Sophie Jomain
Les Editions Harlequin (2019)
378 pages
Synopsis :
Marion Verrier est Fendie Miller. Ou plutôt Fendie Miller est Marion Verrier. Elle ne sait plus trop… Est-elle vraiment devenue cette journaliste assoiffée de scoops que plus rien n’émerveille ? Poussée à bout, Marion craque et décide de s’échapper en baie de Somme. Un bungalow cosy perdu dans la nature pour se retrouver et réfléchir à ce qu’elle va faire de sa vie, voilà tout ce à quoi elle aspire. Mais, au « Bruit de l’eau », Marion découvre qu’elle n’est pas aussi seule qu’elle le pensait ; quelqu’un d’autre a choisi l’écolodge pour s’isoler du monde. Un homme, mystérieux et solitaire, que le destin n’aura de cesse de remettre sur sa route.
« Je suis émerveillée et ressens un vertige dont je ne sais dire s’il s’apparente plus au plaisir ou à l’inquiétude. Car je suis de moins en moins sûre de pouvoir, de vouloir, revenir à Paris. J’ai toujours été quelqu’un de raisonnable, de pragmatique et logique, mais l’air marin semble me détourner de ces trois traits de caractère. Je me surprends à imaginer démissionner, vendre mon appartement, acheter une petite maison avec vue sur la baie, et vivre de trois fois rien, seule, avec un chat ou deux. Tout abandonner et mener une vie dont je m’étais souvent moquée jusqu’alors. Je ne sais pas ce qui m’arrive, c’est un peu comme si je perdais tous mes repères pour m’en approprier d’autres. Je suis ici depuis un mois et demi tout pile, et je ne me demande plus si le déclic aura lieu, mais quand il aura lieu ».
Sophie Jomain est une auteure française dont j’apprécie la plume, du coup, quand j’ai vu qu’elle sortait ce nouveau livre qui a pour thème une romance dans la Baie de Somme, je me suis dit que c’était pour moi ! Alors, pour ce qui est de la romance, j’ai été ravie du développement entre nos deux personnages principaux, notamment parce que j’aime tout particulièrement les héros masculins « froid et bougons », mais « Et tu entendras le bruit de l’eau », ce n’est pas que de la romance.
C’est aussi la remise en question d’une femme qui a évolué professionnellement dans un monde « superficiel », celui de la presse à scandales à Paris, et qui va s’éveiller à un autre style de journalisme, celui des grandes causes (notamment l’écologie) et qui va réaliser que la vie, c’est autre chose que les cocktails et les paillettes….Alors oui, je recommande totalement ce livre, qui nous fait voyager dans diverses très beaux coins de la Baie de Somme, mais aussi jusqu’à Calais et évidemment un petit peu à Paris. J’ai vraiment passé un très bon moment de lecture, étant à chaque fois impatiente de reprendre mon livre quand j’étais interrompue.
« Et j’entends le bruit de l’eau » est un livre intelligent, sensible et foncièrement positif. Qu’est-ce que vous attendez pour le lire ?!
Ce que j’ai aimé dans ce livre
1#-La Baie de Somme : Etant normande, la Baie de Somme est à à peine deux heures de route de chez moi et nous avons eu le plaisir, mon mari, mes enfants et moi, d’y passer un week-end prolongé il y a deux ans (au moment des ponts du mois de mai). Les paysages sont vraiment très beaux, c’est la nature à l’état pur et je vous recommande totalement le petit train à vapeur qui part de St Valéry sur Somme jusqu’au Crotoy. Ayant visité une partie des endroits cités dans le livre, évidemment, je pouvais visualiser totalement les scènes (je suis aussi allée à Calais il y a une quinzaine d’années, mais ça, c’est une autre histoire…). Par manque de temps, nous n’avions pas pu visiter le parc du Marquenterre et je dois dire que « Et tu entendras le bruit de l’eau », me donne vraiment très envie de retourner dans cette belle région aux longues plages de sable ! (contrairement à ce que nous fait penser la couverture du livre, mais ça, je l’explique dans mes points négatifs du livre, un peu plus bas dans ma chronique…). Sophie Jomain a donc eu vraiment raison de faire situer son récit dans la Baie de Somme. La saison de l’hiver est un choix judicieux car évidemment, il y a peu de touristes et c’est la nature qui reprend ses droits (et se réveille), ce qui apporte un plus au récit car l’auteure insiste sur le côté sauvage voire misanthrope de Ben, notre héros masculin, qui bosse également à Paris plusieurs mois dans l’année….
2#-Un livre qui donne des références vraies et instructives : Sophie Jomain n’a pas chômé pour son livre et s’est renseignée très sérieusement sur les associations citées dans le livre. Au début du livre, elle cite notamment l’Association Chêne, que je connais, dans la mesure où j’habite en Seine-Maritime. Allez, hop, juste pour votre petite culture générale, sachez que l’association Chêne est située à Allouville-Bellefosse, un tout petit village qui a la particularité d’abriter le chêne le plus vieux de France, un grand-père remarquable de 800 ans (des légendes disent qu’il aurait 1200 ans…). Si vous passez dans le coin, allez y jeter un coup d’œil ! Evidemment, « Et tu entendras le bruit de l’eau » donne aussi envie de s’intéresser aux phoques et je dois dire que j’ai été émue de savoir que beaucoup de bébés étaient abandonnés par leurs mères à partir du moment où celle-ci sentait un danger vis-à-vis des humains (et je ne parle pas des humains qui auraient envie de toucher aux bébés…A partir du moment où il a l’odeur d’un humain sur lui, la mère lui tournera le dos et le laissera mourir sur la plage….Ce qui arrive dans le livre, malheureusement….). Et enfin, Sophie Jomain évoque l’enfer des migrants à Calais. Ce passage aussi était très instructif et très poignant, mais ça, je vous laisse le découvrir dans le livre !
3#-Les écolodges « Le bruit de l’eau » : La location où va vivre Marion notre héroïne durant quelques mois de vacances bien méritées existe vraiment. Du coup, en allant sur leur site internet, cela nous permet de visualiser où logeaient Marion et aussi Ben. Sans parler de la passion du Japon des propriétaires de l’écolodge qui est parfaitement retranscrite dans le récit ! Ce livre est une très bonne pub pour eux et à priori, ils le méritent car ça donne vraiment envie de passer quelques jours dans l’un de leurs écolodges ! (surtout celui de Ben vu la manière originale pour y accéder….).
4#-La romance : Bon, on y vient quand même à cette romance ! Notre héroïne est une trentenaire indépendante qui collectionne les hommes de passage au gré de ses envies et qui n’a nullement l’intention de se fixer pour fonder une famille. Nous la sentons très proche de son père et de sa belle-mère (sa mère est décédée il y a quelques années) ainsi que de son frère. Ses premières rencontres avec Ben vont évidemment partir du mauvais pied, en plus, il faut dire que notre héros bourru ne fait pas beaucoup d’efforts pour être agréable. Ils finissent par se mettre d’accord pour avoir une liaison sexuelle ensemble, sans sentiments (bonjour le romantisme)….Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu SPOILERS J’avoue que j’ai été énervée à certains moments vis-à-vis de l’attitude de Ben qui met en garde Marion de ne pas tomber amoureuse de lui, mais lui, semble aussi possessif (par exemple il est jaloux quand Maxence (l’ex plan-cul et futur boss de Marion) vient rendre visite à la jeune femme à l’écolodge…). Egalement quand Marion s’absente plusieurs semaines de la Baie de Somme car elle court au chevet de son père qui a fait un AVC….Môôôsieur Ben pense que c’est à cause de lui qu’elle est soudainement partie…Non mais quel orgueil, ce mec !!!!! De toute manière, rien n’est gagné d’avance avec lui car il faudra quand même que Marion parte au bout du monde (en Argentine) pour qu’il réalise enfin qu’elle lui manque……Certes, la fin du livre est un peu précipitée à ce niveau-là car j’aurais aimé que Ben s’explique un peu plus à propos de la manière dont il a « rejeté » Marion, notamment suite au décès de Carole, son ex-femme….En tout cas, si le comportement de Ben est un peu moyen à certains moments, je dis chapeau à Marion qui a de la répartie et du courage et qui sait surtout ce qu’elle veut. Enfin une femme qui ne rampe pas devant un homme ! Ben la rejette ? Et bien tant pis pour lui, il ne sait pas ce qu’il rate, elle essaye de lui laisser une dernière chance (quand elle tombe sur lui à Paris sur son lieu de travail) et encore une fois, il se comporte en goujat….C’est trop pour elle et elle a donc raison de ne pas insister et de passer à autre chose sans se morfondre ! Non mais !!!!
Ce que je n'ai pas aimé dans le livre
La couverture du livre : Alors, je voudrais comprendre pourquoi ce sont les falaises d'Etretat (très photoshopées, certes...) sur la couverture du livre alors que l'essentiel de l'action est censée se dérouler dans la Baie de Somme ? A un moment du récit, Marion roule vers la Normandie (sont notamment évoqués Le Havre puis Caen) mais à aucun moment, elle ne parle d'Etretat. J'imagine que cette photo va passer inaperçue pour la majorité des lecteurs, mais pour les Normands et les Picards, confondre la côte d'Albâtre et ses falaises de calcaire avec les longues plages de sable de la Baie de Somme, c'est un peu too much ! Dans la mesure où Etretat est situé pas loin de chez moi (en plus, je gère cette commune dans mon travail), évidemment, moi, ça m'a sauté aux yeux ! Je ne sais pas si Sophie Jomain a eu son mot à dire par rapport à la couverture du livre (d'ailleurs, je trouve que la fille qui pose de dos lui ressemble...) mais ce n'est vraiment pas malin d'avoir mis une photo des falaises d'Etretat à la place de la Baie de Somme (qui se trouve dans une autre région, à plus de 140 km ) et dont les paysages n'ont vraiment rien à voir !
Quelques citations :
« — Vous m’avez démasqué. Ralentissez, on y est bientôt. J’obtempère.
— Devinez quoi ? reprend-il.
— Je tourne à gauche ?
— Exact. C’est là, Le Bruit de l’eau. On est arrivés. La pluie a cessé. Je me gare sur le parking et coupe le moteur, l’air de rien. Ben sort de ma voiture, aussi l’imité-je pour ouvrir le coffre afin qu’il récupère ses affaires.
— Merci infiniment, mademoiselle. Sans vous, je serais encore à attendre au bord de la route.
— Tout le plaisir était pour moi, Ben. Mais vous pouvez m’appeler par mon prénom. Vous savez, Marion !
— Oui… Marion. Je sors les clés de mon sac et enclenche la fermeture des portes. Ben fait des yeux tout ronds.
— Qu’est-ce que vous faites ?
— Je rentre chez moi.
— Vous rentrez chez vous ? Si je le pouvais, je le photographierais. Dans dix ans, il rirait de la tête qu’il fait.
— Eh oui, nous sommes voisins. Bonne soirée, Ben ! Avec un sourire ravi, je le plante là et disparais derrière l’écolodge ».
« — Vous m’avez dit être divorcé, vous avez des enfants ? demandé-je en picorant dans mon assiette.
— Non. Après cette réponse laconique, je laisse passer quelques secondes, m’attends à ce qu’il me retourne la question, mais elle ne vient pas. J’ai pourtant envie qu’il sache que je suis libre comme l’air, c’est pourquoi je prends les devants :
— Moi non plus, je n’en ai pas. Et je ne suis pas mariée. Ben repose son verre de bière et me regarde droit dans les yeux.
— La soirée ne fait que commencer, Marion, mais j’aimerais tout de suite dissiper un doute.
— Je vous écoute.
— Vous savez pourquoi nous sommes là, n’est-ce pas ? À quoi ce dîner va nous mener ? Je m’attendais si peu à une telle entrée en matière que j’en perdrais presque mes mots.
— Je pensais avoir des questions plutôt directes, mais vous me battez à plate couture.
— Marion, vous et moi avons atteint un âge où il est bon d’arrêter de tourner autour du pot. Soit nous passons la soirée à tergiverser, à tâtonner sans savoir où nous allons ni comment se terminera ce rendez-vous, soit nous mettons toute de suite les choses au clair et pouvons nous intéresser l’un à l’autre en connaissance de cause. Je me cale contre le dossier de ma chaise et croise les bras, estomaquée.
— Dans mon métier, j’ai rencontré toutes sortes de personnes, mais quelqu’un d’aussi pragmatique, jamais.
— Verdict ? Dans ce genre de situation, Fendie Miller ne donnerait pas l’impression d’être prise au dépourvu. Mais ces derniers temps, je suis Marion Verdier, une femme posée, réfléchie, et dénuée de toute arrogance. Ben me plaît, c’est un fait, toutefois je n’envisageais pas le lui annoncer comme ça. Alors je cherche les mots justes, consciente que nous n’avancerons pas d’un pouce tant que je n’aurai pas répondu.
— Eh bien… nous sommes d’accord sur la finalité de la soirée.
— Qui est ?
— Oh ! Ben, je ne vais pas vous faire un dessin ! Il sourit.
— Non, ce ne sera pas utile. Nous sommes donc sur la même longueur d’onde. Néanmoins, mettons cartes sur table : je ne cherche aucune relation sérieuse. — Ça a le mérite d’être clair.
— J’essaie toujours de l’être. Sommes-nous aussi raccord sur ce point-là ? Contrat ou pas, il est rare que tout se termine comme c’était prévu, alors c’est typiquement le genre de promesse que personne ne devrait faire. Mais pour ma part, je n’ai jamais été attachée à un homme au point de revenir sur une décision de ce type. Jamais. Je hoche la tête et lève mon verre.
— Nous le sommes. À notre petit accord ! »
« C’est la première semaine des vacances scolaires. Plusieurs naissances ont eu lieu chez les phoques gris, alors nous avons passé la matinée à arpenter les plages et à éloigner les touristes trop curieux. Perturbée ou apeurée, une mère a renoncé à son blanchon, mais l’équipe de Picardie Nature n’a pas pu le prendre en charge puisque de nouvelles directives leur intiment de laisser faire la nature. Selon elles, l’espèce est bien installée et n’est plus en danger. J’ai quitté la zone avec un sentiment de révolte que je n’aurai pas l’occasion de laisser éclater. Mon rôle de journaliste est de relater les faits, et hélas, il arrive que la réalité ne soit ni juste ni idyllique. Lorsque nous avons quitté la plage, le jeune phoque hurlait à la mort pour appeler sa mère qui ne reviendra pas. Il est condamné à mourir de faim ».
Un ton doux pour un roman plein de remises en question, tant professionnelles que personnelles. Cela m'a fait échos sur bien des plans ! J'ai également beaucoup aimé les thématiques engagées présentes l'air de rien dans ce roman. Bref, j'attends mon happy end à l'image de celui de Marion ;)
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