jeudi 25 février 2021

Narcisse [Chronique express]

Maud Cordier
Auto-Edition (2020)
351 pages

Synopsis :
Olivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n’aurait jamais imaginé qu’en acceptant de s’unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s’écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décide à honorer ses vœux, passant le plus clair de son temps hors de leur demeure et n’hésitant pas à se montrer discourtois envers sa femme. Désabusée, Olivia sombre peu à peu dans une profonde langueur. Jusqu’au jour où, au détour d’une conversation avec Marianne, une de ses fidèles domestiques, elle prend conscience qu’elle doit réagir et mettre enfin un terme au terrible affront que son mari lui fait subir.


[CHRONIQUE EXPRESS]

Magnifique ! Voilà ce que je peux dire en terminant ce livre ! A l'image de sa couverture avec une illustration très belle, très gothique, très romantique, je n'ai pas été déçue de son contenu qui m'a fait passer par de nombreuses émotions.

Dès les premières pages, nous prenons bien évidemment partie pour Olivia, dont nous suivons l'enthousiasme puis la déception vis à vis de son mariage avec Narcisse, ce bel homme qui a réussi en quelques phrases à la convaincre de l'épouser (au détriment de son frère, puisque elle était promise à celui-ci) et qui, finalement, l'a négligée dès la cérémonie terminée, n'allant même pas jusqu'à consommer officiellement leur union.

Narcisse est sombre, torturé, taciturne, froid, distant.....Il semble, aux premiers abords méprisant envers Olivia, elle, si lumineuse, si enjouée (au départ car évidemment, elle va peu à peu sombrer dans une sorte de dépression au fil des jours, des semaines, constatant la totale indifférence, le rejet, que lui porte son époux)....

Fort heureusement pour Olivia, elle a des parents aimants, notamment son père, qui va lui faire un sublime cadeau, en l'occurrence Layl, un magnifique pur-sang arabe (qui est d'ailleurs représenté sur la couverture du livre, c'est vous dire à quel point il compte dans le récit !)....Ce cheval a été traumatisé, est devenu sauvage, totalement indomptable (tout comme Narcisse, vous apprécierez le parallèle entre ces deux-là....).

Notre héroïne ne va jamais se décourager, que ce soit vis à vis de l'un ou l'autre de ses "deux mâles".....Evidemment, elle arrivera plus facilement à ses fins avec le cheval, qui va devenir sa grande passion, son double....Enfin bon, toute personne qui possède un cheval sait à quel point la relation que l'on entretient avec lui peut être forte et profonde....

Olivia va aussi découvrir sa belle-famille et la manière ignoble dont sa belle-mère traite Narcisse, son dernier fils.....Cela en devient gênant la manière dont elle le dénigre, même pendant les repas de famille (les cons, ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnait, comme dirait l'autre...)....Cette sale bonne femme est immonde (et elle va nous le prouver tout le long du récit)...Rien que d'écrire ces lignes, de me remémorer ses méfaits, cela me met en rage....

Du coup, oui, le livre "Narcisse" n'est pas qu'une simple romance historique (qui se déroule en France dans les années 1880, j'ai oublié de le préciser) mais c'est aussi une histoire de secrets de famille, de traumatismes d'enfance.

Contrairement à la plupart des romances, ici, nous assistons à un mariage dès le début du livre et leur histoire d'amour va réellement naître plusieurs mois plus tard, au fur et à mesure des chapitres (il faut être patient car Narcisse est encore plus difficile à apprivoiser que le pur-sang arabe qu'a reçu Olivia...). 

J'avoue, j'ai pleuré plusieurs fois (je vous mets au défi de rester de marbre face à certaines scènes ultra dramatiques...Surtout si vous aimez les animaux....). Je me suis aussi enflammée, tout comme Olivia, quand celle-ci soupçonnait son mari d'adultère. Et je me suis émerveillée face au vrai secret de Narcisse, celui qui l'éloignait chaque jour durant des heures loin de son domaine....

Bien évidemment, je vous recommande à 100% ce livre !!!! J'en suis encore toute émue. Les sujets abordés dans ce livre sont graves et importants (et toujours d'actualité). Et je dois dire que lorsque Narcisse réalise enfin qu'Olivia "existe", ouh la la ! Mon coeur de midinette a craqué ! C'était vraiment beau et romantique. Sa passion sera à l'égal de sa froideur du début du livre ! Magnifique !

Attention spoilers !

Je dois dire que je n'ai pas été surprise par la mort de la maman renarde et de ses petits (sauf un, celui que Narcisse va adopter) vu que l'auteure, Maud Cordier, insistait vraiment sur la beauté de ces animaux dans ce parc, et sur le fait que Narcisse et Olivia étaient totalement "anti-chasse", contrairement à cette salope de belle-mère.....Et quand elle va tuer Layl.....Mon Dieu ! Quel choc ! J'ai pleuré ! Quelle horreur ! c'est presque dommage qu'elle a été tuée si rapidement à son tour car elle méritait de souffrir pour tout le mal qu'elle a fait autour d'elle ! (en tout premier lieu le mal qu'elle a fait subir à son fils depuis sa naissance.....Et le fait qu'elle ait été violée par son beau-père n'excuse en rien la manière dont elle traite son fils....Il n'est pas responsable de sa naissance....De toute manière, une femme qui aime la chasse, qui tue de sang-froid des animaux (des bébés renards et un magnifique cheval, tout de même...), ce genre de personne ne mérite aucune rédemption et aucune excuse....).

Le fait qu'il y a ce côté si dramatique avec la mort d'animaux m'a fait hésiter à noter ce livre comme un coup de coeur mais finalement, oui, même si  j'ai pleuré et que ces scènes m'ont fait souffrir, je ne peux que m'incliner face à ce récit si prenant et cette histoire d'amour si belle car grandissant peu à peu malgré tous les obstacles et ce "faux départ" (n'oublions pas que Narcisse se marie avec Olivia uniquement pour faire chier son propre frère...).

Et puis, que dire sur le talent d'artiste de Narcisse ! Etant moi-même douée pour le dessin, je rêverai comme lui d'avoir une cabane pour dessiner toute la journée, quelle chance !.....Le fait qu'il ait dessiné autant de portraits de sa mère en dit long sur sa souffrance psychologique (car même si elle se comporte comme un monstre, elle reste sa mère....Les enfants aiment toujours leurs parents, même s'ils sont leur propre bourreau).....Et puis que cette salope finisse par brûler sa cabane, pourtant si bien cachée, évidemment, ce fut un coup dur.....

Finalement, ce que j'ai aussi apprécié dans ce livre, ce sont les moments dramatiques qui sont montés crescendo jusqu'à leur apothéose avec la mort de Layl (et il s'en est fallu de peu pour qu'Olivia ne meurt pas non plus, car la belle-doche était bien partie pour faire un massacre...Ah la la ! Ca faisait longtemps que je n'avais pas autant détesté un personnage !!!! Elle me met la rage cette vieille peau !!!!).

Et même si, nous l'apprenons dans l'épilogue, Layl a eu une descendance car il avait eu le temps de se reproduire avec une jument du père d'Olivia, la petite pouliche n'est pas Layl, idem pour sa statue dans le parc....Elle peut lui rendre hommage mais elle ne le refera pas revenir....C'est toute cette tragédie qui apporte un côté doux-amer à la fin de cette lecture.....

Quoiqu'il en soit, j'ai été scotchée par ce livre et il me restera longtemps en mémoire ! Bravo à Maud Cordier pour son imagination et son talent à retranscrire toute la beauté mais aussi la noirceur de l'âme humaine.....

Quelques citations 

"Très souvent, Olivia songeait à leur baiser avorté, ce baiser qu’elle aurait dû recevoir. Lorsqu’ils s’étaient retrouvés seuls en leur demeure après les festivités de leurs noces, la jeune femme avait tenté un rapprochement. Elle avait osé tendre une main timide vers le visage de son époux, espérant ainsi lui témoigner toute sa tendresse, et enfin, goûter ses lèvres. Mais, en avisant l’éclat furieux qui avait fait briller les sombres iris de Narcisse, elle avait aussitôt suspendu son geste. Sans la quitter des yeux, son mari avait prétexté une soudaine et violente migraine, puis s’était retiré dans ses appartements. Marianne, l’une des domestiques du manoir, était alors apparue pour indiquer sa propre chambre à Madame. À cet instant précis, Olivia avait compris qu’elle ne partagerait pas la couche de son époux".

"— Vous m’avez épousée, reprit-elle, mais vous vous refusez à moi. Vous m’ignorez… Je voudrais en connaître les raisons. Quelque chose passa dans le regard de son mari. Peut-être un mélange de consternation et de dégoût. Il semblait offusqué qu’elle se permît de tels reproches, et de toute évidence, il ne savait que lui répondre ni comment se soustraire à cette discussion. Olivia patienta, ses iris bleus braqués sur Narcisse. Il n’était visiblement pas désolé ou honteux de ses agissements. Seulement furieux d’être retardé par ces questions malvenues. 
— Mon frère désirait ardemment votre main, voilà ce qui m’a poussé à vous la demander, cracha-t-il enfin avec dédain. Et sur cette dernière phrase, il quitta la salle à manger en claquant la porte derrière lui. Olivia eut la sensation qu’un corset venait enserrer son cœur. Les mots, incisifs, lui firent l’effet d’un coup de poignard dans l’abdomen lorsqu’ils la percutèrent. Il l’avait demandée en mariage uniquement parce que Dorian souhaitait l’épouser ! Son sang déserta brutalement son visage, et elle dut se retenir à la table pour ne pas s’effondrer. Pas un instant, elle n’avait imaginé que Narcisse avait jeté son dévolu sur elle dans le seul but de contrarier son frère ou de se venger de lui. Quelles obscures raisons avaient bien pu le pousser à agir de manière aussi ignoble envers l’un de ses plus proches parents".

"Layl s’était immobilisé face à elle et l’observait. Son poitrail tremblait, il soufflait bruyamment. Olivia se redressa avec lenteur, remarquant tout juste ses paumes écorchées dans sa chute. Elle s’empara de la longe abandonnée près d’elle et vint à nouveau à la rencontre de l’étalon. Layl se mit à secouer la tête, probablement pour la dissuader d’approcher, mais la jeune femme l’ignora. En voyant son cheval si perturbé, Olivia repensa à la façon dont Anne, la cuisinière des De Beauvoir, l’avait aidée à se calmer quand, à dix-sept ans, angoissée par le départ de Paul et ses parents pour le Médoc, elle avait eu l’impression que son monde s’effondrait. La vieille dame lui avait assuré, à cette époque, que l’on pouvait toujours apaiser une personne proche de soi en utilisant cette méthode.  Alors, dès qu’elle fut assez près de Layl, elle se mit à inspirer pendant cinq secondes puis à expirer aussi longtemps, pour à nouveau inspirer cinq secondes, et ainsi de suite. Cela dura six bonnes minutes.  Ensuite seulement, Olivia leva les yeux vers l’animal. Il la fixait sans bouger. Elle décida donc de tenter un geste dans sa direction. Et le miracle se produisit au moment où ses doigts entrèrent en contact avec les naseaux frémissants de l’étalon noir. Comme si le temps s’était suspendu, elle sentit ses ongles effleurer sa peau de velours, puis, lentement, sa paume épousa son chanfrein avant de remonter jusqu’à son front. Son poil court était d’une incomparable douceur.  Une forte émotion s’empara de la jeune femme lorsque l’étalon ferma un instant les yeux, s’abandonnant à sa caresse. Pour la première fois, elle le voyait baisser la garde, et elle en fut tellement chamboulée qu’une larme solitaire lui échappa pour rouler le long de sa joue.  Ils restèrent un moment ainsi, à faire connaissance en silence. Olivia pouvait sentir le lien qui se tissait lentement entre eux comme s’il était de matière. Quand Layl fut totalement en confiance, sa maîtresse s’écarta et l’invita à la suivre en l’appelant par son prénom. Le cheval marqua un temps d’hésitation, puis se mit à avancer. Olivia le reconduisit jusqu’au pré, sous les yeux étonnés du groupe qui ne pipait mot, comme si elle avait accompli un véritable prodige. Et c’était bien ce qu’elle avait fait, en quelque sorte. En croisant le regard de Narcisse, elle y trouva un mélange d’admiration et de fierté que son sourire confirma. Olivia le lui rendit discrètement, heureuse, mais humble, d’avoir gagné la première manche de ce qui s’avérerait probablement une longue bataille".

"— J’imaginais la tête de ma mère si elle venait à apprendre que nous dormons toutes les nuits en compagnie d’un chien et d’un renard".

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