vendredi 9 août 2019

NOUS LES MENTEURS

E. Lockhart
Les Editions Gallimard (2015)
Sortie originale 2014
336 pages 

Synopsis : 
Une famille belle et distinguée. Une île privée. Une fille brillante, blessée ; un garçon passionné, engagé. Un groupe de quatre adolescents - les Menteurs - dont l'amitié sera destructrice. Une révolution. Un accident. Un secret. Mensonges sur mensonges. Le grand amour. La vérité.

"Nous les menteurs" est un livre parfait pour l'été de par l'ambiance maritime et estival qu'il dégage avec ces retrouvailles annuelles d'une famille de riches américains blancs et blonds sur une petite île privée où le grand-père a fait bâtir plusieurs belles maisons pour y loger tout le monde. 

Cady, la narratrice, qui est également l'héroïne de cette histoire est une adolescente de presque dix huit ans. Elle est l'aînée des petits enfants de cette famille Sinclair. Le récit oscille régulièrement entre les flash-backs des autres été, notamment aux 8 ans et aux 14 ans de Cady, et le temps présent avec cette question : Qu'est-ce qui s'est passé durant l'été des 15 ans de la jeune fille ? Pourquoi toute sa famille a un comportement étrange avec elle ? Et pourquoi personne ne veut rien lui dire ?

Quand j'étais adolescente (dans les années 90), j'étais fan de l'auteure américaine Virginia C. Andrews, notamment de sa saga "Fleurs captives", et je dois dire que j'ai un peu retrouvé l'atmosphère de cette auteure dans la plume de E. Lockhart, notamment avec cette impression d'oppression et de non-dits, qui peuvent mener jusqu'à la folie de l'héroïne (et la nôtre) , qui cherche à tout prix à retrouver la mémoire (et généralement, vous savez qu'une amnésie soudaine survient généralement après un grand choc psychologique...).

Je n'en dirai pas plus mais en tout cas, si vous n'avez jamais lu ce livre, qui a fait un tapage médiatique sur Booktube et la blogosphère en 2015 (et en 2014 pour sa sortie originale aux USA), je vous le conseille vivement ! 

C'est clair qu'il est préférable de le lire l'été, pour coller à l'ambiance du bouquin mais vous pouvez quand même le lire n'importe quand dans l'année (et rien ne vous empêche non plus de lire une romance de noël en plein mois de juillet, you are free !). 

Ce livre est un coup de coeur pour moi car il m'a vraiment plongée dans le récit, j'ai été surprise par le fin mot de l'histoire et même plusieurs semaines après l'avoir lu, j'y pense encore....C'est une histoire très marquante et je comprends qu'elle ait fait le buzz il y a 3 ans....

Ce que j'ai aimé dans l'histoire : 

1#-L'ambiance "riches américains" qui fait rêver (ou pas) : Je ne sais plus trop à quel endroit des USA se trouve la petite île familiale, mais en tout cas, pour "Beechwood Island" dans mon imaginaire, lorsque je lisais le livre, je voyais clairement les petites plages bien propres du Nord-Est des Etats-Unis, style Hamptons ou la petite station balnéaire du film "Les dents de la mer" (sans le requin...) ou même "Les oiseaux" (sans les oiseaux...). Tiens, saviez-vous que Beechwood Island existe vraiment ? Mais au Canada....Merci Google map ! En tout cas, pour ce qui est de l'apparence des personnages, je n'ai aucun mal à les imaginer blonds, bien propres sur eux, avec le pantalon ou le short clair, le petit polo voire même le petit pull noué sur les épaules avec les manches (chose que je déteste, d'ailleurs !). Alors, est-ce que cette famille fait rêver ? D'une certaine manière oui, car on sent qu'ils n'ont pas de problèmes d'argent et que les grands-parents ont tout mis en oeuvre pour créer un patrimoine immobilier (voir culturel et artistique) pour leurs trois filles et leurs multiples petits-enfants....Mais cette vie ne fait pas non plus rêver quand on connait le revers de la médaille, SPOILERS notamment, avec le fait qu'il est interdit d'exprimer ses sentiments "négatifs" dans cette famille, qu'il faut toujours paraître heureux et discret....Ce qui fait que les trois soeurs picolent, vu que ça ne va pas trop bien au niveau de leurs vies sentimentales respectives (oui, les maris se lassent vite de ces vies dirigées par les patriarche Sinclair...), et j'ai cru comprendre que Cady s'auto-mutilait (ce n'est pas dit clairement, mais elle parle de sang qui coule, les moments où elle craque et d'ailleurs, Gat va l'aider et la soutenir dans ces moments-là...). Les grands-parents sont hyper autoritaires, surtout le grand-père une fois devenu veuf, qui exerce une pression psychologique intolérable sur ses trois filles.....Les petits enfants assistent à tout cela et bien évidemment, au bout d'un moment, ça va péter et ça a très bien pété.....

2#-Référence à "Les hauts de Hurlevent" : Je dois dire que j'adore quand un livre cite un autre livre. "Nous les menteurs" est très intelligemment écrit et j'apprécie tout particulièrement le parallèle qui est fait entre Gat et Heathcliff. En effet, Gat a été introduit enfant dans la famille (à 8 ans), pour accompagner son oncle Ed, marié à l'une des filles Sinclair, Carrie, la mère de Johnny (finalement, Gat est un peu le "demi-cousin" de Johnny...). Et il a tout de suite trouvé sa place dans le trio déjà constitué des aînés des petits enfants, à savoir Cady, Johnny et Mirren. Gat a le teint mat et les cheveux noirs, dus à ses origines indiennes (de l'Inde, pas des natives américains, je précise). Tout comme Heathcliff, il tombe amoureux de la fille des gens qui l'accueillent chez eux.....Et malheureusement pour lui, il va être victime du racisme latent de cette famille, notamment du grand-père qui ne l'a jamais appelé par son prénom, même quand il était enfant, ça a toujours été "jeune homme". Cady est consciente de cela, elle l'est encore plus quand Gat lui en fait la remarque....Plus les années passent, plus l'attirance entre les deux jeunes gens grandit et un jour, le grand-père surprend un baiser entre sa petite-fille, première héritière de la fortune Sinclair, notre héroine Cady, et le "basané" Gat....Et ça, ça n'est vraiment pas au goût du grand-père....

3#-Les indices laissés par l'auteure : J'aurais du me douter de ce qui allait se passer à la fin de "Nous les menteurs". E. Lockhart a laissé quelques éléments au fur et à mesure du livre et tout devient clair une fois les révélations arrivées. Par exemple, SPOILERS le fait que le grand-père appelle souvent Cady par le prénom de sa cousine Mirren, le fait que les enfants plus jeunes de la famille, qui ensuite deviennent des adolescents, aient des problèmes divers (comme l'une des deux jumelles qui est obsédée par ce qui traite à la mort, d'une manière gothique ou paranormal) ou bien l'un des gamins qui fait des cauchemars constamment chaque nuit et sa mère, Carrie, l'une des deux tantes de Cady, qui sort chaque nuit marcher dans l'île en portant le vêtement de son fils Johnny.... 

4#-L'argent ne fait pas le bonheur....C'est sûr qu'il y contribue, on ne va pas se mentir, mais avoir trop de fric pervertie les gens (il suffit de voir la bassesse de certains grands de ce monde...). SPOILERS C'est certes affligeant de voir ces trois soeurs s'entre-déchirer pour être dans les petits papiers de leur père, quitte à dénigrer les autres membres de leur famille, même les enfants....Si elles avaient été élevées pour devenir des femmes indépendantes de leur mari, tout aurait été changé mais là, quand le mari se fait la malle, ça les met dans une merde monstre et du coup, le grand-père peut effectuer une bonne pression de merde afin qu'elles fassent ce qu'il veut, lui. Dommage que pour réaliser que le plus important dans la vie, c'est d'être entouré de ceux qu'on aime (oui, je sais, ça fait hyper cliché, mais c'est tellement vrai !), il aura fallu passer par un horrible drame et que 3 jeunes gens (et 2 chiens, ne les oublions pas, pauvres bêtes) vont brûler avec l'énorme baraque, symbole de la richesse du grand-père et source de tous les conflits.

5#Une belle fin douce amère et la résilience : SPOILERS Finalement, quand Cady retrouve la mémoire et doit vivre avec la culpabilité des morts de ses 2 cousins et du garçon dont elle était amoureuse, rien ne s'arrange vraiment. Elle aura quand même eu la chance de pouvoir dialoguer avec les trois fantômes qui sont revenus de l'au-delà pour lui dire un dernier adieu (c'est le côté surnaturel du récit....Après, pour les plus cartésiens, on peut se dire que c'est Cady qui les a imaginés, son cerveau cherchant à trouver des explications à son amnésie et ne trouvant pas mieux que de créer des gens qui n'existent plus et qui lui racontent leur vie....Comme Mirren, qui explique qu'elle a rencontré son copain, qu'il est musclé etc, et qu'elle souhaite se marier en jaune....Finalement, elle avait menti, elle s'est imaginé cette romance....Bon, en même temps, c'est normal, vu qu'elle était morte à ce moment-là ! C'est à dire durant les deux années où Cady n'est pas revenue sur l'île...). Je suppose que ce passage des fantômes aura certainement déplu à certains lecteurs, personnellement, ça ne me choque pas (si vous avez lu mes chroniques sur le surnaturel, l'au-delà etc), et je dois même dire que Cady fait preuve d'une certaine résilience à la fin du livre, où, au lieu de se lamenter sur ce (et ceux) qu'elle a perdu, elle met la lumière sur ce (et ceux) qui lui restent (à savoir ses cousins et cousines plus jeunes...). La vie doit continuer, la vie continue. Cady n'est pas responsable du drame (même si ce n'était vraiment pas malin de mettre le feu à la cuisine au rez-de-chaussée alors que les autres étaient en train de mettre le feu aux étages...)....Le responsable, c'est le grand-père, clairement et simplement.....C'est son envie de contrôle absolu sur ses filles et ses petits-enfants....Vous savez, quand les gens sont pétés de thune, après ce qu'ils veulent, c'est le pouvoir, c'est décider de la vie des autres....On le voit très bien avec les "grands de ce monde" actuellement dans notre société...Bref, j'ai adoré cette fin qui me laisse un goût étrange dans la bouche mais qui ne pouvait pas être autrement vu le drame qui s'est passé....Cady a bien payé durant ces deux dernières années, et personnellement, je ne la blâme pas..... 


Quelques citations : 

"Mais Gat ne lui a pas répondu. Il était trop occupé à me regarder. Il avait un nez impressionnant, une bouche tendre. La peau brun foncé, les cheveux noirs et ondulés. Le corps vibrant d’énergie. Gat semblait monté sur ressorts. Comme s’il était en quête de quelque chose. Il incarnait la contemplation et l’enthousiasme. L’ambition et le café noir. J’aurais pu le regarder jusqu’à la fin des temps. Nos regards étaient aimantés l’un à l’autre. J’ai tourné les talons, et j’ai filé. Gat m’a suivie. J’entendais le bruit de ses pas résonner derrière moi sur la promenade en bois qui serpentait à travers l’île. Je n’ai pas ralenti. Lui non plus. Johnny s’est élancé derrière lui. Et Mirren derrière Johnny. Les adultes étaient restés discuter sur le ponton, formant un cercle poli autour d’Ed et gazouillant avec bébé Will. Les petits faisaient leurs trucs habituels de petits".

Au dîner, les conversations s’arrêtaient brusquement dès qu’il mentionnait mamie Tipper. Une fois, il a lâché en plein repas : « Je revois encore Tipper debout d’un côté de la table, en train de servir le dessert, pas vous ? C’était tellement elle. » Johnny avait aussitôt embrayé sur Wimbledon d’une voix forte jusqu’à ce que la consternation s’estompe sur nos visages. Chaque fois que Gat faisait ce genre de commentaire, avec sa nonchalance et sa sincérité bien à lui, son indélicatesse aussi… mes veines s’ouvraient. Mes poignets se lacéraient. Mon sang se déversait au creux de mes paumes. J’étais prise de vertiges. Je me levais de table en titubant ou bien j’agonisais dans le silence et la honte en espérant que personne ne me verrait. Surtout pas maman.

"Grand-père est le genre de personne qui adore les maximes. « Il faut toujours aller de l’avant », nous répète-t-il. Et : « Les places du fond, c’est pour les perdants. Les gagnants s’assoient toujours au premier rang. » Nous les Menteurs roulions des yeux en l’entendant prononcer ses sentences – « Il faut savoir s’affirmer ; les gens hésitants n’intéressent personne » ; « Ne jamais se plaindre, ne jamais se justifier » – mais, sur les sujets adultes, il faisait encore autorité à nos yeux".


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