John Marsden
Les Editions J'ai lu (2000)
Sortie originale - 1996
220 pages
Synopsis :
Jamais jusqu'ici je n'avais demandé d'aide à Fiona. Du moins jamais je ne lui avais demandé de risquer sa vie pour moi. Mais ma panique et mon désespoir étaient tels que je ne pensais plus qu'à sauver ma peau. Je ne voulais pas mourir à genoux dans cette brousse. Je ne voulais pas mourir seule. Alors, je rassemblai mes dernières forces et appelai : - Fiona, aide-moi, je t'en supplie ! Je m'en voulus aussitôt. Je savais que je l'exposais à un terrible danger.
"S'ils me mettaient la main dessus, je n'avais aucune chance. Mon état d'esprit était celui d'un desperado. Comme dans les films noirs, je m'étais juré qu'ils ne m'auraient pas vivante. Pour moi, ce n'était plus un cliché hollywoodien, mais bel et bien une réalité".
Après le final vraiment époustouflant du 3ème tome, je me suis évidemment jetée sur le volume suivant pour connaître la suite des aventures de nos jeunes australiens. C'est sans surprise que "le soufflet est un peu retombé", surtout au début du livre qui est pour moi un peu comme une sorte de transition. Fort heureusement, l'auteur, John Marsden, ne nous fait pas languir très longtemps et nous replonge assez vite dans l'action pour notre plus grand plaisir !
J'ai encore une fois pris grand plaisir à lire les aventures d'Ellie et de ses amis. Nous assistons dans ce tome à une espèce de "retour aux sources", puisque nos jeunes héros sont envoyés en mission à Wirrawee accompagnés par des militaires néo-zélandais.
Ce que j'ai aimé dans ce tome :
1#-L'escale néo-zélandaise : En effet, nos héros avaient été rapatriés à la fin du 3ème tome par des troupes néo-zélandaises, ce pays étant très proche (autant géographiquement qu'"amicalement") et est, pour ainsi dire, le seul qui intervient réellement pour aider les australiens contre le pays ennemi maintenant devenu colonisateur....Certes, cela fait bizarre de voir revenir nos amis à la "vie normale" pendant quelques mois, même si ce n'est qu'une apparence et que les traumatismes sont bien présents, d'ailleurs, Ellie va se "perdre" un peu dans ce pays, ce qui va la pousser à vouloir "se retrouver" enfin chez elle, en Australie.....Par contre, on pourrait se dire que c'est étonnant qu'une fois en sécurité dans ce pays allié, ils décident tous de repartir "en guerre", mais en réalité, ils n'ont pas vraiment le choix, ils ne peuvent pas refuser la demande (ou plutôt l'ordre) des militaires néo-zélandais qui leur demandent de retourner sur le terrain pour leur servir de guide......Et puis, il y a leurs familles qui sont toujours prisonnières là-bas, même si nous savons maintenant que les conditions de vie des australiens ont beaucoup changé puisqu'ils sont utilisés comme "esclaves" auprès des colons nouvellement installés dans le pays par l'armée étrangère victorieuse.....
"Tout avait commencé à Nouvelle-Zélande où nous avions passé près de cinq mois. Nous avions échappé à un cauchemar, du moins, le pensions-nous. La vérité, c'est qu'il y a des cauchemars auxquels on n'échappe jamais. Celui-là nous avait poursuivis à travers la mer de Tasman".
"Le colonel Finley, quand il s'adressait à nous, nous parlait toujours comme si nous étions des soldats sous ses ordres. Il ne faisait pas de différence entre nous autres et le reste de ses hommes. La différence c'est qu'eux s'étaient engagés à prendre des risques, à faire la guerre et à tirer sur des gens. Pas nous ! Il me semblait que, pas plus tard qu'hier, nous avions encore besoin d'un agent pour traverser la rue devant l'école. Oui, je sais, dans d'autres pays des gamins sont enrôlés dès l'âge de onze ans, mais qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse ?".
"Pour être honnête - et je crois l'avoir été depuis que j'ai commencé ce récit -, je dois avouer que je pensais qu'is ne nous demanderaient rien simplement parce que nous avions déjà tellement fait. Bon sang, n'avions-nous pas pris assez de risques ? N'avions-nous pas enchaîné les offensives ? N'avions-nous pas fait sauter un navire, dévasté le port de Cobbler's Bay et tué un général à Wirrawee ? Lee n'avait-i pas reçu une balle dans la jambe ? N'avions-nous pas perdu trois de nos camarades dont aujourd'hui encore je ne peux prononcer le nom ? N'avions-nous pas regardé la mort en face et senti son étreinte glacée sur notre nuque ? Que pouvaient-ils exiger de plus ? Devions-nous tous mourir avant qu'enfin ils déclarent 'C'est bon, vous avez fait votre boulot. Vous êtes démobilisés jusqu'à la fin de cette guerre'. Jusqu'où nous faudrait-il aller ? Rien que d'y penser, je sens que je m'énerve. Je sais qu'il n'y a aucune logique dans tout ça. Je sais que tant que nous serons en guerre, ils ne pourront pas dire : 'OK, les gars, on va continuer sans vous. Vous avez besoin d'un break d'un ou deux ans".
2#-Beaucoup d'émotion à Wirrawee : En effet, ce n'est pas facile pour nos amis de retourner dans la ville où ils ont grandit, où ils ont tous les souvenirs "d'avant guerre"....Certains vont devoir faire face aux dures réalités de la vie quant au sort de leur famille, quant à d'autres, ils vont avoir l'immense joie de pouvoir enfin reprendre contact avec leurs parents.....Ces passages sont vraiment très poignants car nous suivons évidemment tout cela du point de vue d'Ellie et nous pouvons ressentir ses joies, ses peines, ses sentiments parfois confus où se mêlent la jalousie mais aussi le bonheur.....C'est vraiment très prenant ! John Marsden continue avec son talent d'écrivain à nous faire ressentir les états d'âme de son héroïne mais aussi les sentiments et les mises au pied du mur de certains de ses camarades.....C'est poignant !
4#-Quelques jolies réflexions de l'auteur, via son héroïne, Ellie, des anecdotes, des notes d'humour : Comme toujours, je me délecte des pensées, de l'intelligence de cet auteur !!!! C'est vraiment génial !!!!
"J'aime que les gens plantent des arbres qui mettront des siècles à pousser. Ces gens-là ne sont pas égoïstes, ils pensent aux autres, aux générations futures qui profiteront du fruit de leur travail. Les bons fermiers sont un peu pareils : 'Vis comme si tu devais mourir demain, mais exploite ta terre comme si tu devais vivre éternellement', me disait mon père".
"En Nouvelle-Zélande, beaucoup de garçons portent des shorts à l'école, y compris au lycée. Ils ont l'air un peu ridicules, ces grands dadais en culotte courte, mais ça nous donne l'occasion d'admirer leurs jambes".
"J'avais beaucoup regardé la télé - des rediffusions de vieux nanars la plupart du temps. Depuis son entrée en guerre, la Nouvelle-Zélande avait mis fin à toutes ses importations, à l'exception des armements, parce que sa balance des paiements était complètement déséquilibrée par les achats d'équipements militaires. Elle avait donc cessé d'acquérir des programmes et des films étrangers, lesquels avaient totalement disparu des écrans de télévision et de cinéma. Certains Néo-Zélandais considéraient que c'était trop cher payer pour aider l'Australie. Ils nous auraient laissés tomber sans remords pour une nouvelle saison des Simpsons, et je dois admettre que je comprenais leur point de vue".
"J'étais impatiente de descendre dans Hell. Cet endroit était comme ma maison désormais. Mon foyer se trouvait en enfer. Quelle conclusion pouvait-on en tirer à mon sujet ? Qui vivait en enfer ? Je connaissais la réponse : le diable et les âmes damnées. Et moi, qui étais-je ? La plupart du temps, je pensais connaître aussi la réponse à cette question-là. Mais parfois, j'avais l'impression d'être moi-même un démon. Certains actes que j'avais commis me faisaient frémir et me donnaient la nausée"."Nous étions à présent prêts pour ce qui serait notre première - et peut-être dernière - chevauchée ensemble. Une image me vint à l'esprit, celle des quatre cavaliers de l'Apocalypse. Qui étaient-ils ? Je n'en avais pas la moindre idée, mais la comparaison me plaisait. Comme eux, nous étions quatre, comme eux, nous galopions vers l'Apocalypse".
"Il est dans la nature humaine de protéger sa vie à tout prix. Et pas seulement dans la nature humaine. Dans la nature tout court. J'ai vu ce qu'un kangourou pris au piège peut faire aux chiens qui tentent de l'approcher. Mais si Dieu m'avait donné un esprit, une conscience et une imagination qui me permettait de me mettre à la place de quelqu'un d'autre, c'était certainement pur que je m'en serve, et pas pour que j'agisse sans me poser de questions. Je ne suis pas un kangourou. Alors je me suis demandé - et je me demande toujours - si j'avais bien agi. Une autre chose que m'avait donné Dieu, c'est le sens des responsabilités. Parfois, j'aimerais qu'il ait oublié de me faire ce cadeau empoisonné. Parce que maintenant que je l'ai, quand je commets un acte dont je pense qu'il est peut-être répréhensible, je ne peux pas m'en laver les mains. J'avais tué, peut-être plusieurs de mes semblables. Cet acte, je l'avais commis. Il m'appartenait et je devais l'assumer. Ces soldats étaient morts la nuit dernière, et mon cheval aussi. Une fois encore, j'avais décidé que ma vie valait plus que la leur. Or je ne connaissais même pas ces gens. Pour moi, ils étaient de parfaits étrangers. Est-ce qu'il y avait un dessein derrière tout ça ? Est-ce que je méritais de vivre et ces gens de mourir ? Est-ce que c'était une épreuve qu'on m'envoyait ? Est-ce que j'étais destinée à découvrir un traitement contre le cancer, à sauver l'humanité ? Et supposons qu'un de ces soldats ait été destiné à retourner un jour à la vie civile et à découvrir un traitement contre le cancer ? Cela n'arriverait jamais maintenant, puisqu'il était mort".
"Les guerres ont fait des millions, des centaines de millions de victimes. Certaines sont mortes dans des circonstances stupides. Un autre poème écrit pendant la Première Guerre mondiale que m'avait donné à lire le professeur de Dunedine parlait d'un soldat qui ne voulait pas utiliser les mêmes latrines que les autres. Comme il s'éloignait pour pisser à l'écart de ses camarades, il s'était fait descendre par un tireur d'élite. L'auteur du poème disait que cette mort n'avait rien de risible. Ce soldat avait payé le prix pour vivre selon ses propres valeurs. En quoi est-ce ridicule ? Que chaque homme soit jugé selon ses actes. Moi, j'ai payé le prix pour vivre en accord avec moi-même. Le prof avait dû me l'expliquer, car à l'époque, je n'avais pas compris. Parfois je me dis que la poésie a déjà tout exprimé. Donc, beaucoup de gens sont morts dans les guerres, et certains pour des broutilles. Pourquoi en serait-il autrement pour nous ? Si Fiona et moi mourions à cause d'un éternuement ou d'un sac de sucre, qu'est-ce que ça aurait d'extraordinaire ? On ne ferait que rejoindre le contingent des centaines de millions d'autres victimes".
"Nous devenions très bon à ce jeu de cache-cache, des pros de la planque. Un talent comme un autre. J'avais toujours admiré l'habilité des renards qui se glissent dans un poulailler et en ressortent sans être vus, ne laissant derrière eux que du sang et un nuage de plumes. Nous étions en train de devenir pareils".
5#-Si ça, c'est pas du vécu ?!!! En effet, John Marsden nous donne toujours plein d'anecdotes dans ses différents tomes, mais cette fois-ci, il redit quelque chose qu'il avait déjà évoqué dans le 1er tome.....Du coup, pas de doute possible, je suis sûre et certaine que cette anecdote-là est bien issue du vécu de l'auteur, de ses expériences personnelles, de ses souvenirs familiaux !
"Oncle Bob, qui était entrepreneur dans le bâtiment, était venu visiter avec elle la maison qu'elle avait choisie. Je l'avais suivi de pièce en pièce tandis qu'il faisait son inspection. Il levait à tout bout de champ les yeux vers le plafond. -Qu'est-ce que tu fais, oncle Bob ? Avais-je demandé. Alors il avait plongé son regard dans le mien et m'avait répondu : -Les gens ne regardent jamais ce qu'il y a au-dessus d'eux. Si ceux qui ont construit cette maison ont fait du mauvais boulot, tu le sauras en levant la tête. Si ces gars sont des malins, ils se seront arrangés pour que tout ce qui se trouve au niveau des yeux ait l'air impeccable. J'avais été très impressionnée par sa sagacité. Il avait dû tenir le même raisonnement à papa, parce que celui-ci me le répéta quelques mois plus tard qu'il colmatait un trou fait par un opossum".
La réponse à une question que je me posais depuis le 1er tome : Attention zone spoilers (cliquez sur le mulot et passez en surbrillance sur le texte)
En effet, la meilleure amie d'Ellie, Corrie, avait été blessée au dos, par balle, dans le 1er tome, ce qui avait conduit Kevin à la ramener au champ de foire.....Ellie l'avait revue dans le coma et finalement, ça y est, nous savons enfin que la pauvre Corrie n'a pas survécu à sa blessure. Ce passage est poignant dans le livre, tout comme le moment où Ellie réalise que les parents de Lee ont été tués eux aussi, malgré toute la dignité dont fait preuve le jeune homme qui n'évoque pas ce drame auprès de ses amis mais leur parle plutôt de leurs parents respectifs.....J'ai aussi beaucoup aimé quand Lee explique l'enfance de sa mère, nous avons ici l'exemple typique du sort des "boat people" (un terme plus du tout utilisé à notre époque mais dont j'entendais souvent parler quand j'étais enfant, dans les années 80, et pour cause.....).
"La tombe de Corrie correspondait au troisième petit monticule de terre. Son nom et la date de sa mort étaient gravés sur la croix blanche. Et c'était tout. Des larmes coulaient sur mon visage sans que je puisse rien faire pour les retenir. Je ne pleurais pas comme on pleure habituellement. Il n'y avait pas de sanglots. Lee me tenait la main, heureusement. Sinon, je crois que je me serais effondrée. Et si j'étais tombée, comme un mouton victime de la sécheresse, je ne me serais jamais relevée. Voilà l'effet que la guerre a sur vous. Si elle ne vous tue pas d'un coup, elle vous détruira à petit feu. De toute façon, elle finira par vous avoir".
"J'avais l'impression irritante qu'il avait vingt ans de plus que moi. C'était le cas en ce moment. Peut-être que les gens vieillissaient brusquement quand leurs parents mouraient".
Pour conclure, encore une fois, je suis conquise par cette saga. Ce 4ème tome est particulier car il n'est plus une sorte de "huis-clos" uniquement constitué de notre groupe d'amis. Des personnages extérieurs et surtout alliés à leur cause interviennent momentanément. La seule chose que je déplore, c'est que l'identité du pays ennemi qui a maintenant colonisé l'Australie et mis en esclavage ses habitants n'est toujours pas révélée alors que nos héros passent plusieurs mois au début du livre hors des horreurs de la guerre, en Nouvelle-Zélande. C'est le seul bémol "surréaliste" que j'apporte à cette saga mais sinon, c'est toujours avec un énorme plaisir que j'achève ce livre et me plongerai très bientôt dans la suite !
"Même en temps de paix, cela coûte cher d'être la personne que vous voulez être, de vivre la vie que vous jugez juste. Eh bien, j'aurai au moins appris ça : peu importe ce que ça coûte, on ne peut pas vivre au rabais, ni vivre pour rien. Payez le prix et soyez fiers de l'avoir payé. C'est tout ce qui compte".
Ma note : 18/20
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