Les Editions J'ai lu (2016)
Sortie originale 2014
376 pages
Synopsis :
Depuis huit longues années, Clio Whitmore attend le bon vouloir de son fiancé Piers, marquis de Granville. Brillant avocat, il parcourt le monde et semble l'avoir oubliée. Lorsqu'elle reçoit un héritage, la jeune femme décide de reprendre sa liberté pour aller vivre dans son château du Kent. Elle voit alors débarquer lord Rafe, le frère cadet du marquis qui, en l'absence de ce dernier, a géré les affaires familiales et espère se consacrer à la boxe, sa grande passion, dès que Clio et Piers convoleront. Il est venu pour organiser ce mariage qui sera parfait. A un détail près : Clio est celle qu'il aime en secret depuis l'enfance...
« Il était si massif qu’il occupait presque tout le passage, et sa virilité brute comblait le reste de l’espace disponible ».
Tessa Dare est l’une de mes auteures préférées en matière de romances historiques. Elle est pour moi une valeur sûre, notamment quand je suis à deux doigts d’avoir une panne livresque.
En effet, pour la petite anecdote, après avoir lu le 3ème tome de la Passe-miroir, j’ai enchaîné sur un autre livre (que je ne citerai pas) dans lequel j’ai eu du mal à me plonger….Et même si je me suis accroché à presque 60% du livre, finalement, j’ai laissé tomber ma lecture….
Du coup, ce fut pour moi du temps de perdu et aussi une motivation en berne…..Il me fallait donc absolument un livre qui change de la romance moderne avec des malfaiteurs (seul indice que je vous donnerai pour le livre que j’ai abandonné) et j’ai tout de suite pensé à la romance historique, notamment celle qui se déroule en Angleterre au début du XIXème siècle…..Comme j’avais déjà lu (et fortement apprécié) les tomes 1 et 3 de la saga Les Héritières (qui peuvent se lire dans le désordre…Enfin, oui et non, j’ai appris dernièrement que le tome 4 doit impérativement être lu après le tome 2… Bref, je m’égare)…..Tout ce que je peux vous dire c’est que j’adore la plume de Tessa Dare et pour Des fleurs pour la mariée, elle a encore fait mouche !
Une nouvelle fois, l’auteure américaine nous gratifie d’un futur couple aux fortes personnalités, avec des joutes verbales pleines d’humour, des personnages secondaires très originaux et bien évidemment comme ce fut le cas pour les tomes 1 et 3, nous avons la présence d’un animal mascotte qui a son petit rôle à jouer (et que nous devrions en tout logique retrouver dans le tome 4 ?....Mystère….).
« Quand elle avait eu dix-sept ans, lord Piers Brandon, le beau et éblouissant héritier du marquis de Granville, avait accédé aux vœux de leurs familles et l’avait demandée en mariage. Un genou à terre dans le salon des Whitmore, il avait glissé à son annulaire une bague en or sertie de rubis. Clio avait eu l’impression de vivre un rêve. À un petit contretemps près : la carrière récente de Piers dans le domaine de la diplomatie étrangère prenait son essor, or Clio était encore trop jeune pour endosser les devoirs d’une maîtresse de maison. Ils avaient toute la vie devant eux, avait-il fait remarquer. Cela ne l’ennuyait pas si leurs fiançailles duraient longtemps ? Elle avait répondu que non. Avec le recul, elle songeait qu’elle aurait dû lui faire une réponse différente. Par exemple : « Quelle est votre définition du mot “longtemps” ? » Huit ans – et toujours pas de mariage – plus tard, Clio attendait encore. Elle était devenue la risée générale. Les journaux à scandale l’appelaient « Mlle Pied de Grue ». Les cancans la rattrapaient partout. Tout le monde se demandait ce qui pouvait retenir le marquis si loin de l’Angleterre et de l’autel ».
Ce que j’ai aimé dans ce livre :
1#-L’évolution de la personnalité de Clio : Maintenant âgée de 25 ans, la belle et pulpeuse anglaise est à la tête d’un château et son domaine qu’elle a reçu en héritage….Et elle attend son fiancé, Piers Brandon, depuis huit longues années….C’est long, tellement long, que finalement Clio a décidé de rompre ses fiançailles…..Car plus les années passent, plus Clio se dit que Piers doit sans doute l’épouser à contrecœur, d’où toutes les excuses qui lui ont été données pour repousser le mariage indéfiniment…..Ce qui est intéressant chez notre héroïne c’est qu’elle a une manière moderne de voir les choses et du coup, cela ne lui fait finalement plus chaud ni froid si elle doit rester vieille fille toute sa vie. Son nouvel objectif c’est de se lancer dans le marché de la bière, de faire de la production de houblon afin de vendre aux brasseries et autres tavernes (et pourquoi pas ouvrir sa propre brasserie). Pour cela, il lui faut son indépendance et comme son fiancé n’est pas là pour signer la dissolution de leurs fiançailles, elle va aller s’adresser au frère de celui-ci, Rafe, qu’elle connaît depuis l’enfance. Mais voilà, Rafe, pour diverses raisons, souhaite tout de même que Clio reste fiancée avec son frère – qui doit rentrer au pays très prochainement – Clio va donc lui proposer de rester auprès d’elle durant une semaine, pour se convaincre mutuellement que l’idée de l’autre est la meilleure…..Je perçois chez Clio une forte intelligence (moins que sa petite sœur, Phoebe, cela dit, mais elle, elle est hors catégorie !...) et surtout, durant le récit, nous allons découvrir la manière dont elle a été élevée, par sa défunte mère, qui a tout fait pour en faire une femme parfaite, quitte à l’affamer pour rentrer dans ses critères de beauté…..Fort heureusement, Rafe préfère les filles girondes aux planches à pain et du coup, peu à peu, Clio va reprendre confiance en elle, elle va s’autoriser à remanger des gâteaux, elle va tenir tête à sa sœur Daphné, qui est la copie de sa mère et surtout elle va vite découvrir que Rafe est le frère Brandon qui lui convient le mieux….
« Il redressa la tête avec surprise.
— Une seconde. Une brasserie ?
— Je vous l’ai dit hier soir : j’ai l’intention de faire quelque chose de cet endroit.
— Vous voulez brasser de la bière, dit-il lentement en la toisant de haut en bas. Vous.
— Oui. Twill Castle est un peu loin de Londres, mais rien qu’ici, dans le Kent, nous pourrons vendre notre production à d’innombrables débits de boissons. Nous disposons d’un espace largement suffisant pour emmagasiner la production sous le château.
— Ah. Vous êtes donc d’accord. Ce sont des caves.
— Comme vous voudrez, dit-elle en levant les yeux au ciel. Ce sont des caves. Et elles sont parfaitement adaptées à cet usage. C’est la configuration rêvée. Même vous, vous ne pouvez qu’en convenir.
— Je ne conviens de rien du tout. Il écarta de son front une mèche humide.
— Quelle idée saugrenue ! Vous ne connaissez rien à la fabrication de la bière.
— Je m’y connais mieux que vous en préparatifs de mariage. Au cours de ces huit dernières années, elle avait non seulement étudié l’étiquette étrangère et les événements internationaux, mais elle s’était tenue au courant des avancées en matière d’agriculture et de gestion des terres. Sa mère soutenait que cette somme de connaissances ferait d’elle l’épouse idéale : elle devait pouvoir discuter avec son mari de n’importe quel sujet susceptible de l’intéresser et de le concerner. Clio s’y était prêtée de bonne grâce. La lecture de tous ces journaux et livres l’avait aidée à passer le temps pendant qu’elle s’acquittait d’une chose ou d’une autre – pendant qu’elle supervisait les cours dispensés à Phoebe par ses précepteurs, qu’elle assistait Daphné durant ses essayages, qu’elle veillait leur mère alitée quand les médecins avaient déclaré qu’il n’y avait rien de plus à faire. En parallèle, Clio s’instruisait. Puis, un beau jour, elle était devenue propriétaire de ce château. Et elle avait compris qu’elle possédait aussi autre chose : tout ce savoir qu’elle avait accumulé était à elle ».
« — Vous voulez donc fabriquer et vendre de la bière, mais vous refusez qu’on vous voie en consommer. C’est absurde.
— C’est parfaitement logique dans ce monde absurde. C’était un homme, il ne se rendait pas compte. On encourageait les femmes à produire toutes sortes de choses : beauté, repas et enfants, le plus communément. Mais ces accomplissements devaient donner l’impression de n’exiger aucun effort. De naître de l’éther et du mystère féminin. Malheur aux demoiselles surprises en train de s’épiler, fût-ce par une amie, ou d’accueillir des visiteurs les mains pleines de farine. Et que dire de celles qui auraient osé admettre leurs désirs ? — Ce n’est pas le lieu, déclara-t-elle.
— Nous sommes dans une taverne. Il n’y a pas plus approprié, comme endroit ».
2#-Rafe : Le simple fait que Rafe aime les femmes « épanouies » est déjà un très bon point pour lui ! Cette montagne de muscles, forgés à force d’entraînement physique et de combats de boxe cache en réalité une personnalité bonne et loyale envers ceux qu’il aime. Son attirance pour Clio date de leur enfance mais comme il avait été décidé depuis très longtemps que Clio épouserait Piers, le frère aîné de Rafe, pour rapprocher les deux familles, bien évidemment, notre héros n’a eu que le choix de s’effacer……En ce sens, j’ai beaucoup aimé sa loyauté envers son frère, même si cela était à l’encontre de son propre bonheur……Nous apprenons dans le livre que Rafe se sent coupable de la mort de son père (heureusement que Clio est là pour lui ouvrir les yeux…) et du coup, nous comprenons aussi la raison pour laquelle la santé du vieux chien Ellingworth est primordiale pour lui, au moins jusqu’au retour de son frère Piers. J’ai beaucoup aimé la manière avec laquelle il a lutté contre son attirance et ses sentiments pour Clio…..Rafe est le genre de personnage à l’apparence brute et sauvage alors que tout (ou presque) n’est finalement que tendresse et de recherche d’amour en son fort intérieur (son père était austère et l’a toujours méprisé d’avoir choisi la boxe à l’Aristocratie, sa mère est morte quand il était enfant)…..Il faut juste que Clio trouve la clé pour le libérer de ses obligations familiales et de ses contraintes sociétales (même si, finalement, c’est un peu paradoxal car s’il veille à ne pas « sortir de la norme » en histoires d’amour, notamment avec le fait de convoiter secrètement la fiancé de son frère, il n’a pourtant pas hésiter à envoyer balader ses contraintes de vie d’aristocrate pour faire des combats de boxe avec « le peuple »…).
« Lancé à grand galop, un cavalier solitaire s’approchait sur un cheval noir en soulevant un nuage de poussière.
— Quelqu’un d’autre est venu de Londres avec vous ?
— Personne.
— Se pourrait-il… Daphné la rejoignit sur le seuil et plissa les yeux.
— Oh non. Se pourrait-il que ce soit Brandon ? Oui. Ce ne pouvait être que Rafe Brandon. Il avait toujours été un cavalier éblouissant. Les chevaux et lui donnaient l’impression d’une entente animale, comme si leurs essences bestiales communiaient. Il immobilisa d’ailleurs sa monture dans l’allée circulaire sans crier ni tirer sur les rênes, uniquement par une ferme pression du genou qui fit volter le cheval. Sans un mot pour l’apaiser, Rafe mit pied à terre souplement. Ses bottes massives crissèrent sur les graviers. Son pantalon était en daim – c’était toujours le cas pour les tenues d’équitation des messieurs, mais Clio aurait parié n’importe quoi que ce pantalon-ci épousait les cuisses de cet homme plus étroitement que la peau du daim ne l’avait fait sur son propriétaire original. Il portait une cape qui flottait au vent, des gants noirs, mais était tête nue, laissant ses boucles noires et lourdes en proie aux bourrasques. Il était le péché incarné. Rien d’étonnant à ce qu’on le surnomme le Suppôt du Diable. Lucifer devait le payer pour faire la publicité de l’enfer.
— Doux Jésus ! murmura Daphné. Crois-tu qu’il se donne du mal pour ressembler à cela ? Clio se réjouit d’apprendre qu’elle n’était pas la seule à être impressionnée par l’allure de Rafe Brandon.
— Je ne vois pas pourquoi il se donnerait cette peine pour nous. Je pense qu’il est ainsi naturellement.
— Ne me dis pas que tu l’attendais.
— Non. Mais elle aurait dû, peut-être.
— Miséricorde, gémit Daphné. On dirait qu’il a l’intention de rester ».
« — Qu’allons-nous faire ? s’étonna-t-elle.
— Je vais vous apprendre à boxer. Elle rit.
— Vous voulez que je frappe votre frère ?
— Non, répondit-il en poussant un divan contre le mur.
— Dans ce cas, je ne comprends pas l’intérêt de la chose.
— Je sais. Mais l’heure n’est plus aux politesses, Clio. Vous devez devenir méchante. Comprendre le pouvoir que renferme votre corps et apprendre à l’exploiter.
— Le pouvoir ? Elle leva un bras délicat.
— Voyez-vous du pouvoir dans ce corps ? fit-elle.
— Oui.
— Vous parlez du pouvoir d’attirer le regard d’un homme, peut-être. Apparemment, il n’a jamais opéré sur Piers.
— Je parle de votre force. Elle est là, elle n’attend que d’être libérée. Ayant écarté la dernière table, il vint se placer devant elle et la regarda dans les yeux.
— Faites-moi confiance ».
3#-La romance entre Clio et Rafe : Avant de devenir sensuelle, comme dans toutes les romances écrites par l’auteure américaine Tessa Dare, la relation entre Clio et Rafe est faite d’affrontements, de piques, de traits d’humour et finalement de grande complicité. Tous les éléments sont mis en œuvre pour que ces deux-là passent un maximum de temps ensemble. Rafe rejoint Clio à son domaine pour la convaincre de se marier avec Piers, son frère aîné, alors que la jeune femme, elle lui a déjà expliqué qu’elle avait renoncé à se marier et souhaitait se lancer dans le commerce de la bière. S’ils se connaissent depuis l’enfance, ils ont perdu le contact durant ces huit années, essentiellement à cause de Rafe, puisque la jeune femme a toujours fait en sorte de lui écrire et de l’inviter à des réceptions (où il ne venait jamais)……Bien entendu, nous comprenons assez vite que si Rafe a refusé tout contact avec la jolie blonde, ce n’est pas parce qu’elle l’indiffère, au contraire, elle constitue une trop grande tentation pour lui !……Il est aussi intéressant de voir la manière dont notre héros prend plaisir à la faire rougir avec ses remarques et ses provocations. Car il faut bien comprendre que Clio est d’un caractère docile et doux et elle constitue l’idéal féminin pour notre beau boxeur qui, a, jusqu’à maintenant, uniquement partagé le lit de femmes en recherche de sensation et de sexe sauvage (certaines même n’hésitaient pas à l’attendre à la sortie du ring, alors qu’il était encore plein de sueur et de sang….). J’ai trouvé l’histoire d’amour entre Rafe et Clio particulièrement romantique. Personnellement, je préfère les romances avec deux inconnus qui se rencontrent mais ici, dans la mesure où nos deux héros se sont perdus de vue une fois sortis de l’adolescence, cela permet de les retrouver adultes et finalement, un peu inconnus l’un de l’autre, d’une certaine manière…..
« Il accélérait l’allure en accédant à l’angle d’un couloir… … lorsqu’il entra en collision avec une personne arrivant de l’autre côté. Clio.
— Wouf ! La force de l’impact la projeta en arrière, telle une sauterelle rebondissant sur le flanc d’un cheval lancé au galop. Il la rattrapa par le poignet pour l’empêcher de tomber.
— Pardon.
— Je vais bien. Peut-être allait-elle bien, mais Rafe quant à lui avait besoin d’un moment pour se ressaisir. Pendant le fugace instant de leur collision, il avait eu l’impression d’être marqué au fer rouge par le contact de ses courbes. La sensation d’une chaleur délicieuse et pulpeuse s’attardait en des endroits inopportuns de son corps. Quelques étages au pas de course ne suffisaient pas. Le lendemain, il faudrait qu’il coure. Loin et vite. Et qu’il donne des coups de poing, qu’il soulève des poids. En abondance ».
« —Rafe, chuchota-t-elle. Je ne craignais rien.
— Je ne voulais pas courir de risque.
— Il ne fallait pas vous inquiéter ainsi. Si je romps les fiançailles ou s’il m’arrive quelque chose, vous savez bien que Piers trouvera une autre femme. Les demoiselles se bousculeront par dizaines. Croyez-moi, je ne suis pas irremplaçable. Il secoua la tête.
— Mais si, je vous assure. Je sais que nos pères désiraient un lien entre nos familles. Mais ils sont morts tous les deux maintenant, et je ne pense pas que… Il posa son pouce en travers de ses lèvres pour la faire taire.
— C’est absurde. Vous êtes irremplaçable.
— Croyez-vous ? demanda-t-elle d’une voix assourdie par son pouce.
— J’en suis certain. Il laissa glisser lentement son pouce sur ses lèvres, et son regard sembla s’y attarder lui aussi. Sa voix baissa d’un ton et prit une vibration impatiente qui fit flageoler les jambes de Clio.
— Je vous le jure, Clio. J’aimerais tant vous faire comprendre… Des bruits de pas en provenance du corridor résonnèrent. Zut ! Aussitôt, Rafe recula et la laissa aller. Non, non ! J’aimerais tant vous faire comprendre… Quoi, exactement ? Que voulait-il lui faire comprendre ? Son point de vue à lui ? Ses erreurs à elle ? Les règles de la boxe ? Et voilà ! Elle était condamnée à passer ses nuits à s’interroger… Et à repenser à son bras serré autour de sa taille. Au pouce qui avait effleuré ses lèvres.
— Grands dieux ! ».
« — J’ai eu tort de vous en parler, dit-elle en reculant. Je me demande même pourquoi j’essaie de vous expliquer mes aspirations.
— Je sais. Je suis une brute stupide et sans éducation. La prochaine fois, parlez lentement et utilisez des phrases courtes.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Vous êtes très intelligent, au contraire, je n’en ai jamais douté. J’aimerais simplement que vous m’accordiez le même crédit.
— Moi ? Je ne vous ai jamais trouvée idiote !
— Vous pensez qu’une jolie robe et un repas de noces suffiront à me faire changer d’avis sur une chose aussi importante que le mariage. N’y voyez-vous pas une insulte à mon intelligence ?
— Voyons, Clio…
— Pas de « voyons, Clio ! »
« — Vous produisez des bruits de gâteau, lui expliqua-t-il.
— Des « bruits de gâteau » ? Qu’est-ce que cela peut signifier ?
— Eh bien, quand vous mangez un gâteau, vous faites des bruits. Clio arrondit les yeux. Il hocha la tête.
— Mais oui. Des soupirs. Des souffles. Des gémissements à peine audibles. Vous adorez les pâtisseries. Du moins, c’était le cas autrefois. Certes, on vous a appris à adopter un comportement guindé et compassé. Mais je sais… Il agita la fourchette sous son nez. — … que vous en avez envie. Elle sentit ses joues s’empourprer.
— En supposant que je produise des… bruits de gâteau, ce qui reste sujet à caution, il n’est pas digne d’un gentleman de les remarquer.
— Sans conteste. Mais je ne suis pas réputé pour être un gentleman ».
4#-Les personnages secondaires : Que ce soit Bruiser, l’entraîneur de boxe de Rafe, qui se fait passer pour un gentleman du nom de Bruno Aberforth Montague ou bien Phoebe la petite sœur au cerveau de génie de Clio, je dois dire que nous avons une flopée de personnages hauts en couleur ! Il n’y a guère que Daphné et son mari Sir Teddy Cambourne qui correspondent aux aristocrates lambda, avec tous les défauts qui vont avec….
« Elle fit entrer M. Montague dans celle donnant au nord.
— J’espère que vous y serez bien. L’homme sortit de sa poche un monocle qu’il porta à son œil et inspecta attentivement la pièce, des tapisseries murales au fauteuil Louis XIV sauvé d’un château français.
— Cela conviendra, dit-il.
— Très bien. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous n’avez qu’à sonner pour appeler l’une des servantes. Clio referma la porte derrière elle et montra à Rafe la chambre bleue qui faisait face à celle de M. Montague.
— Je pense que celle-ci…
— Youpi ! Le cri étouffé venait de la chambre occupée par M. Montague. Lui succéda rapidement un bruit sourd évoquant fortement celui d’un homme qui aurait sauté dans les airs pour se laisser retomber de tout son poids sur un matelas. Il fut suivi d’autres rebonds, et d’un son ressemblant à un gloussement de joie étranglé. Clio pencha la tête et demanda à Rafe :
— D’où m’avez-vous dit que venait M. Montague ?
— Je ne l’ai pas dit. Elle resta immobile, tendant l’oreille, et entendit des portes de placards et des tiroirs de commodes qui s’ouvraient et se fermaient.
— Et tout ce rangement… L’exclamation assourdie fut suivie d’un sifflement approbateur.
— Sapristi, il y a même un bar ! Elle fronça les sourcils en se tournant vers Rafe, qui répondit avec un haussement d’épaules défensif :
— C’est l’un des confrères diplomates de Piers. Sa dernière mission devait se trouver dans je ne sais quelle contrée lointaine dénuée de tout confort. Vous savez ce que c’est. Plutôt que de poursuivre sur le sujet, elle le fit entrer dans la chambre bleue.
— Voilà. J’espère que cela vous conviendra, ainsi qu’à votre bouledogue ».
5#-Le vieux bouledogue Ellingworth : La saga des Héritières imaginée par Tessa Dare a cette petite particularité d’y inclure à chaque tome un animal « mascotte ». Dans ce 2ème tome, l’auteure reste relativement classique puisque c’est un chien, un vieux bouledogue anglais, pour être plus précis, qui est le mini héros de l’histoire. En effet, Ellingworth est un très vieux chien de quatorze ans, qui serait considéré comme un centenaire s’il était humain. Il est à l’origine le chien de Piers, mais quand celui-ci a quitté l’Angleterre pour ses missions de diplomate c’est Rafe qui fut chargé de s’en occuper….Et je dois dire qu’il prend à cœur sa tâche car le chien est chouchouté et soigné comme s’il était l’héritier du trône d’Angleterre ! En même temps, cela explique sans doute pourquoi il vit encore malgré son âge canonique ! Attention zone spoilers ! Cliquez sur le mulot et passez le texte en surbrillance ! Ouh la, il faut quand même que je vous dise que j’ai eu un moment d’angoisse (et de tristesse) quand le pauvre chien fut retrouvé agonisant dans le parc par Rafe et Clio…..Avant de découvrir en même temps qu’eux que le chien jouait la comédie (petit jeu qu’il faisait avec son maître Piers et comme celui-ci surgit à ce moment -là dans le domaine, la tentation fut trop grande pour le chien !)……Pour tout vous avouer, j’aurais presque préféré que le chien meurt réellement à ce moment-là (oui, je suis un monstre sans cœur !) car cela aurait apporté une petite touche dramatique au récit…..En plus, à quatorze ans, c’est un âge très honorable pour un chien (je suis bien d’accord avec la sœur de Clio, Phoebe, à ce sujet-là !)…..Mais non, finalement, la dernière heure n’est pas encore arrivée pour le papy chien… Et en plus de cela, il n’hésite pas à renier les années de soin de Rafe pour retourner sans vergogne auprès de Piers……Et après, on dit que les chiens sont des animaux fidèles et loyaux…..Ca dépend pour qui, apparemment ! Pauvre Rafe !
« Tendant les bras à l’intérieur du véhicule, il en ressortit le bouledogue le plus gras, le plus vieux et le plus laid qu’on puisse concevoir. Seigneur ! Quelle antiquité… Même ses plis étaient plissés. (…)
— Voici Ellingworth, annonça Rafe en ôtant ses gants. Clio s’inclina.
— Bonjour, monsieur Ellingworth. Rafe secoua la tête.
— Ellingworth est le chien.
— Vous avez un chien ?
— Non. C’est celui de Piers. Il la dévisagea comme si elle était censée le savoir. Et pourtant, elle l’ignorait. Comme c’était curieux. Elle ne se rappelait pas que Piers ait jamais mentionné un chien, à l’exception de la meute que gardait son métayer à Oakhaven.
— Un vestige de ses années à Oxford, expliqua Rafe. Une histoire de mascotte, ou un canular, peut-être… Quoi qu’il en soit, il vit avec moi. Il a quatorze ans, et il lui faut un régime spécial et des soins continus. J’ai tout fait consigner par le vétérinaire ».
« — Quel bon toutou, comme nous sommes fiers de toi ! Rafe se leva pour ôter son manteau et le draper sur les épaules de Clio. Elle refusa en secouant la tête, lui prit le vêtement des mains et en recouvrit le chien.
— Il en a plus besoin que moi. Peu à peu, leur petit groupe s’étoffa.
— Mon Dieu… Daphné et Teddy les rejoignaient.
— Est-il…
— Bientôt, répondit Clio.
— Par Jésus et tous ses saints ! s’écria Bruiser en arrivant à son tour, sans prendre la peine, pour une fois, de dissimuler l’accent trahissant ses modestes origines. Il ne va pas nous lâcher maintenant ? Il y a certainement quelque chose à faire. Phoebe fut la suivante à les rejoindre.
— Il a quatorze ans, dit-elle en s’accroupissant à côté de Rafe. L’espérance de vie habituelle chez un bouledogue ne dépasse pas douze ans. Si l’on compare la durée de son existence à celle d’une vie humaine, il est presque centenaire. Nous n’avons donc aucune raison d’être surpris. Ni même, d’ailleurs, de le pleurer. Il a vécu longtemps. Rafe hocha la tête.
— Je sais.
— Cependant, je… Phoebe jeta les bras autour de lui pour l’étreindre maladroitement.
— Je suis désolée pour votre chien. Seigneur, Clio allait certainement se mettre à pleurer, maintenant ».
6#-L’humour : Que ce soit le comique de situation ou les échanges entre personnages, ce tome 2 m’a beaucoup fait sourire et parfois même m’a fait rire ! Je n’en attendais pas moins de la part de l’auteure Tessa Dare qui a toujours le chic pour mettre ses personnages dans des situations loufoques ou totalement ubuesques !
« — Tout de même, mademoiselle… Nous devrions convenir d’un signal.
— Un signal ?
— Un mot que vous pourriez crier en cas de détresse. Par exemple, Tanger… ou… je ne sais pas, muscadine. Clio adressa un regard amusé à sa bonne.
— L’expression « au secours » ne vous plaît pas ?
— Ma foi… je suppose que oui..
— Allons, dit-elle en souriant, attendrie par l’air déçu d’Anna. Va pour muscadine ».
« — Lord Rafe, s’il vous plaît. Voudriez-vous bien cesser de…
— De finir vos phrases ? Elle réprima un gémissement contrarié. Il s’immobilisa en plein effort.
— Ne me faites pas croire que je me suis trompé sur la fin de celle-là. Non, il avait eu raison. C’était le plus exaspérant ».
« — Deux mots, Rafe. Soie italienne. Dentelles belges. Modiste française. Perles de culture, brillants, ruchés…
— Sans être mathématicien, je suis relativement certain que cela fait plus de deux mots.
— Les robes, déclara Bruiser en lui frappant le bras. Voilà tes deux mots : les robes. Elles sont arrivées. Et elles sont somptueuses.
Je doute fort que cela suffise. Mlle Whitmore est une demoiselle nantie. Elle n’a jamais manqué de belles robes.
— Pas comme celles-ci. Crois-moi, elle ne pourra pas résister. Mince, même moi, j’ai envie de les porter ! Rafe ouvrit la porte de sa chambre.
— Au cas où il serait nécessaire de te le préciser : abstiens-t’en.
— D’accord. Je ne m’habillerai pas en dame. Pas cette fois. Il leva les deux mains.
— Je plaisante, je plaisante ».
Pour conclure, comme je m’y attendais, j’ai passé un très bon moment de lecture en compagnie de Clio et de Rafe dans ce 2ème tome de la saga des Héritières. L’auteure américaine Tessa Dare manie la plume avec perfection, que ce soit dans les situations romantiques, romanesques et sensuels mais aussi les moments d’humour et parfois, les passages un peu « dramatiques ». La seule chose que je regrette c’est de ne pas avoir lu plus tôt ce livre. En plus, il a eu le mérite de me sortir d’un début de panne livresque alors que demander de plus ?! Quoi qu’il en soit, si vous êtes amateur de romance historique, se déroulant au début du XIXème en Angleterre, je vous recommande à 100% ce tome 2 de la saga des Héritières ! (Et j’espère vivement que l’auteure nous consacrera un tome à la petite sœur de Clio, la jolie et géniale Phoebe !).
Ma note : 17,5/20
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