vendredi 14 mai 2021

LES INVISIBLES DE FOUGERET [Chronique express]

Véronique Geffroy
Les Editions Michel Lafon (2021)
349 pages 

Synopsis :
Laissez-moi vous raconter une histoire aussi incroyable que réelle. Lorsque j'ai entraîné ma famille dans l'acquisition et la restauration d'un château abandonné, j'ignorais qu'il était encore habité par ses anciens occupants. Si au début les voix, silhouettes, coups dans les murs et manifestations physiques étranges nous laissaient perplexes, nous avons appris à les connaître, à les comprendre et, pour certains, à les craindre. Mais loin des clichés sur les maisons hantées, les invisibles de Fougeret nous ont surtout fait grandir. Si nous voulions nous en sortir vivants, il fallait ouvrir notre esprit aux esprits du lieu.



[CHRONIQUE EXPRESS]


Toutes les personnes intéressées par le paranormal ont déjà entendu parler du château de Fougeret qui est devenu célèbre depuis une dizaine d'années par sa particularité d'être un "château hanté". Un nombre incalculable de "chasseurs de fantômes" en ont fait des enquêtes relayées sur YouTube ou la TV....Tout comme les septiques, les débunkers, comme on dit, qui veulent prouver que tout ça, ce ne sont que des "conneries"....Il y a aussi les médiums, les experts en spiritualité, les web-radios etc qui ont eu leur mot à dire sur ce fameux château...

Personnellement, je ne doute pas de la sincérité des propriétaires du château, le couple Geffroy. Je pense que ce château est réellement habité, "hanté", "visité" par ses anciens propriétaires, mais il sert aussi de lieu de contact, de "portail puissant" avec des défunts qui n'ont aucun lien avec le bâtiment mais avec les "vivants" qui viennent le visiter par curiosité ou par la recherche de réponses....Ce château date du Moyen-Age, il a donc vu beaucoup d'humains, de familles, de soldats se succéder en son sein....

Les siècles passés n'ont guère étaient généreux pour les gens de ces époques, avec des morts violentes, injustes, des morts d'enfants, des tortures de soldats, des meurtres "pour l'argent et le pouvoir"....Bref, ce château contient un lourd passif de souffrances et d'atrocités, mais aussi de joies et des fêtes (notamment quand on voit les photos de famille prises dans les années 1920)....

Si vous croyez tout savoir sur ce château en ayant regardé les reportages à la télé ou les vidéos sur YouTube, je vous arrête tout de suite ! Ce livre, écrit par Véronique Geffroy regorge de confidences inédites, que ce soit pour les "faits paranormaux" mais elle raconte aussi sa vie de famille, ses peurs, ses doutes, ses faiblesses, ses moments de "craquage", ses drames (comme le suicide de son cousin dans le parc du Château)......

Ce livre explique l'aventure d'un couple, d'une famille qui va acquérir un château pour la passion des vieilles pierres (ils avaient déjà acheté un autre château auparavant), et bien entendu, au départ, les phénomènes paranormaux n'étaient pas prévus au programme....En tout cas, dans leur vie de "gens bien les pieds sur Terre" mais force est de constater que les évènements WTF qui vont apparaître très rapidement dans ce château ne laissent aucun doute et d'ailleurs, Véronique l'avoue elle-même, il y a eu des moments où elle a vraiment eu envie de revendre ce château, mais le destin en a voulu autrement.....

Bien entendu, pour les septiques, qui cherchent des preuves sur une quelconque supercherie ou "hystérie collective", penser qu'en exigeant une preuve, à l'instant T aux "fantômes", comme une injonction, cela va fonctionner, il faut vraiment être stupide pour croire que les défunts vont entrer dans le jeu....Parfois, ils le font, de manière subtile ou même violente (Véroniques raconte plusieurs anecdotes qui font froid dans le dos pour les gens qui les ont vécues), mais plus souvent, ils ne vont communiquer qu'avec les gens "purs" et pas avec ceux qui pensent que tout cela n'est qu'un "cirque", une "grosse arnaque".....On ne pourra jamais convaincre quelqu'un qui est enfermé dans ses certitudes, il aura toujours une réponse "relationnel" ou "passera au silence, niera" un évènement bizarre qui ne correspond pas avec les lois physiques et la science que nous connaissons à notre époque actuelle....

J'ai vraiment adoré me plonger dans ce livre....Certes, j'ai mis plus de temps à le lire car je ne le lisais jamais le soir avant de me coucher (pour des raisons évidentes, je suis une froussarde et je suis déjà bien assez consciente du monde invisible qui nous entoure...).

Ce livre est précieux car nous entrons réellement dans l'intimité d'une famille, d'un couple avec ses doutes, ses épreuves, ses défaites et ses victoires.....Véronique Geffroy nous livre ses états d'âmes dans détours et parfois, c'est difficile à lire car on ressent toute sa douleur car il faut quand même gérer cette épreuve...Déjà la peur, la confrontation avec le monde invisible, mais aussi les critiques (tellement nombreuses) des gens du village, puis ensuite du "monde entier" (merci Internet). Et il y a aussi ses problèmes de couple car ce genre de situation inédite est géré différemment d'une personne à l'autre alors évidemment quand votre propre mari n'est pas sur la même "longueur d'onde", ce n'est pas facile à vivre....Heureusement pour ce couple, les explications et les solutions finiront par arriver......Mais Véronique va passer par des moments vraiment difficiles (qui vont presque arriver à la faire "sombrer" dans la dépression voire pire...).

Au niveau des histoires des "invisibles" qui peuplent ce château, chacun a connu un drame, chacun est attaché, voire "prisonnier" à ce lieu pour une raison ou une autre......Je suis touchée par le lien que Véronique a réussi à avoir avec Félix mais aussi Alice ou d'autres "défunts"....Cela nous montre aussi que ces époques passées n'étaient pas faciles à vivre (cela dit, notre époque actuelle n'est guère mieux....Même si on pense être heureux et chanceux grâce à toute la technologie qui nous entoure....Pas besoin de vous faire un dessin, au moment où j'écris cette chronique, nous sommes au printemps 2021....).

Sincèrement, je pensais "tout connaître" de Fougeret grâce aux divers reportages à son sujet depuis une dizaine d'années mais finalement non, ce livre est vraiment essentiel si vous êtes intéressé par ce château car il est une vraie mine d'or en anecdotes inédites et surtout, Véronique nous livre vraiment ses pensées intimes, sur sa vie de famille, prise dans le tourbillon de la "célébrité" qui n'est pas facile à vivre, surtout quand on aborde le sujet du paranormal (notamment en France où les critiques sont cruelles et à la limite de la persécution....).

Je vous recommande totalement la lecture de ce livre ! Je peux le qualifier de coup de coeur car j'ai vraiment adoré la manière dont est narré le récit, nous suivons vraiment le cours de cette vie de famille de A à Z, c'est vraiment prenant ! Par contre, pour les froussard, je ne vous recommande pas de le lire le soir avant de vous coucher car il y a quand même des anecdotes flippantes dans ce livre ! (on parle quand même d'un château hanté !)....Bonne lecture à tous, vous ne le regretterez pas, croyez-moi !

Quelques citations :

"Il était une fois… Alors que mon côté écolo-bobo d’ancienne fille de la ville prenait souvent le pas sur la raison et que je n’aimais pas trop les cultivateurs, j’ai épousé un agriculteur en 1990. Mon paysan faisait du bio, c’était un moindre mal, je pouvais continuer à déclamer mes tirades sur la pollution de l’eau et des sols. François Joseph était plutôt poète, c’est ce que j’aimais chez lui. Il passait son temps à planter des arbres qui ne lui feraient jamais d’ombre, à observer les fleurs, à greffer d’anciennes espèces de fruitiers et à collectionner diverses variétés de graines. Il savait tout faire ou presque. Issu d’une fratrie de sept enfants, élevé dans une grande ferme organisée en autarcie quasi totale, c’était un homme de la terre au sens noble, débrouillard et près de la nature. Étrangement, dès notre rencontre, je l’ai immédiatement reconnu. Moi, la fêtarde invétérée, coquette et un brin prétentieuse, j’étais amie avec son frère, Emmanuel. Un dimanche après-midi, Emmanuel est venu me rendre visite en after, vers 16 heures. Il était accompagné d’un garçon qu’il ne prit pas la peine de me présenter et qui était en permission. Nous étions en mai 1985, et le service militaire transformait nos magnifiques copains à grands coups de tondeuse. Emmanuel servait le café. Le garçon inconnu regardait autour de lui. Je l’observais. Très brun, ombrageux, sauvage. Il ne m’a fallu que quelques secondes pour savoir que c’était lui qui serait mon mari et le père de mes enfants. Nous nous sommes mariés cinq ans plus tard et avons eu trois enfants : Violette, Mathilde et Enguerrand. J’étais passionnée d’histoire et me sentais assez mal dans mon époque. Je la trouvais particulièrement inesthétique. Petite-bourgeoise, dans l’acception générique et presque comique du terme, reconvertie à la vraie vie rurale. Nous vivions dans le Poitou, au sud du département de la Vienne. Désormais, il fallait que j’accepte la boue sur mes jolies chaussures et de respirer les odeurs animales.   En 1997, nous avions investi une ferme isolée, au sol de terre battue et sans aucun confort. Pourtant, je m’en contentais car ma vie était déjà très occupée par le sauvetage d’un donjon du XIIe siècle. Les enfants étaient parfois un peu jaloux de ma folie amoureuse pour les vieux murs, car tandis que je vouais une passion insatiable aux châteaux médiévaux, nous vivions toujours sans chauffage dans notre petite ferme désormais remplie de dizaines de lampes à pétrole, de lithographies, de livres et de mes vieux disques de rock des années 1970". 

"Devant mon écran, je faisais défiler les images, rapidement. Rien. Puis a surgi du lot. Un petit château néogothique au milieu des bois, à quelques kilomètres de l’endroit où nous habitions. J’ai scruté les photos, de mauvaise qualité. Puis je suis descendue, rapidement, de mon bureau installé dans l’ancien grenier à grain et j’ai hurlé, à travers la cour, que je venais de trouver un château à vendre, à deux pas de chez nous et que je voulais aller le voir, maintenant. Il était tard, le soleil se couchait déjà mais peu importe, je voulais y aller. François a sauté de son tracteur, les enfants ont levé les yeux au ciel, se disant sans doute que les excentricités de leur mère devaient cesser. Ils préféraient rester à la maison. J’étais déjà dans la voiture, criant à François qu’il n’avait pas le temps de se changer. Lorsque nous sommes arrivés à destination, il a fallu traverser un bois qui n’avait pas été entretenu depuis des décennies. Franchir ce mikado d’arbres était compliqué. On ne voyait rien mais on avançait. Jusqu’au moment où… Nous sommes arrivés devant. Au pied de ce géant arrogant. J’en ai fait le tour en criant de joie. Je n’avais pas assez d’yeux pour tout voir. François Joseph restait plus circonspect. Pour lui, ces créneaux XIXe, ces fanfreluches à la Viollet-le-Duc sonnaient faux".

"– Franchement, maman, c’est bizarre comme endroit… 
– Pourquoi tu dis ça ? Tu n’aimes pas ? 
– Bof… tu vas encore nous embarquer dans un truc pourri. Tu n’en as pas marre ? Il est vrai que mes frasques architecturales phagocytaient toute la famille. 
– C’est un super endroit, tu as remarqué la vue de la falaise ? Pas de voisins, des bois tout autour, c’est super et ton père adore ! Elle avait réellement l’air inquiète. 
– Écoute maman, tu m’as laissée toute seule pour répondre au téléphone. Je ne me suis pas sentie bien. Je ne vois pas pourquoi tu voulais que je vienne ! 
– Pour que tu voies en vrai. Tu trouves l’endroit comment ? 
– Je ne sais pas trop. J’avais l’impression que des gens me regardaient aux fenêtres. 
– N’importe quoi ! Avec le Bazaneix, tu devrais être habituée à l’ambiance des châteaux abandonnés ! On a toujours des impressions étranges au début, et puis ça passe… J’ai mis fin à l’échange en levant les yeux au ciel. Je minimisais volontairement. Je l’écoutais toujours, pourtant. Quelques années auparavant, alors qu’elle prenait des leçons de conduite, elle m’avait raconté avoir vu une femme en chemise au milieu d’un rond-point, qui chantait « Pour que tu m’aimes encore », le tube de Jean-Jacques Goldman interprété par Céline Dion. Elle avait immédiatement pilé. Le moniteur lui avait demandé pourquoi. Elle n’avait pas répondu, la femme avait disparu. Elle avait redémarré, très gênée et perturbée. Une autre fois, alors qu’elle visitait un vieil immeuble – en ruines naturellement –, elle avait vu une gamine vêtue de bleu, avec des cheveux blonds bouclés. Elle voulait sortir de la cave où elle était assise, recroquevillée sur elle-même. Une fois dehors, sa petite main s’était accrochée aux barreaux du soupirail. Mathilde était blême. Bien plus tard, alors que je dépouillais des archives pour ma thèse d’histoire, je suis tombée sur un fonds d’archives contenant une photo de cet immeuble. C’était une confiserie qui s’appelait alors « Aux bons enfants ». Devant la façade, une vingtaine d’enfants étaient assis. Peut-être que certains d’entre eux y avaient été maltraités… Mais là, j’étais aveuglée. Rien n’y faisait. J’ai balayé notre complicité en traitant tout cela comme des élucubrations. Mathilde s’est sentie trahie. Je restais sur ma position, même si aucun des enfants ne voulait nous voir nous lancer à nouveau dans un chantier titanesque qui nous absorberait tout entiers".

"Les week-ends, nous avions l’honneur de voir nos enfants. Violette travaillait souvent dans les écuries. Cette partie du domaine était près de l’arbre. Le fameux arbre dont je ne voulais plus m’approcher. Un jour, elle a arrêté son chantier pour venir me parler. 
– Tu es allée récemment dans les écuries ? 
– Non, pourquoi ? 
– C’est insupportable, là-bas. J’entends des pas, quelqu’un qui me tourne autour et ça sent encore le cheval ! 
– Pourtant, ça fait un sacré bail qu’il n’y en a plus ! 
– Ça sent une odeur que je connais bien. Le cheval en sueur. Les animaux aussi ont une âme. Certains étaient encore là. Mais pourquoi personne, sauf moi, ne voulait quitter cet endroit ?"

"Félix, en tant que chef de tout ce monde invisible, ne faisait pas l’unanimité. Philippe le haïssait. En fin d’après-midi, un jour de mars, l’ambiance était très lourde. 
– Tu entends les coups ? François a tendu l’oreille. Des coups sourds résonnaient dans le château, mais il était impossible de les localiser précisément. 
– Ça vient d’où ? 
– D’en bas. 
– J’entends ça en haut ! Nous étions très attentifs, immobiles et silencieux. 
– Tiens ! Là ! Tu as entendu ? Cela avait cogné tellement fort que tout le château avait résonné. Nous pouvions sentir le plancher vibrer de concert avec le bruit. Nous n’avions rien fait, rien dit, il n’y avait pas de médium avec nous. Nous étions innocents, assis devant la cheminée. Nous avions l’impression que la structure allait s’écrouler. 
– François, on sort, là… 
– Non, attends, écoute… Cela va bien finir par se calmer… 
– Et si c’était eux qui s’engueulaient entre eux ? Au même moment, j’ai entendu, dans mon oreille gauche, un énorme chut, d’une voix masculine et détimbrée. Je me suis retournée, il n’y avait personne. Je m’y attendais, mais ça avait été un réflexe. Puis le bruit a cessé. L’ambiance était redevenue plus sereine. Le nuage de colère était passé. Félix devait être un gardien des lieux coriace. Nous ne pouvions pas arbitrer les conflits entre les invisibles. Nous ne pouvions que les subir".


2 commentaires:

  1. Coucou. J'espère que tu te portes bien. Je me note ton coup de coeur dans ma wish list.

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