jeudi 30 mars 2017

LES DEMOISELLES DE SPINDLE COVE - Tome 3 : Un mariage au clair de lune


Tessa Dare
Les Editions J'ai Lu (2014)
sortie originale 2012
382 pages

Synopsis :
Professeur de musique, Kate Taylor a su trouver sa place à Spindle Cove malgré le fait qu'elle soit orpheline et pauvre. Un jour surviennent les Gramercy, qui prétendent qu'elle fait partie de leur noble famille. Kate croit son rêve enfin devenu réalité lorsque le caporal Samuel Thorne, chef de la milice, s'interpose. De nature méfiante, il veut protéger Kate et se présente d'office comme son promis. Kate accepte cette mascarade, le temps que sa filiation soit prouvée. Pourtant, au fil des semaines, elle s'attache à ce fiancé si sérieux, mais pourra-t-elle le garder lorsque sera révélé le terrible secret de sa naissance ?

« — Vous n'auriez pas dû faire cela, dit-il.
— J'en avais envie. Cela fait-il de moi une fille facile ?
— Non. Cela fait de vous une fille fragile. Les jeunes filles comme vous n'ont rien à faire avec les hommes comme moi.
 — Les hommes comme vous ? Vous voulez dire, ceux qui volent au secours de demoiselles en détresse dans la rue et qui transportent des chiots dans leur sacoche ? Elle fit semblant de frissonner en ajoutant :
— Que Dieu me préserve de tels individus. Un sourire timide joua aux coins de sa bouche. Il eut envie de le dévorer. De la prendre dans ses bras et de lui enseigner les conséquences qu'il y avait à taquiner une bête à peine civilisée et remplie de concupiscence. Mais sauver cette fille était l'une des rares choses correctes qu'il eût accomplies dans sa vie. Dix-neuf ans auparavant, il avait vendu les derniers vestiges de sa propre innocence pour acheter celle de Kate. Plutôt mourir que de causer sa perte maintenant. Fermement, il dénoua ses bras accrochés à son cou. Il la tint par les poignets, qu'il encercla aussi sûrement que des menottes. Elle étouffa un petit cri.
— Prenez garde, mademoiselle Taylor. Je suis coupable de ce baiser. C'était une liberté et une erreur de ma part. J'ai laissé une impulsion charnelle me distraire de mon devoir. Mais si vous imaginez que j'éprouve pour vous de tendres sentiments, détrompez-vous. Elle se tordit pour échapper à ses mains.
— Vous me faites peur.
— Tant mieux, répondit-il d'une voix égale. Ayez peur. J'ai tué plus d'hommes que vous n'en embrasserez dans toute votre existence. Je ne suis pas fait pour vous, et vous ne m'inspirez absolument aucun sentiment. Il lui lâcha les poignets.
— La discussion est terminée ».

Ce 3ème tome de la saga Les demoiselles de Spindle Cove met en vedette le très taciturne Caporal Thorne et la lumineuse professeur de musique Kate Taylor. Ces deux-là ne peuvent pas être plus opposés l’un de l’autre au niveau de leur personnalité et leur caractère et pourtant, force est de constater qu’il existe entre eux un lien particulier depuis leur rencontre il y a maintenant plus d’une année quand le Caporal a débarqué avec ses deux acolytes dans le village de ces fameuses demoiselles….

Malgré les efforts du Caporal Thorne pour paraître menaçant et bourru afin que la jeune femme ne s’approche pas de lui, il n’empêche que celui-ci est souvent obligé de la côtoyer notamment depuis qu’ils ont respectivement « pris la tête » du village de Spindle Cove, Kate en tant que responsable du pensionnat des jeunes filles et Thorne en tant que gradé dans la milice constituée par le Lieutenant-Colonel Bramwell qui profite actuellement de sa vie d’époux et de jeune papa à Londres auprès de Susanna et de leur petite fille.

« — J'espère que vous ne prenez pas trop à cœur les manières de Thorne, mademoiselle Taylor.
— Qui donc, moi ? Un petit rire forcé.
— Allons donc, j'ai du discernement, ajouta-t-elle. Pourquoi prendre à cœur les paroles d'un homme sans cœur ? Elle passa l'index sur le rebord de la tasse, songeuse.
— Mais je vais vous demander un service, monsieur Fosbury.
— Tout ce que vous voudrez, mademoiselle Taylor.
— La prochaine fois que je serai tentée de tendre un rameau d'olivier au caporal Thorne en gage d'amitié… Elle haussa un sourcil et souleva la tasse dans ses doigts délicats.
— … faites-moi penser plutôt à le frapper sur la tête avec ».

Par rapport aux quelques ombrageux mais néanmoins délicieux échanges entre nos deux héros dont l’auteure nous a gâtée depuis le 1er tome, j’attendais avec une très grande impatience Un mariage au clair de lune, surtout que le Caporal Thorne correspond parfaitement à mes goûts en matière de héros masculin dans une romance…..Je ne vous cache pas que j’ai vraiment adoré une bonne partie du livre mais malheureusement, certaines attitudes de notre héros bourru  - qui a tendance à décider à la place des autres, notamment de la jolie Kate - m’ont un peu agacée à certains moments et du coup, ce 3ème tome passe à côté du coup de cœur !

Ce que j’ai aimé dans ce livre :
1#-Le côté protecteur de Thorne : Même si vers la fin du livre, j’ai pu être exaspérée par l’attitude de notre Caporal bourru, il n’empêche que les scènes où il vient au secours de Kate, notamment lors de leur « rencontre » en ville ont enchanté mon cœur de midinette ! Tessa Dare a le chic pour créer des situations où nos deux héros sont obligés de se confronter, de se parler, de se cerner, de se comprendre. Car même si le Caporal Thorne a fait tout son possible pour éviter la jeune femme durant l’année passée depuis son installation à Spindle Cove, force est de constater que tout s’accélère dans ce tome et il ne peut plus reculer ou se cacher….Il va devoir faire face à la jeune femme (ou lui venir en aide, puisqu’il se déclare quand même comme étant son « soupirant » quand la famille Gramercy vient annoncer que Kate fait peut-être partie de leur famille)…..C’est drôle de voir qu’il est constamment prêt à la secourir mais aussi prêt à la repousser….Rendez-vous compte qu’elle ne connaît même pas son prénom ! (Tout le monde l’ignore à Spindle Cove, cela dit, et pour une raison bien précise qui nous est expliqué dans le livre…).

« — Je… Je suis désolée, monsieur. Il fit claquer son fouet sur les pavés.
— Alors, ôtez-vous de mon chemin. Espèce de sale petite… Il élevait le bras à nouveau, et Kate se protégea de son coude. Aucun coup ne tomba. Un inconnu s'était interposé.
— Menacez-la encore, l'entendit-elle avertir le chauffeur, et je vous cinglerai jusqu'au sang, misérable. Les mots étaient efficaces. Lentement, la charrette s'éloigna. Tandis que deux bras puissants l'aidaient à se relever, le regard de Kate escalada une véritable montagne humaine. Elle vit d'abord deux bottes noires cirées. Des culottes de nankin tendues sur des cuisses en granit. L'habit rouge reconnaissable d'un officier. Son cœur manqua un battement. Elle connaissait cet habit. Elle avait probablement cousu les boutons en laiton sur ses manchettes. C'était l'uniforme de la milice de Spindle Cove. Elle était dans des bras familiers. Elle était sauvée ! En relevant la tête, elle trouverait un visage amical. À moins que…
— Mademoiselle Taylor ? À moins que ce ne soit lui.
— Caporal Thorne, chuchota-t-elle. Un autre jour, Kate aurait ri de cette ironie. De tous les hommes susceptibles de la secourir, il fallait que ce soit celui-là.
— Mademoiselle Taylor, que diable faites-vous ici ? Devant la dureté de son ton, elle se raidit.
— Je… J'étais venue en ville acheter de nouvelles partitions pour Mlle Elliott, et pour… Elle ne put se résoudre à évoquer sa visite à Mlle Paringham.
— Mais j'ai fait tomber mon paquet, et maintenant j'ai raté la diligence. Quelle idiote ! Idiote marquée par la honte, indésirable.
— Et me voilà bien embarrassée. Je n'ai pas apporté suffisamment d'argent pour dormir quelque part à Hastings.
— Vous n'avez pas d'argent ? Elle se détourna, incapable de supporter la réprimande dans son regard.
— Quelle idée de parcourir toute seule une si longue distance !
— Je n'avais pas le choix, dit-elle d'une voix étranglée. Je suis seule au monde. Sa main se resserra sur son bras.
— Je suis ici. Vous n'êtes plus seule, à présent. Guère de poésie dans ces mots. Un simple constat, sans bonté particulière. Si le véritable réconfort consistait en une tranche de pain complet, ce qu'il lui offrait là n'étaient que quelques miettes. Tant pis. Elle mourait de faim, et n'avait pas la dignité de refuser.
— Je suis désolée, parvint-elle à articuler en ravalant un hoquet. Vous n'allez pas aimer ceci. Et Kate tomba dans ses bras immenses, rigides et inhospitaliers. Où elle éclata en sanglots ».

« — Je vous suis reconnaissante. Je ne sais même pas si je vous l'ai dit tout à l'heure, à ma grande honte. Mais je vous remercie pour votre aide. J'ai passé une journée affreuse, et en voyant votre visage…
— Ce fut le coup de grâce. Elle protesta en riant.
— Non. Je ne voulais pas dire cela.
— Si je ne m'abuse, vous avez fondu en larmes. Elle baissa le menton et lui coula un regard sous ses cils.
— Serait-ce un trait d'humour ? De la part du sévère et intimidant caporal Thorne ? Il ne dit rien. Elle l'observa qui donnait au petit chien des morceaux de pain trempé dans le lait.
— Mon Dieu, dit-elle. Quelle sera votre prochaine manœuvre ? Un clin d'œil ? Un sourire ? Ne riez surtout pas, sans quoi je risque de m'évanouir. Kate le taquinait gentiment, mais elle pensait sincèrement chacune de ses paroles. Sa beauté et sa virilité lui causaient déjà de puissants éblouissements. Si par-dessus le marché il faisait preuve d'un peu d'esprit, ce serait une véritable catastrophe. Heureusement, il répondit avec sa froideur habituelle :
— Je suis le chef de la milice de Spindle Cove en l'absence de lord Rycliff. Vous êtes une citoyenne de Spindle Cove. Il était de mon devoir de vous aider à rentrer chez vous saine et sauve. Voilà tout.
— Eh bien, je me réjouis d'entrer dans le cadre de votre devoir. L'incident avec le conducteur de la charrette était ma faute. Je me suis précipitée dans la rue sans regarder.
— Que s'était-il passé auparavant ?
— Qu'est-ce qui vous fait penser qu'il s'était passé quelque chose ?
— Cela ne vous ressemble pas d'être distraite. Kate mastiqua lentement son pain. Certes, il avait vu juste, mais sa remarque l'agaça. Il l'évitait comme la peste. Que savait-il d'elle ? De quel droit décidait-il de ce qui lui ressemblait ou non ? Mais elle n'avait aucune raison de taire la vérité ».

2#-La passion refoulée (et contrôlée) du Caporal Thorne : Allons bon ! Depuis le premier tome j’attendais la scène du baiser entre Kate et lui ! Et du coup, je n’ai pas été déçue ! C’était sauvage et passionné, à l’image de notre héros taciturne qui fait pourtant tout pour cacher son amour pour la jeune femme ! Ce sont des moments comme celui-là que j’adore lire dans les romances ! (surtout quand on l’attend depuis plusieurs tomes !). Il faut savoir que la saga est écrite à la 3ème personne du singulier mais l’auteure alterne les points de vue de Kate ou de Thorne. Si bien que malgré les apparences, nous savons, nous, lecteurs, tout ce que pense le Caporal et parfois, c’est totalement à l’opposé de ses actions (dommage pour Kate qui se fait constamment rabrouer par lui…).

« — Qu'est-ce donc ? Pour l'amour du ciel, qu'y a-t-il en moi que vous trouviez insupportable au point de ne pouvoir rester dans la même pièce que moi ? Il étouffa un juron et dit :
— Cessez de me provoquer. Vous n'allez pas aimer ma réponse.
— Je veux pourtant l'entendre. Il plongea une main dans les cheveux de Kate, ce qui lui arracha un petit cri. Ses doigts se recourbèrent au creux de sa nuque. Ses yeux sondèrent son visage, et toutes les terminaisons nerveuses du corps de la jeune femme se mirent à crépiter. Le soleil jeta entre eux une dernière langue de lumière orangée, incendiant l'instant.
— Voilà ce que c'est. Il fléchit le bras, l'attira et l'embrassa. Comme il faisait toute chose. Avec cette même intensité, cette même force tranquille. Ses lèvres fermement pressées contre les siennes exigeaient une réaction. Elle repoussa sa poitrine.
— Lâchez-moi.
— Oui, mais pas tout de suite. Son étreinte l'immobilisait. Elle ne pouvait pas s'échapper. Pourtant, Kate n'avait pas peur de lui. Non, ce qui l'inquiétait, c'était l'ardeur affamée dans ses yeux. La chaleur entre leurs corps. La soudaine lourdeur de ses seins, de ses membres, de son ventre. La folle accélération de son pouls. L'air semblait chargé de possibles. Il se pencha pour l'embrasser encore et, cette fois, son instinct la fit réagir autrement. Elle se hissa sur la pointe des pieds. Lorsque ses lèvres touchèrent les siennes, elle se sentit ramollir. Il la serra davantage contre lui, et l'enlaça de son autre bras. Elle n'essaya même pas de résister. La voix de sa conscience devint muette, ses paupières battirent sous l'exquise reddition. Elle soupira, aveu éhonté de son désir ».


3#-Le caractère de Kate : Malgré une enfance difficile privée d’amour parental puisque Kate est une jeune orpheline élevée dans un pensionnat austère auprès de saletés de bigotes, Kate a néanmoins réussi à garder un caractère positif et enjoué. Sa sensibilité d’artiste y est sans doute pour quelque chose, tout comme le fait d’avoir finalement trouvé refuge dans le petit village « ami des femmes » Spindle Cove. Du coup, quand elle se retrouve face au très sombre Caporal Thorne, elle ne sait quoi penser surtout que celui-ci n’arrête pas d’être - comme par hasard - pas loin d’elle où qu’elle se trouve, tout en étant très distant par son comportement (on pourrait presque dire « menaçant). Bien entendu, un dialogue va peu à peu s’établir entre eux, par la force des choses, vu les circonstances, et il est donc très intéressant de voir comment la belle va réussi à apprivoiser la bête…..



« Kate avait été bien plus heureuse que la plupart des autres orphelins. L'atmosphère de l'école de filles de Margate était certes austère, mais on ne l'avait pas battue, ni affamée. Elle s'était fait des amies et avait reçu de l'instruction. Et surtout, on lui avait enseigné la musique en l'encourageant à la pratiquer. Non, vraiment, elle n'avait pas à se plaindre. Margate avait pourvu à tous ses besoins. À une exception près. L'amour. Durant toutes les années qu'elle y avait passées, elle n'avait jamais réellement connu l'amour. Elle aurait pu en concevoir de l'amertume, mais Kate ne se complaisait pas dans la misère. Même si son esprit n'en gardait plus de traces, son cœur se rappelait l'époque qui avait précédé Margate. Un vague et lointain souvenir de bonheur résonnait dans chacun de ses battements »

4#-La famille Gramercy : les supposés cousins de Kate (jusqu’à preuve du contraire) sont très excentriques. Nous avons Lord Drewe, qui a vécu la mort de sa bien-aimée il y a quelques années et qui est très protecteur envers ses sœurs et maintenant, Kate, sa nouvelle supposée cousine….Au point de lui proposer de l’épouser pour renforcer leurs liens familiaux et la légitimité de la jeune femme en tant que nouvelle héritière…..Deux autres membres de cette famille sont assez marquants, je pense notamment à tante Marmouset qui est très sympathique, même si, nous allons l’apprendre par la suite, a des choses à se reprocher et enfin, il y a la sublime Harriet (ou Harry), une sorte de Lady Oscar plus vraie que nature qui assume totalement son homosexualité féminine. Avec leur plus jeune sœur, Lark, les voilà qui débarquent à Spindle Cove avec le tableau d’une femme qu’ils ont retrouvé dans leur château comme étant le portrait de la maitresse de leur oncle….Et cette femme ressemble énormément à Kate….et pourrait donc être sa mère....L’enquête est lancée. L’espoir va naître dans le cœur de notre héroïne qui n’attend que ça, de retrouver la trace de son passé !…Si elle peut gagner en prime des cousins et des cousines (et une tante) loufoques et tolérants qui ont l’air heureux de la considérer comme l’une des leurs, pourquoi pas ?! Par contre, cela n’est pas du tout du goût du Caporal Thorne car s’il avait déjà d’énormes complexes d’infériorité vis-à-vis de la jeune femme (qui lui empêchent de lui avouer son attirance…et son amour), le fait qu’elle puisse être finalement une aristocrate va constituer un obstacle de plus aux désirs non avoués de notre beau soldat (qui est compliqué à suivre car il l’aime mais il ne veut pas l’aimer, pour son bien à elle …..Ce sens du sacrifice poussé à son paroxysme, au bout d’un moment, cela tourne vraiment au ridicule !….Mais voilà que je commence à dire du mal du Caporal ! flute ! je devrais attendre d’être dans la partie de ma chronique des choses que je n’ai pas aimé…).

« Enfin, elle eut fini de déballer l'objet et le présenta à la lumière. Kate laissa échapper un cri.
— Mon Dieu ! C'était le portrait d'une femme allongée en tenue d'Ève, emmêlée dans des draps blancs sur fond de velours rouge. Ses seins lourds aux pointes sombres reposaient tels deux coussins sur un ventre arrondi par une évidente grossesse. Elle ressemblait de façon frappante à Kate, hormis quelques différences dans les yeux et le menton, et l'absence de tache de vin. La similitude était troublante, presque inquiétante.
— Mon Dieu, répéta Kate dans un murmure. Le visage de Lark rayonnait.
— N'est-ce pas magnifique ? Devant ce tableau, nous avons su immédiatement que nous devions essayer de vous retrouver.
— Rangez ceci, déclara Thorne en faisant un pas en avant. C'est indécent.
— Je vous demande pardon, répondit Harry en posant fièrement le nu sur le manteau de la cheminée et en reculant pour l'admirer. Le corps féminin est magnifique dans tous ses états naturels. Il s'agit d'art.
— Rangez-le, répéta Thorne d'un ton grave et menaçant. Si vous ne voulez pas que j'en fasse du petit bois.
— Il veut simplement protéger son amie, intervint tante Marmouset. C'est charmant. Un peu sauvage, mais charmant. Harry prit le châle des épaules de Lark et en drapa la moitié du tableau pour dissimuler le plus gros de la nudité.
— Ce petit village arriéré… Tous des philistins. Le pasteur, lui, s'est mis à bredouiller et a eu une poussée d'urticaire.
— Vous… Kate déglutit sans quitter des yeux la peinture.
— Vous avez montré ceci au pasteur ?
— Bien entendu, répliqua Lark. C'est ainsi que nous vous avons retrouvée. Kate croisa les bras sur sa poitrine avec l'impression absurde d'être exposée. Elle se pencha en avant et scruta le visage du modèle.
— Mais cela ne peut pas être moi.
— Non, mademoiselle Taylor. Ce n'est pas vous. Avec un grand soupir patient, lord Drewe se leva et s'adressa à sa famille.
— Vous comprenez, j'espère, que vous êtes en train de tout gâcher. Si par la suite Mlle Taylor ne veut plus entendre parler de nous, vous ne pourrez-vous en prendre qu'à vous-mêmes. Que diantre pouvait-il vouloir dire ? Le cerveau de Kate décrivit un effort paresseux sous son crâne. Le caporal s'adressa à l'assemblée d'une voix forte et autoritaire :
— Je vous donne encore une minute pour essayer de vous faire comprendre. Autrement, aristocrates ou non, vous quitterez les lieux. Mlle Taylor et sous ma protection et il n'est pas question qu'on la malmène. Lord Drewe se tourna vers Kate.
— Je vais être bref. Comme a tenté de vous l'expliquer ma plus jeune sœur, je suis le chef assiégé de ce capharnaüm ambulant. Et nous vous avons attendue, mademoiselle Taylor, parce que nous croyons que vous en faites partie.
— Je vous demande pardon… partie de quoi, exactement ? Il fit un geste d'une main, comme si cela allait de soi.
— Partie de la famille ».


5#-Le chiot Glouton : Comme dans la plupart des livres de Tessa Dare (en tout cas, tous ceux que j’ai lus jusqu’à maintenant), il nous fallait un animal mascotte pour apporter son petit grain de sel au récit. Ici, dans Un mariage au clair de lune, nous avons droit à ce jeune chiot, éduqué pour être un parfait chasseur puisque le Caporal Thorne a le projet de quitter l’Angleterre pour partir comme trappeur ou explorateur en Amérique. C’était sans compter Kate, qui va tomber sous le charme du jeune chien et qui va demander au Caporal si elle peut s’en occuper (et celui-ci ne va pas oser lui refuser…). Je pense que l’auteure a eu raison d’inclure cet animal dans l’histoire, déjà pour montrer que Thorne n’est pas aussi insensible qu’il le prétend car il a des gestes de tendresse envers l’animal. Ce chien va être un précieux allié à nos deux amoureux qui n’osent ni l’un ni l’autre faire le premier pas…..



« Kate savait bien qu'elle n'offrait pas à un petit chien en pleine croissance la maison idéale. Mais elle pouvait donner à Glouton de l'amour, et c'était ce dont il avait le plus besoin. Sally secoua la tête.
— En êtes-vous certaine ? Rufus m'a dit que le caporal Thorne voulait se procurer un chien de chasse. Il en a commandé un tout spécialement à un éleveur. Les chiots comme celui-ci coûtent cher, je crois. Kate contempla l'animal dans ses bras. Glouton ? Un chien de valeur ? Cette petite bête si amusante, tout en longueur et maigrichonne, avec son pelage tacheté qui n'était ni vraiment ras ni vraiment frisé ? On aurait dit une perruque animée. Et si Thorne y tenait tant, il le lui aurait certainement dit.
— Vous devez faire erreur, Sally ».

6#-Le sort des orphelins de cette époque : C’est une bonne chose que l’auteure Tessa Dare ait abordé le sujet des enfants abandonnés qui sont élevés à la dure dans des orphelinats par des « mères la morale » cruelles et bigotes. Certes, Kate n’a pas trop souffert à l’orphelinat, à part d’un manque d’amour (et du mépris des vieilles institutrices). J’ai moi-même deux enfants et je dois dire que je suis très touchée quand je lis des histoires qui évoquent la souffrance affective (ou physique) d’enfants. Certes, nous sommes au début du XIXème siècle dans cette saga, et même si c’est une œuvre de fiction, il ne faut pas oublier que dans la réalité, le sort des orphelins à notre époque n’a pas beaucoup changé, notamment dans certains pays….Je me rappelle d’avoir regardé une fois un reportage sur un orphelinat en Europe de l’Est…..Et de voir ces petits enfants dans la cour, emmitouflés dans leurs manteaux avec leurs bonnets et leur écharpe et de me dire qu’ils sont SEULS AU MONDE, sans l’amour d’une maman, cela m’avait totalement bouleversée (j’ai déjà expliqué dans mon blog que j’étais hypersensible)….J’avais revu ce même reportage quelques mois plus tard, et encore une fois, je m’étais mise à pleurer en voyant ces pauvres petits enfants qui ne devaient pas avoir plus de 5 ans…..Puisque l’on en est aux confidences, je me rappelle aussi d’avoir vu un reportage sur la Bulgarie avec un homme qui était handicapé, paralysé sur sa chaise roulante, depuis son enfance…..Il vivait (ou plutôt survivait) évidemment chez ses parents qui n’avaient pas beaucoup de moyens et on le voyait qui pleurait face aux journalistes car il se rendait bien compte qu’il était un poids pour ses parents….Il y a vraiment des gens qui vivent d’horribles drames humains….Il ne faut jamais oublier que nous avons une chance inouïe de vivre en France car même si tout n’est pas parfait – notamment pour les handicapés – c’est quand même Byzance par rapport à certains pays du monde (en même temps, dans certains pays, les handicapés n’ont pas le temps d’atteindre l’âge adulte….). Bref, tout ça pour dire que la partie de l’enfance malheureuse de Kate (mais aussi celle aussi terrible de Thorne) narrée par l’auteure m’a beaucoup touchée et il ne faut jamais oublier que les enfants sont les premières victimes de notre monde, et cela, depuis que l’humanité existe (et encore plus quand les grossesses étaient non désirées mais inévitables…).  

« — Mademoiselle Taylor. En répétant le nom de Kate, la voix de l'ancienne institutrice devint cinglante. Instinctivement, Kate se redressa sur sa chaise. Deux yeux perçants la dévisageaient.
— Mademoiselle Taylor, je vous conseille de renoncer immédiatement à fouiller ce genre de pistes.
— Mais c'est impossible ! J'ai passé ma vie à me poser ces questions, mademoiselle Paringham. J'ai essayé de suivre vos exhortations et de me réjouir de ma chance. J'ai des amis. Je pourvois à ma subsistance. J'ai la musique. Mais je ne connais toujours pas la vérité. Je veux savoir d'où je viens, même si c'est difficile à entendre. Je sais que mes parents sont morts, mais peut-être pourrais-je contacter ma famille ? Il doit bien y avoir quelqu'un quelque part. Le moindre détail pourrait être utile. Un nom, une ville, un… La vieille femme frappa sa canne sur le plancher.
— Mademoiselle Taylor. Même si je possédais des renseignements, je les emporterais dans ma tombe. Kate s'affaissa sur son siège.
— Mais… pourquoi ? En guise de réponse, Mlle Paringham afficha une mine réprobatrice.
— Vous ne m'avez jamais aimée, chuchota Kate. J'en étais sûre. Vous m'avez toujours bien fait comprendre, sans même avoir à le dire, que si vous vous montriez polie envers moi, c'était à contrecœur ».

«— Puis-je savoir pourquoi tant de haine ? Je me suis montrée reconnaissante pour la moindre chose qui m'a été donnée. Je n'ai jamais causé d'ennuis. Je ne me suis jamais plainte. Je m'occupais de mes leçons et j'avais de bonnes notes.
— Précisément. Vous ne manifestiez aucune humilité. Vous vous comportiez comme si vous aviez le même droit d'être heureuse que n'importe qui. Toujours à chanter. Toujours à sourire. L'idée était si absurde que Kate ne put s'empêcher de rire.
— Vous me détestiez parce que je souriais trop ? Aurais-je dû être mélancolique et boudeuse ?
— Honteuse, aboya Mlle Paringham. Une enfant de la honte devrait vivre coupable. Un silence pétrifié s'installa. Une enfant de la honte ?
— Que voulez-vous dire ? J'ai toujours cru que j'étais orpheline. Vous n'avez jamais parlé de…
— Mauvaise créature. Dieu lui-même vous a marquée en décidant que vous porteriez cette honte sur votre visage, accusa Mlle Paringham en tendant un doigt osseux. Muette, Kate appliqua une main tremblante sur sa tempe. Du bout des doigts, elle frotta machinalement la tache, comme elle l'avait fait jeune fille, comme si elle pouvait l'effacer de sa peau. Toute sa vie, elle avait cru être une enfant aimée, dont les parents avaient péri prématurément. Quelle horreur de penser qu'elle avait été rejetée, indésirable ! Ses doigts s'immobilisèrent sur sa marque de naissance. Rejetée peut-être à cause de cela.
— Pauvre imbécile, fit l'autre avec un ricanement caustique. Vous rêviez d'un conte de fées, n'est-ce pas ? Vous imaginiez qu'un jour un messager frapperait à votre porte pour vous annoncer que vous étiez une princesse ravie à ses parents ? Kate s'ordonna de garder son calme. Mlle Paringham était une vieille femme solitaire et pernicieuse qui ne vivait que pour faire du mal à autrui. Elle ne lui offrirait pas le plaisir de voir qu'elle l'avait bouleversée ».

Ce que je n’ai pas aimé dans ce livre :
1#-La sensualité de Thorne : Comment un mec qui se dit froid et qui explique à Kate qu’il « n’a pas de cœur » et utilise les femmes pour se « soulager » peut savoir comment donner du plaisir à une femme sans chercher à en prendre lui-même ? C’est toujours ce qui m’interpelle dans les romances historiques écrites par des auteurs contemporains (enfin, je pense surtout aux livres publiés depuis les années 2000) où le héros masculin descend systématiquement « à la cave » pour satisfaire sa partenaire… Allons bon, nous voici face à un anachronisme manifeste des pratiques sexuelles ! Je ne jette pas la pierre à Tessa Dare car toutes ses copines auteures de romances historiques font pareil, que les récits se déroulent au temps des highlanders du 14ème siècle où à celui des cow boys du Far West ou de aristocrates de l’époque Victorienne….J’avoue que cela commence à me gonfler sérieusement car c’est un fait établi que le plaisir féminin n’est accepté (et valorisé) dans nos sociétés occidentales que depuis quelques décennies (pour être vraiment optimistes…) et qu’il est encore annihilé dans certains coins du monde (je pense notamment à l’horreur de l’excision sur les fillettes musulmanes). Du coup, tomber à chaque fois sur des héros (pourtant décrits comme des gros rustres virils et machos) qui se préoccupent d’abord du plaisir de leur partenaire féminine puis, à la rigueur, jouiront ensuite, me fait doucement rigoler…Dans une romance contemporaine ou new adult, c’est ok, car c’est entré dans les mœurs comme quoi, un bon amant doit savoir satisfaire sa partenaire, mais dans les romances historiques, excusez-moi, mais c’est franchement mensongé…Le Caporal Thorne, on l’imagine (ou plutôt, je l’imagine) plus en levrette à plaquer sauvagement la tête de sa partenaire contre le matelas qu’à lui prodiguer des caresses sensuelles sur le corps….Du coup, je suis surprise de le découvrir si patient et si expert en initiateur de plaisir face à la pure et virginale Katie…C’est à cause de la mode actuelle des romances historiques de mettre du « sexe moderne » dans les récits…..Jane Austen se retournerait dans sa tombe si elle lisait des livres de notre époque, je suis prête à le parier ! (Je passe mon coup de gueule dans ce 3ème tome de la saga des Demoiselles de Spindle Cove, mais cela vaut pour la quasi-totalité des romances historiques, attention ! Mais là, du coup, c’est le Caporal Thorne qui en prend pour son grade ! tant pis pour lui !).

2#-L’égoïsme de Thorne : Je l’ai évoqué un peu plus haut dans ma chronique, mais franchement, parfois l’attitude du Caporal m’a fait lever les yeux ou ciel ! Tu l’aimes, ta Katie, oui ou merde !!!! Et si tu l’aimes, arrête de nous faire un caca nerveux et te prendre la tête comme quoi, tu ne la mérites pas ! Et si elle, elle veut que tu deviennes l’homme de sa vie, si elle t’accepte avec ton passé et tes défauts, pourquoi tu veux tout foirer en la forçant à se marier avec un autre ? Pourquoi ?????!!!!! Si le Caporal Thorne n’avait pas été si con dans certaines de ses attitudes, il aurait pu devenir l’un de mes book boy-friends favoris de mes lectures 2017 car j’adore les personnages taciturnes et froids qui cachent leur sensualité et leur romantisme derrière des kilos de muscle et de brutalité….C’est loupé pour ce coup-là !

Pour conclure, j’ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de la douce Kate et du sombre Thorne. Un mariage au clair de lune est le tome que j’attendais avec impatience depuis la rencontre entre nos deux héros dans le 1er tome. Et malheureusement, le problème avec les attentes impatientes, c’est que bien souvent, on extrapole et parfois, on est un peu déçu du résultat….Si j’ai beaucoup aimé le début de ce livre, avec le jeu du chat et de la souris entre notre futur couple, il y a néanmoins certains éléments à propos du comportement très autoritaire et « paternaliste » du Caporal Thorne que j’ai eu du mal à digérer, notamment le fait qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour « fiancer » la femme qu’il aime à un autre, pour, soit disant, lui éviter de se marier avec lui (car il a une très mauvaise estime de lui-même et ne veut pas « salir » la jeune femme)….Et ce que Kate veut, alors ? Ce n’est pas important ?....Sinon, à part cet aspect négatif de la personnalité de notre héros, je dois bien admettre que concernant la trame de l’histoire, Tessa Dare m’a ravie avec l’apparition de la famille d’aristocrates déjantés que sont les Gramercy. Du coup, qu’ils se sentent à leur aise au village de Spindle Cove ne m’étonne pas du tout ! Comme toujours, il y a beaucoup d’humour dans ce livre, de la sensualité et du romantisme….Il va de soi que le côté dramatique de l’histoire aurait pu être évité si le Caporal Thorne ne s’était pas autant pris la tête avec ses scrupules et ses états d’âmes bien égoïstes (à mon sens…). Moi qui pensais que ce personnage serait mon préféré du livre, finalement, c’est plutôt Kate qui a remporté tous mes suffrages, notamment grâce à sa personnalité lumineuse et optimiste et je dois dire que j’ai passé un bon moment de lecture en enquêtant en même temps qu’elle sur les traces de son passé oublié….Et bien voilà, il ne me reste plus qu’à lire le quatrième et dernier tome de cette fabuleuse saga, ce que je vais faire tout de suite !


Ma note : 17/20


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