et de qui s’agit-il ? questionna Plume avec un désintérêt manifeste. —      De vous, Mlle Herrenstein".

"Qu’est-ce qui ne va pas ? s’inquiéta Plume. Pourquoi est-ce que tu es aussi… —      Quoi ? Grognon ? Tu n’as qu’à demander à l’autre là-bas ! Un signe de tête en direction de la rue laissa supposer qu’Élias était responsable de son irritabilité. Quand Plume avait quitté le cercle des badauds, son fiancé contrôlait la situation. Qu’avait-il bien pu se passer durant son absence ? Élias n’aurait quand même pas profité qu’elle ait le dos tourné pour revenir sur son engagement ? —      M. d’Aubrey a bien interrompu les exécutions, n’est-ce pas ? Jack répondit par un reniflement méprisant. —      Il a fait bien mieux que ça. Il vient de décapiter l’officier parce que sa réponse ne lui plaisait pas. —      Hein ? s’exclama Plume en oubliant toute distinction. —      Tu m’as très bien entendu. Ton cher fiancé vient de tuer un commandant et le pire, c’est qu’aucun soldat n’a protesté. Ils ont aussitôt obéi à ses ordres et en moins de deux, ils ont retiré le cadavre dégoulinant de sang de la place. —      Eh bien, dis donc ! siffla Pandore, admiratif. Dommage que je n’aie pas pu assister au spectacle. Pour une fois que ces idiots s’entretuent entre eux… —      Ton Élias n’a même pas répondu à une provocation, poursuivit Jack en ignorant Pandore. Il lui a coupé la tête, comme ça… presque sans raison. J’espère que tu vas trouver le moyen d’éviter le mariage avec ce dingue, car je n’ai jamais vu une telle violence. Ses yeux étaient aussi froids que de la glace, il aurait pu assassiner toute la garde sans même sourciller ! —      En réalité, déclara Plume, je suis bien décidée à l’épouser. —      Parce qu’il est riche ? —      Non, parce que les princes maudits m’ont proposé de l’espionner pour leur compte".


2 commentaires:

  1. Coucou. Tu m'as trop tentée. Je le mets de suite dans ma wish list. Bonne soirée

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    1. Coucou ! Franchement, c'est une très bonne histoire ! Et un livre aussi à faire lire aux adolescents, car il y a des messages "politiques" qui interpellent....Tu ne devrais pas être déçue ! 😉 A bientôt !

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